Le parc marin de Wakatobi
Nous avons un certain amour pour l’Indonésie, nous avons visité Bali avec Bali dive trek, et Ikan dive, Raja ampat et la mer de bandas avec le Tidak apa pa. Nous sommes cette fois partis explorer le parc marin de Wakatobi.
Wakatobi est un archipel d’îles situé au sud-est de Sulawesi. Pour ceux qui ne connaissent pas Sulawesi est la 11eme île au monde avec une forte superficie, située à l’est de Bornéo et à l’ouest des Raja ampat. Wakatobi est un parc marin qui comporte quatre îles de tailles importantes, durant notre séjour nous n’avons pu visiter que l’île principale Wangi-wangi.
Wakatobi, possède un resort luxueux qui est très réputé mais qui est complètement coupé du reste de l’île, il s’adresse donc à une clientèle de luxe mais a toutefois contribué au développement de la région. Il est dommage de venir jusqu’à Wakatobi sans sortir de son resort, il y a beaucoup pour s’occuper, comme ses petits marchés et ses warung.
Wakatobi est arrêté dans le temps on imagine vite à quoi Bali pouvait ressembler il y a plus de 50 ans. Les habitants sont accueillants, chaleureux et toujours heureux de rencontrer des étrangers.
Si l’archipel est exceptionnel, il est très peu visité, une des causes principales pour laquelle l’île ne reçoit que peu de touristes est probablement dû aux faites de son accès difficile. Il faut prendre à peu près 3 vols au départ de Bali ou 2 vols à partir de Jakarta pour arriver à destination. Cela dit, cela rend la destination pour nous très intéressante puisque peu visitée, l’île garde grâce à cela un caractère unique, on est très loin des foules de touristes comme à Sanur, Bali.
Sulawesi Dive Trek
Pour ce séjour, Sulawesi dive trek (SDT) nous a accueilli les bras ouverts. Geré par Robin Cuesta, ce parisien du 93 a un parcours assez atypique mais nous reviendrons sur son histoire par la suite. Pour le logement Sulawesi dive trek peux vous loger dans l’hôtel de son centre partenaire, le logement est sommaire car sans douche chaude, mais la chambre privative reste confortable, climatisé et surtout un accueil incroyablement chaleureux de Akas le partenaire Wakatobien de Robin. Il existe aussi un hôtel à 2 pas de là avec un peu plus de confort. Wakatobi en exploration ne s’adresse pas aux plongeurs qui recherchent les resorts 5 étoiles mais bien aux plongeurs baroudeurs qui veulent s’immerger dans la culture locale.
L’archipel est un parc marin depuis 2002 avec une riche densité de 750 espèces de coraux, 960 espèces de poissons tropicaux, 3 espèces de tortues. Le parc marin est listé en tant que réserve biosphère par les Nations Unies. Il s’y trouve une mangrove incroyable, d’une grande richesse en oiseaux qui vaut la peine d’être explorée.
Mais l’attraction principale reste la plongée souterraine, surpris ? Robin formateur et plongeur technique est un explorateur hors pair. Il a découvert et exploré de nombreuses grottes sous-marines sur Sulawesi et à Wakatobi. Sur Wangi wangi pour l’instant parmi les grottes explorées, rien de très profond. Le site se prête par contre parfaitement à la formation en cave diving. Il reste encore de nombreuses cavernes à explorer sur l’île et surtout sur les autres recoins de Sulawesi. Robin ne lésine pas en la matière et monte des expéditions pour les plongeurs cave les plus expérimentés.
Qui est Robin Cuesta?
Robin a eu un parcours assez unique au départ dans l’informatique, ce jeune parisiens du 93 découvre la plongée en 2006 lors d’un baptême à Cuba. En 2007 il repart en vacances et passe un open water à Saint Martin. En 2013 il part en Thaïlande, et passe son divemaster, à cette période la Robin découvre les joies du tek et bascule du côté obscur. De retour en France, il fait la rencontre de Pascal Bernabé, plongeur souterrain de renom. Il est surtout connu pour son record en plongées qu’il a maintenu durant de nombreuses années, Pascal le formera jusqu’au niveau de full cave diver. En 2015 il passe un cross over instructeur chez SSI et devient instructeur déco tek TDI avec Pascal Bernabé qui est un de ces mentors. Il finit ce curriculum en devenant instructeur caverne en 2017, intro to cave en 2018 et full cave en 2019. Il est important de noter Robin a également fait la rencontre de Franck Brehier, un des premiers explorateurs souterrains à Sulawesi qui a grandement contribué à conseiller et à former Robin.
La découverte des cavernes de Sulawsi
Voilà donc le parcours académique de Robin, mais comment diable Robin a-t-il atterrit sur Wangi wangi ? Tout a commencé par un séjour sur Buton une île de Sulawesi. Sur place, il fait la rencontre d’un jeune homme sympathique qui le convie à un bbq. Lorsqu’il s’y rend tous les jeunes portent des t-shirts de plongeurs, il s’engage alors dans une longue conversation durant laquelle il découvre l’existence des cavernes. Après un rapide coup d’œil Robin décide de repartir sur Bali pour récupérer un peu plus de matériel adéquat, ce seras avec l’aide d’Antoine Martin et Marc Crane de Bali dive trek sur qui il pourra compter.
A son retour sur Buton, il passe presque 2 mois chez le jeune indonésien avec qui il parcourt l’île de Buton mais aussi sur l’île de Bau Bau et explore de nombreuses cavernes, en tout sur les 39 grottes explorées seuls 4 sont exploitables. A ce moment du récit Robin ne veut pas en rester là, il décide d’aller explorer une autre partie de Sulawesi et s’attarde sur Wakatobi. Il y fait la rencontre de Akas Hamid sont futur partenaire, sur place il découvre 38 cavernes sur l’île de Wangi wangi, 26 sur l’île de Tomia et au cours de ces explorations un fort lien d’amitié se crée avec Akas. A partir de ce moment il décide de créer une affaire ensemble qui ne se concrétisera que tout juste récemment avec l’association supplémentaire de Bali dive trek, Sulawesi Dive Trek voit le jour.
Si Robin est un aventurier acharné il est aussi un excellent formateur, il peut vous accueillir sur Wangi wangi ou d’autres îles de la province de Sulawesi a la carte selon votre choix et désir de formations.
C’est un excellent plongeur sidemount et même si vous êtes déjà formé au sidemount il pourra perfectionner votre trim. Ce garçon plein de qualités à le sourire aux lèvres et les formations sont qualitatives. Malgré la bonne humeur il est extrêmement attentif aux détails et au comportement de ses élèves sous l’eau, il est capable de vous apporter des conseils holistiques au fur et à mesure de la formation sidemount, cave, ccr ou tek le tout en cursus TDI ou IANTD. Cela faisait un certain temps que nous n’avions pas vu un formateur aussi exigeant et scrupuleux sur les détails. On en ressort grandi et avec une expérience qui devient un atout.
Durant nos plongées sur Wangi wangi nous avons eu le plaisir de pouvoir plonger dans différentes cavernes. Il faut savoir que les réseaux d’eau souterrain sont la source d’eau principale de tous les habitants de l’île. Des tuyaux un peu partout plongent dans les abysses des cavernes et pompent directement l’eau vers les réservoirs d’habitations.
Jusque-là tout va bien en apparence, sauf que voilà la plupart des cavernes sont de petites cénotes, et les habitants utilisent aussi ces eaux pour se baigner, se laver les dents et surtout faire la lessive. Ça peut paraître choquant mais ce sont pourtant les pratiques utilisées depuis des décennies surtout qu’en Indonésie les shampoing, lessive et dentifrice sont emballés dans des petits sachets individuels à usage unique et sont bien souvent jetés à l’eau après leur usage. Dieu merci les cavernes ne sont pas polluées tout au long des boyaux mais surtout dans les entrées et les abords des cavernes.
Cela peut paraître surprenant mais personne ici n’avait conscience du problème étant donné que personne ne met vraiment la tête sous l’eau, et après tout personne ne les avait prévenus jusque-là. Mais après la visite de Robin de nombreux Wakatobien ont pris conscience du problème que cela représentait tant sur le plan écologique que pour leur propre santé. Grâce à Robin et Akas nous avons pu participer à l’un des tout premier nettoyage de caverne et nous en avons profité pour récupérer quelques clichés qui font mal au cœur quand on connaît la beauté du lieu et la gentillesse des habitants de Wakatobi. Certains officiels sur place nous ont promis de mettre en place des panneaux pour informer et des poubelles. Lorsque nous les avons questionnés ils sont très favorables à imiter leur grande sœur Bali et d’interdire aussi le plastique. Même si les stigmates du plastique sont encore présents nous avons pu remarquer lors de notre dernière visite une légère amélioration sur les quantités incroyables de plastique.
Si les sinkholes de Wakatobi sont actuellement un peu délabrées à leur entrée, Robin travaille dur à leur protection. Il ne faut surtout pas s’arrêter sur ce détail. Ces îles perdues entre la mer de Bandas et Sulu méritent que l’on s’y attarde pour ces plongées atypique, ces paysages incroyables, sa faune riche mais aussi ce sourire incroyable presque gravé dans les traits de ses habitants. En venant sur Wakatobi hors des sentiers battus, loin des destination phares des voyagistes vous motiverez l’autorité locale à réagir et à rapidement changer ces pratiques.
Nous avons posé quelques questions à Robin Cuesta pour conclure ce reportage.
Qu’est qui fait que Wakatobi est une destination unique et atypique ?
Pour moi Wakatobi est une destination unique et atypique premièrement de par son éloignement. L’accès par 2 vols depuis la Capitale Jakarta met une forme de barrière au tourisme de masse. Ensuite la culture et le caractère très convivial et ouvert de ces indonésiens rend tout séjour sur place très agréable, il y a une forme de bon vivre à la wakatobienne que l’on ne retrouve que dans peu d’endroits à travers le monde, en général ces petites îles isolées. La relative propreté de l’archipel et de la mer qui l’entoure est quelque chose d’assez rare dans cette partie du monde. La santé et l’abondance du corail ainsi que l”incroyable biodiversité et les profondeurs sans fins des tombants rendent les plongées à Wakatobi très particulières. Enfin le fait d’avoir des récifs de classe mondiale à quelques centaines de mètres de grottes d’eau douce en fait un parfait endroit pour des vacances sous l’eau et sous terre.
Quel est ton meilleur souvenir en mer et en caverne a Wakatobi ?
Mon meilleur souvenir en mer à Wakatobi est ma première plongée. Pas de rencontre avec une grosse bête ou un événement particulier mais après 3 mois passés sous terre à explorer les caves dans toute la région, ma première plongée en mer m’a fait un vrai effet “WAOUH” : les couleurs, la vie, le mouvement, cela m’a rappelé à quel point j’aimais aussi plonger en mer.
Niveau Cave mon premier souvenir a été ma première exploration, mes premiers mètres de fil déroulé, la peur, l’excitation et la joie quand j’ai vu au loin la lumière d’une sortie, connectant pour la première fois dans la région deux sinkholes (ou Cenotes). Le début d’une longue série.
Que penses-tu de la pollution des cavernes de Wakatobi ? As-tu organisé d’autres clean up depuis notre venu ?
Je pense que la prise de conscience environnementale à Wakatobi est déjà ancienne. L’archipel est devenu parc national en 2002 et est depuis longtemps un terrain d’action pour des ONG internationales. Cela se voit, les rues sont bordées de poubelles qui sont régulièrement ramassées et la mer est globalement assez propre. Le problème majeur pour moi n’est pas une question de conscience, la majorité des gens savent que la nature doit être préservée et qu’elle est potentiellement génératrice de revenu touristique à l’avenir mais les réalités du quotidien sont plus fortes que la vision à long terme et il est parfois difficile pour nous occidentaux de le figurer et le comprendre. Oui la pêche intensive ou la pêche d’espèce protégées est une atteinte à l’intégrité environnementale, la plupart le savent, mais la rentrée d’argent immédiate et nécessaire pour nourrir la famille et la communauté passe avant l’éco-conscience. L’interdire est essentiel mais cela doit s’accompagner de solution pérenne qui viendront en remplacement de la perte de revenu immédiate pour le pêcheur, pas à moyen ou long terme mais immédiatement, nourrir sa famille est souvent un combat au jour le jour et nous n’avons pas le droit d’entraver cela.
En termes de pollution plastique, l’Indonésie est passé assez subitement de l’emballage individuel naturel à l’emballage individuel plastique, les industriels et les grandes firmes de l’agro-alimentaire qui produisent des produits mono-doses sont plus à blâmés que le consommateur final. Il y a certes certains gestes qui choquent encore (jeter ses emballages de lessive monodose dans les grottes par exemple pour ce qui me concerne) mais cela tient surtout d’un manque de connaissance plutôt que d’une “inconscience environnementale”.
Un peu partout sur terre il y a prise de conscience de l’état de l’environnement est-ce le cas des Wakatobiens ?
La pollution des cavernes est un réel problème. A wakatobi et plus globalement dans la partie sud de la province de Sulawesi Tenggara, quasiment toute l’eau douce disponible est souterraine. Les sols calcaires regorgent d’eau douce tandis que la surface manque cruellement de lac et de rivière. Du coup la préservation de cette ressource est primordiale. Quand on observe le développement des villes à Wakatobi et Buton on remarque que celles-ci se développent autour de ces sinkholes (qu’on appelle cenotes au Mexique) car c’est là que se trouve l’eau douce. Du coup ces trous d’eaux deviennent des endroits importants pour la communauté et contribuent à tisser le lien entre toute le monde. Hommes et femmes viennent s’y laver, faire la lessive et les enfants viennent y jouer et échapper à la chaleur écrasante du soleil. Et qui dit fréquentation humaine dit pollution. La surface de ces trous d’eaux semble propre, mais quand on y plonge un peu plus profond on y retrouve tous les marqueurs de la société de consommation à l’indonésienne : Mono-dose de savon ou lessive, brosse à dent en plastique, sachet de nouilles déshydratées, pneus, vieux téléphone etc etc.
Pour les populations environnantes, la grotte c’est magique, on jette quelque chose dans la grotte et le lendemain cela disparaît sous terre, c’est génial, pourquoi s’en priver ? J’ai cependant montré mes images des dépôts de plastiques souterrain a ces mêmes personnes et les réactions ont été dithyrambiques, je pouvais lire de la gêne mais aussi de la peine et de la peur dans leurs yeux. Ces mêmes personnes pompent cette eau qui alimente le réseau en eau douce de la ville. Les populations les plus modestes s’en servent même pour cuisiner. Le risque sanitaire est élevé et c’est un vrai problème de santé publique.
Je pense que les images parlent plus que mille mots. A nous de réussir à faire ouvrir les yeux sur l’importance de la ressource eau douce souterraine tout en accompagnant la communauté de manière positive vers un mode de consommation limitant l’usage du plastique. Poser des poubelles c’est bien, ne plus avoir à s’en servir c’est encore mieux !
Nous essayons d’organiser des clean-ups le dimanche car c’est ce jour qu’il y a le plus de monde au bord des trous d’eau. Tout le monde à la surface met la main à la patte pour m’aider à extraire les sacs d’ordure, malheureusement je manque de main d’œuvre souterraine, seule une poignée de plongeur dans la zone est qualifiée pour plonger dans ces environnements : mais je continue à former des gens qui j’espère deviendront les gardiens de leur propre patrimoine souterrain.
Pour info une personne sous l’eau peut sortir à peu près 20Kg de déchets à l’heure, c’est un travail colossal.
Malgré cela, passé le bassin d’entrée des grottes que nous continuons à nettoyer, les réseaux souterrains sont époustouflants de beauté, l’eau y est cristalline et la plongée agréable et envoûtante.
Tu organises une expédition en 2020 sur Sulawesi pour explorer une caverne, peux-tu nous en dire plus, peut-on te rejoindre et a qui s’adresse ce genre d’expédition ?
J’organise régulièrement des explorations sur Sulawesi. Disons qu’il y a deux types d’expédition. D’un côté celles que j’organise pour mon plaisir, tous les copains spéléos et explorateurs qui partagent les mêmes valeurs sont les bienvenus pour donner un coup de main et nous partageons les coûts liés à l’exploration. D’un autre côté si un groupe souhaite venir et explorer à leur convenance je peux mettre en place la logistique et partager mes connaissances du lieu et des communautés locales ; bien sur cela à un coût car cela nécessite d’apporter cylindres, compresseur, booster et gazes sur place et souvent nécessite une armée de porteurs pour atteindre les objectifs. Ces plongées sont réservées à des plongeurs souterrain. Expérimentés mais de toute façon c’est un petit monde et tout le monde se connaît plus ou moins et il est facile d’en savoir plus sur le pedigree d’un groupe de plongeur. Les explorations se font toujours avec l’accord du village et de la communauté, il est de notre responsabilité que tout se passe bien et que notre activité ne trouble pas la vie locale mais au contraire devienne un vecteur de développement de l’activité touristique dans cette région qui en a grand besoin.
Photos et texte de Christophe Chellapermal