Difficile à utiliser, moins confortable, et cher, l’image que nous avons du vêtement sec n’est souvent pas très positive. Il est pourtant la meilleure solution en conditions extrêmes, ou pour de longues plongées. Faisons le point sur ses défauts, et sur la façon de l’apprivoiser.
LES « PEAUX DE BOUC » DE NOS ANCIENS
Puisqu’il s’agit de se protéger du froid pendant la plongée, l’idée de s’enfermer dans une enceinte imperméable qui permet de ne pas être au contact de l’eau et de s’habiller chaudement à l’intérieur de cette enceinte semble évidente. C’est d’ailleurs comme ça que se sont protégés les scaphandriers dès le 19ème siècle. La combinaison s’appelait alors « peau de bouc », peut être parce qu’elle finissait par avoir la même odeur ! Elle était assemblée avec une double toile de coton prenant en sandwich une mince couche de caoutchouc vulcanisé, les manchons étaient en latex naturel, si épais qu’il fallait des sortes de forceps en bonze pour passer les mains. Le principe était établi : s’isoler de l’eau et s’habiller en dessous de vêtements d’autant plus épais et chauds que la plongée allait durer longtemps et que l’eau était froide.
Car il n’y a aucune alternative au vêtement sec quand les conditions deviennent extrêmes ou simplement quand la durée de la plongée est importante. Alors pourquoi s’en priver ? D’abord parce que c’est plus compliqué à utiliser, ensuite parce que c’est moins confortable et enfin parce que ça coûte cher.
COMPLIQUÉ !
Comme on l’apprend au niveau 1, enfin je crois que c’est encore le cas, les liquides ne sont pas compressibles. C’est la raison pour laquelle le plongeur ne ressent pas la pression augmenter sur son corps quand il plonge en humide. En revanche, dans un vêtement sec, c’est de l’air qui se trouve dans la combinaison et l’air est compressible.
Comme toutes les masses gazeuses de votre corps, votre vêtement étanche va donc subir la pression, voir son volume interne diminuer selon la célèbre loi de Boyle et Mariotte, le vêtement va donc s’écraser très vite, surtout dans les premiers mètres de la descente, mais ça aussi vous le savez, l’écrasement va donc comprimer le plongeur, on appelle ce phénomène le Squeeze depuis l’époque des scaphandriers à casque. Imaginez qu’en cas de rupture de l’alimentation en air sous pression, le vêtement se comprimait au point de refouler le plongeur dans le casque provoquant à minima la rupture des clavicules et assez souvent la rupture des cervicales entraînant la mort. Nous n’en sommes plus là, mais il est important de comprendre pourquoi, avec un vêtement étanche, il est absolument indispensable de compenser la pression externe en insufflant de l’air sous pression dans le vêtement.
MOINS CONFORTABLE !
Conséquence de cet écrasement, à moins de se tenir parfaitement à l’horizontale, ce qui est rarement le cas, les jambes sont le plus souvent un peu plus basses que le corps, l’air remonte donc dans le haut du vêtement et laisse la combinaison squeezer légèrement les jambes, c’est la principale source d’inconfort si on se déplace beaucoup, mais on verra qu’il y a des solutions. Néanmoins le palmage en étanche ne sera jamais tout à fait aussi agréable qu’en humide bien souple. Au contraire, l’air refoulé vers le haut à tendance à gonfler la collerette d’étanchéité au cou, entraînant, cette fois-ci une petite compression qui peut donner une sensation d’oppression. On pourrait ajouter les fermetures étanches plus rigides, les poignets plus serrés, etc…personne ne peut dire qu’on est aussi à l’aise en étanche qu’en mono 5 mm super stretch.
PLUS CHER !
C’est plus cher d’abord parce que pour les raisons précités il se vend beaucoup moins de vêtements étanches, l’économie d’échelle n’est donc pas la même, et puis techniquement, le montage doit être étanche, la coupe incluant les bottillons est délicate à réaliser, il faut ajouter une fermeture VRAIMENT étanche, donc métallique hors de prix, les manchons d’étanchéité, l’inflateur de poitrine avec son piège à eau, la purge et un montage, regardez de près l’intérieur d’un vêtement sec, qui fait plus appel à l’artisanat qu’à l’industrie. Il est quasiment impossible de trouver un étanche en dessous de 650 euros, et encore, on est vraiment en bas de la fourchette. Si l’on cherche le confort, surtout le confort, passer au dessus de 1000 euros n’est pas inutile.
MAIS INDISPENSABLE EN CONDITIONS EXTRÊMES
Vous allez me dire, pourquoi alors casser sa tirelire pour être à l’étroit et se prendre la tête ?
Pour avoir chaud, simplement pour avoir chaud car, encore une fois, on peut rester 20 minutes en bougeant dans de l’eau à 3° avec une bonne 7 mm, mais si on doit y passer une heure, il n’y a pas d’alternative. Et puis en conditions extrêmes, le vêtement sec présente un avantage hors de l’eau. Comme vous l’avez déjà remarqué, sorti de l’eau, le moindre souffle d’air frais sur votre vêtement mouillé vous glace le sang en 3 minutes, comprenez bien que lorsque vous faites évaporer l’eau contenue dans la doublure au passage d’un flux d’air, vous fabriquez du froid, c’est d’ailleurs à peu près le principe d’un évaporateur de frigo, pas étonnant alors que vous vous refroidissiez si vite, avec un vêtement étanche, avant et après la plongée si vous avez eu la bonne idée de conserver un peu d’air dans le vêtement, vous serez au chaud.
Et puisque vous portez des sous vêtements polaires et que vous êtes secs, vous pouvez aussi enlever le vêtement, passer rapidement un jogging ou un anorak et vous retrouver en situation de terrien bien au chaud sans passer par la case obligatoire et désagréable en vêtement humide du déshabillage, en slip, mouillé et en plein vent avant d’enfiler à la va vite un jean humide.
Alors si vous franchissez le pas, suivez quelques conseils simples pour diminuer les défauts cités plus haut.
CHOISISSEZ BIEN VOTRE « DOUDOU »
Pensez bien que le vêtement en lui même n’est que peu isolant, même s’il est en Néoprène. Ne le portez pas à même la peau mais toujours avec un sous-vêtement d’autant plus épais que les conditions sont extrêmes. Pensez aux pieds, pour la majorité des modèles, le fabricant a prévu des proportions pour que vous portiez de grosses chaussettes épaisses, voire des bottillons en polaire, on se refroidit vite des extrémités, ne les négligez pas.
PRENEZ SOIN DES MANCHONS
Prenez grand soin des manchons, non seulement ils sont fragiles mais leur remplacement est assez onéreux. Passez les mains et la tête délicatement et faites contrôler par un binôme que les manchons et la collerette sont bien à plat sans faux pli, sans cheveux coincés entre le cou et le caoutchouc, c’est souvent la différence entre un vêtement sec et un presque sec. Si vous en avez ( et sinon vous feriez bien de vous en procurer, saupoudrez du talc sur les manchons quand ils sont secs, ça les protège et cela facilite l’habillage.
ENTRETENEZ LA FERMETURE ÉCLAIR
La fermeture étanche est l’élément qui nécessite toute votre attention, autant pour le choix du modèle de vêtement que pour l’entretien ou l’utilisation.
Quelques combinaisons permettent de s’habiller seul mais pas toutes. Si cela constitue un critère de choix pour vous, faites attention, seules les fermetures diagonales avant ou les « tour de cou » peuvent être manipulées sans aide extérieure. Les fermetures d’épaules nécessitent de se faire aider.
Dans tous les cas de figure, notez bien que le remplacement d’une fermeture peut atteindre des budgets Elyséens. Prenez en soin : quand elle est ouverte il faut se garder de forcer sur les extrémités de l’ouverture, à ce point, les deux feuilles de caoutchouc qui assurent l’étanchéité se rejoignent et il ne faudrait pas les séparer en forçant l’ouverture sous peine de fuite irréparable. Notez qu’il existe de nombreux produits dans le commerce pour entretenir les fermetures étanches, je reste fidèle au nettoyage périodique avec brosse à dent et savon de Marseille et à la paraffine à confiture déposée en frottant sur les maillons. Lorsque vous fermez votre vêtement, le dernier millimètre est fondamental, un petit coup sec pour s’assurer que le curseur est bien en butée vous évitera des entrées d’eau désagréables.
HABILLEZ VOUS !
Le vêtement est en place, vérifier une dernière fois les manchons et la collerette, bien à plat, pas de faux plis, pas de cheveux, mettez la cagoule. Le manchon de cou de la cagoule doit reposer sur la collerette le plus à plat possible pour assurer une bonne protection, évitez de créer des plis sur la collerette avec la cagoule.
Bouteille dans le dos, vous voilà avec deux inflateurs, un sur le gilet et un sur le vêtement, en faisant passer le flexible d’inflateur du vêtement sous le bras, vous séparez bien les deux et évitez les mélanges. D’autant qu’en principe, les raccords ne sont pas compatibles. Dès que vous raccordez l’inflateur du vêtement, gonflez un peu pour vous assurer que la connexion est bien établie et, en mettant un peu d’air dans le vêtement, vous allez immédiatement prendre un peu d’aisance.
LESTEZ VOUS SUFFISAMMENT
Puisque vous venez de mettre votre gilet c’est que vous êtes aussi lesté. Ceinture ou gilet, voire baudrier, quoi qu’il en soit, le pouvoir isolant de votre ensemble vêtement/sous-vêtement dépend avant tout du gonflage du vêtement. En effet, si votre vêtement est squeezé, il n’y a plus d’air dans la polaire que vous portez ni entre votre peau et votre combinaison, pour les bricoleurs, il faut imaginer que vous venez de passer de 300 millimètres de laine de verre dans votre toiture, à 50 mm, le coefficient d’isolation est diminué dans des proportions énormes. Donc s’il fait vraiment froid, le secret, c’est de gonfler. Et pour gonfler, il faut lester. Indépendamment de la qualité de votre équipement, en conditions extrême, le secret c’est un plombage excessif, voire très excessif !
A L’EAU !
Vous voilà prêt pour la mise à l’eau. Un détail, lors des transfert d’air dans le vêtement au cours de la plongée, il peut arriver qu’une masse d’air importante parte dans les jambes et gonfle les pieds, prenez soin en mettant vos palmes de bien placer la sangle au dessus du calle sangle prévu à cet effet, ce qui n’est qu’accessoire sur des bottillons humides devient primordial sur une étanche. Mettez vous à l’eau sans exubérance pour éviter les reflux rapides d’air vers la collerette qui pourrait la déplacer et produire une entrée d’eau. Ne vous mettez pas à l’eau avec un vêtement squeezé mais très légèrement gonflé.
MAÎTRISER SA DESCENTE
A la surface, on gonfle son vêtement pour vérifier que tout va bien, qu’il est étanche, que l’inflateur fonctionne, et on reste à l’écoute de ses pieds, c’est la que la petite fuite insidieuse va immanquablement conduire l’eau qui entre dans le vêtement. Si le vêtement semble hésiter à se gonfler, c’est le moment de vérifier sa purge. La purge généralement placée sur le bras gauche, est réglable. Complètement desserrée, elle laisse échapper l’air et le vêtement se vide à mesure que vous le gonflez. Serrez la pour que l’air ne sorte pas. La purge se manœuvre à la main pour la descente, dès les premiers mètres vous allez sentir le vêtement se comprimer, notamment autour de vos jambes, car il est inutile de rappeler que la descente en canard n’est pas recommandée. Il faut maîtriser la descente et insuffler de l’air au fur et à mesure que la pression extérieure augmente. Si vous vous demandez comment gérer à la fois le gilet et le vêtement, laissez le gilet de coté, dégonflé, et apprenez à bien gérer votre flottabilité avec la combinaison.
ET APPRIVOISER DOUCEMENT LA BÊTE
Le reste viendra en plongeant ! Mettez vous à plat, laissez monter les jambes lentement pour sentir et bien prendre conscience des transferts de masse d’air, c’est le meilleur moyen pour apprendre à ne pas se faire surprendre. Quand vous commencez à vous sentir à l’aise, en vous faisant coacher par votre binôme pour la première fois, mettez les jambes en l’air, c’est dans cette position que l’on risque de se faire embarquer, il faut apprendre et acquérir le reflex de se mettre en position du fœtus, roulade avant et on reprend l’équilibre. Pendant la plongée essayez de régler votre purge de bras de manière à ce qu’il suffise de lever le bras pour purger, c’est une habitude à prendre qui, une fois acquise, permet de ne plus avoir besoin de manipuler la purge. Le réglage est basé sur la différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur du vêtement, et pas sur la pression absolue qui règne à l’extérieur. Il n’est donc pas nécessaire de le changer en permanence, le seul moment de la plongée ou il faudra resserrer la purge, c’est en surface pour pouvoir gonfler suffisamment afin de vous assurer une flottabilité confortable en attendant le bateau. Et à ce moment que le gilet qui ne vous a pas servi à grand chose sera un allié supplémentaire.
RETOUR EN SURFACE
La surface est un moment auquel il convient de réfléchir un peu. Où est votre lest ? Sur la ceinture, ? Alors n’oubliez pas de mettre de l’air dans le vêtement avant d’enlever votre bloc. Sur le gilet ? Alors n’oubliez pas de gonfler le gilet avant de l’enlever. N’oubliez pas non plus que vous êtes attaché au scaphandre par le flexible d’inflateur du vêtement, et pour ne pas rester coincé par le verrou que constitue la purge sur le bras, adoptez une méthode que l’on ne devrait jamais oublier d’enseigner, on ouvre la bretelle gauche du gilet et on décapelle par le côté droit, ça vous évitera de rester coincé ou d’endommager la purge de bras.
Et n’oubliez pas, une fois de plus, que ce sont là des contraintes, sans aucun doute, mais des contraintes que l’expérience et l’entraînement rendront moins importantes. Et qu’elles sont le prix à payer pour un confort thermique qu’aucun vêtement humide, aussi épais soit-il, ne vous donnera jamais quand la plongée dure longtemps.
Un grand merci à la société Beuchat pour sa collaboration. Sans oublier la gentillesse et la disponibilité de Baptiste à l’Espace Beuchat.
Texte : Patrick Marchand
Mannequin sous-marin : Anthony James Leydet
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Tout-à-fait Thierry… d’autant que la bestiole est capable de tirer dans les coins. Voire même vers l’arrière.
Et puis… remonter un animal vivant du fond ??? Bon, pour ceux qui y tiendrait vraiment, je suggère la pince à merguez du barbecue. Très classe et très discrète en voyage.
Pas touche au mollusque, on a dit.
Amicalement.