Un peu d’histoire
Il faudra un jour revenir sur cette histoire peu connue et redire à quel point on doit tout, de notre plongée moderne, à Benoit Rouquayrol et aux frères Denayrouze, Auguste et Louis. Deux ingénieurs des mines et un officier de la marine de Napoléon 3 qui ont inventé, construit, commercialisé, légitimé le tout premier détendeur de l’histoire et en même temps le tout premier scaphandre autonome puisque le corps de ce détendeur Rouquayro/Denayrouze était constitué d’un réservoir sous pression permettant une certaine autonomie. Dès les années 1860 donc, ils ont permis à un plongeur d’évoluer sans attache avec la surface, bien avant la notion de « plongée sans câble » de Talliez et bien sûr avant le détendeur de Le Prieur ou, à fortiori, le CG45 de Gagnant et Cousteau.
Et si vous vous replongez dans les images d’époque, ou que vous visitez le musée d’Espalion, vous verrez aussi que pour simplifier et mieux intégrer l’équipement de tête, nos deux Aveyronnais avaient aussi dessiné, et construit, un demi casque en cuivre baptisé « le groin » assujetti à une cagoule en caoutchouc : cette demi sphère était équipée de 4 hublots pour offrir un meilleur champ de vision, le premier facial était né !
Masque facial, pourquoi ?
Contrairement au détendeur avec embout buccal, le masque intégral permet de respirer avec la bouche et le nez, on se rapproche alors de la respiration naturelle d’un être humain en bonne santé. Cette respiration est nécessaire quand il s’agit de travailler longtemps, tant pour limiter l’assèchement de la gorge que pour limiter la fatigue des maxillaires. De plus, pour peu que l’on s’équipe d’un système adéquat, le fait d’avoir la bouche libre permet de parler et ouvre la porte à la communication sous-marine. On s’offrira donc un facial pour le confort en longue durée, pour la possibilité de communiquer et, cerise sur le gâteau, pour se protéger le visage du froid en conditions extrêmes.
Les contraintes techniques
La première difficulté à résoudre dans la conception d’un facial, c’est la jupe. Vous savez tous qu’il n’est pas évident de trouver un masque adapté à sa propre morphologie, imaginez ce que c’est quand il faut en plus loger le reste du visage, menton compris. Et cette jupe doit aussi déterminer un compartiment étanche strictement limité au groupe bouche/nez afin de diminuer l’espace mort dans lequel du CO2 peut s’accumuler pendant la plongée. Cette partie, que les spécialistes continuent d’appeler « groin » devra bloquer l’expansion des gaz expirés au reste du masque et canaliser vers les voies respiratoires le gaz propre inspiré. Il faut aussi retenir le facial en place, ce qui n’est pas si simple compte tenu du volume important et de la poussée d’Archimède correspondante. Enfin, il faut trouver un moyen de se boucher le nez pour équilibrer les oreilles, faute de quoi seuls ceux qui pratiquent la béance tubaire volontaire pourraient sauter le pas, ce qui limiterait considérablement le développement du marché des faciaux en plongée loisir.
L’Interspiro Divator 2
L’offre actuelle étant essentiellement orientée vers les professionnels, quelques modèles sont néanmoins adaptés à un usage sportif comme le plus célèbre d’entre eux, le Interspiro Divator 2 derrière lequel tout le monde a vu au moins une fois Nicolas Hulot aux grandes heures d’Ushuaïa. Le Divator est construit autour d’une jupe initialement en caoutchouc et désormais en silicone qui englobe tout le visage et porte une partie en méthacrylate assez anguleuse dont le champs de vision n’est pas le fer de lance, mais on rappellera à cette occasion que c’est d’abord un engin de travail.
Le détendeur du Divator est spécifique et il offre un débit monstrueux qui permet, en version free flow, une sécurité exceptionnelle. En effet, dans ce cas, le détendeur maintien une très légère surpression dans le masque, de l’ordre d’une centaine de gramme, si le masque est décollé du visage, la pression tombe, le détendeur se met en débit constant et crée grâce à son débit une véritable bulle d’air qui empêche l’eau de rentrer. Le système est d’une efficacité redoutable mais entraine bien sur une consommation qui, si on revient à un usage professionnel est d’autant moins un problème que l’on est en général alimenté de la surface. Ce détendeur amovible permet aussi au Divator d’être intégré dans des systèmes de respiration en circuit fermé ou semi fermé pour un usage militaire en eaux froides. L’équilibrage des oreilles est confié à un « bourre pif » en caoutchouc moulé en V, passablement réglable, qui permet, en enfonçant le masque grâce à la souplesse de la jupe, de se boucher les narines. Et bien sûr il reçoit tous les kits de communication filaires ou sans fil imaginables, son coté rustique autorisant par ailleurs de nombreux « bricolages ». Un Divator sans com coûte autour de 1000 euros.
Le masque Atmosphère de Poseidon
Le Poseidon est très proche du Divator si ce n’est qu’il est alimenté par un deuxième étage Poseidon Jetstream à clapet piloté, au débit, là encore, impressionnant. Ce débit permet à l’Atmosphère de fonctionner aussi en mode surpression pour éviter toute infiltration d’eau, notamment lors de plongées en eaux contaminées. On reste assez loin des préoccupations de la plongée loisir. Quant au prix, à concurrence directe, et bah concurrence directe, 1050 euros une version de base sans premier étage.
Le masque facial Scubapro
Sur le marché depuis de nombreuses années le facial de Scubapro est une sorte d’hybride qui trouve en permanence un public limité, mais fidèle. Il s’agit ici d’un facial en silicone avec un moulage qui détermine un « groin » à l’intérieur mais dont l’extérieur ressemble à un masque normal jusqu’au niveau du nez. On pourra ainsi équilibrer ses oreilles de manière traditionnelle, ce qui rassure les non initiés lors de l’achat. La gestion du groin est approximative, pour preuve la possibilité de garder un embout de détendeur à l’intérieur du masque, ce qui en fait plutôt une protection contre le froid qu’un véritable facial pour travailler et parler. Le Scubapro est livré sans détendeur, on y monte son S 600 habituel ou n’importe quel autre modèle de la marque, en option on peut aussi y loger un second deuxième étage avec un anti retour permettant la redondance ou plutôt la « alternate air source » chère aux anglo saxons.
Environ 500 euros, sans oublier qu’il faudra ajouter à ce prix celui du détendeur, mais vous l’avez déjà !
Le Ocean Reef Neptune Space G.Divers
Le fabricant le présente comme un « intégré » plutôt que comme un « facial ». On replacera le bébé dans l’histoire, excuses moi Marc-Antoine, en précisant qu’à l’origine, le Ocean Reef était un engin de respiration ARI pour les pompiers en milieux enfumé. Ce qui explique un moulage intégral de la face rigide qui permet de rapprocher considérablement la vitre des yeux et d’améliorer ainsi le champs de vision qui se rapproche du coup de celui d’un masque classique, loin des effets tunnels proposés par les autres faciaux. Ce moulage porte l’ancrage des sangles, l’emplacement du détendeur, de la soupape d’expiration en partie basse et des ouvertures accessoires latérales gauche et droite.
La jupe est évidemment en silicone, le moulage est très travaillé pour permettre à la fois une adhérence maximale sur tout le visage et une relative souplesse dont on aura besoin quand il faudra équilibrer les oreilles. Le moulage de silicone détermine aussi un groin intérieur qui isole la zone bouche/nez du reste du masque.
Le détendeur d’origine est livré complet, premier étage à clapet membrane compensé et protégé contre l’eau froide et deuxième étage intégré au masque, norme EN 250 oblige. Ce deuxième étage est lui aussi compensé et réglable. Il est équipé d’un raccord rapide qui permet de le désolidariser du premier étage pour les opérations de maintenance et pour le stockage.
Comment ça marche ?
C’est l’heure de comprendre comment ça marche. Le détendeur n’est pas relié au groin respiratoire, celui ci est équipé de deux clapet anti retour genre soupape d’expiration de détendeur, quand vous respirez vous créez une dépression dans le groin, les soupapes s’ouvrent et transmettent cette dépression à l’ensemble du masque ce qui déclenche le cycle d’alimentation du détendeur. L’air « craché » par le détendeur envahit le haut du masque, balayant la vitre et faisant du même coup disparaître la buée et entre dans le groin par les deux soupapes, vous respirez par la bouche et le nez, librement. A l’expiration, les soupapes se ferment et l’air expiré sort directement par la soupape d’expiration en partie basse limitant ainsi l’accumulation de CO2 dans le masque.
Les amateurs de problèmes de robinets et de vases communiquant ont déjà compris ce qui suit, pour vider un facial comme l’Ocean reef s’il est arraché par un coup de palme ou si on est amené à l’enlever, il suffit d’appuyer sur le bouton de surpression du détendeur en prenant soin de serrer les sangles du haut mais pas celles du bas, l’air envahira l’ensemble du masque par l’intermédiaire des soupapes, ne pouvant pas sortir par le haut, l’air va chasser l’eau par la soupape d’expiration au point le plus bas. Contrairement à un vidage de masque classique il faut plutôt baisser un peu la tête pour rassembler les dernières gouttes d’eau vers la soupape et le tour est joué.
Les sangles sont en général improprement baptisées « araignée » par les spécialistes. Improprement puisque qu’il n’y a que 6 sangles et pas 8. Ce harnais moulé en silicone est retenue sur l’arrière du crane par une partie moulée, large et anti-dérapante et s prolonge par 2 sangles fixées au dessus du masque, deux latéralement et deux en partie basse au niveau du menton. Ces dernières sont équipées de petites boucles pendantes qu’il suffit de tirer pour « arracher » le masque en cas de besoin.
Côté sécurité
Ce qui nous amène à la sécurité. Evidemment pas question de faire un passage d’embout, sauf à étudier Sanctum, le film polémique de Cameron, en détail. En cas de panne d’air, il faudra enlever le facial, le remplacer par le masque de secours que tout utilisateur de Full Face Mask trimbale dans sa poche de gilet et se saisir de son octopus ou de celui du voisin.
Pour ce qui est des oreilles, on vous mentirait en vous disant, comme le fait la pub, que c’est aussi simple qu’avec un masque traditionnel. À l’intérieur du groin, on trouve deux petites excroissances recouvertes de boudins en silicone, ces excroissances sont réglable selon deux axes afin de les ajuster à votre morphologie. Quand c’est fait correctement, en théorie, il suffit d’enfoncer le haut du masque sur l’élasticité de la jupe pour appliquer les boudins de silicone contre vos narines. Une longue pratique de ce masque me permet d’affirmer que cela reste LE point noir de l’Ocean Reef comme de tous les faciaux plus ou moins sportifs du marché actuel. Il faudra une certaine habitude et une pratique de la plongée assez éprouvée pour savoir prendre son temps et avoir suffisamment confiance dans le résultat pour ne pas se faire peur.
Communiquer sous l’eau
Et puis reste la cerise sur le gâteau, ce que l’on peut faire avec : parler et même…téléphoner. Ocean Reef propose un système de communication sans fil baptisé GSM à ultra sons qui permet de communiquer d’une station à l’autre jusqu’à 300 mètres de distance. En surface, un GSM spécifique relié à une antenne qui devra tremper dans l’eau permet à une personne au sec de parler avec les plongeurs, si l’on souhaite une qualité de son professionnel il faudra passer au système filaire avec un gadget assez amusant en option, une interface blue tooth qui permet au plongeur relié à une petite valise que le bateau par un ombilical d’activer son téléphone portable et de prévenir à la maison que l’on sera en retard. Que ceux qui profitent justement de la plongée pour ne pas être joignable se rassurent, il leur suffit encore de dire qu’ils n’ont pas les moyens de s’équiper.
Parlons prix
Un masque coûte 469 euros sans le premier étage facturé 198 euros en option…obligatoire (j’attends tout avis contraire assortie de la norme européenne qui va avec). Le kit com sans fil GSM G Divers coûte 398 euros, le kit de surface 510, la liste des options est longue comme un menu de restaurant chinois, alors piochons au hasard deux ou trois trucs qui répondent, de plus, aux questions que vous n’avez pas encore posées : pour les porteurs de lunettes, 23 euros le support de verres correcteurs à confier à votre opticien, 36 euros le connecteur pour un second détendeur sur le coté du masque, 379 euros l’éclairage à LED Visors lights pour se la jouer Abyss sur les vidéos, ah oui, le plus important, 34 euros la valve de surface, un petit dispositif très intelligent qui permet de respirer « à l’air libre » sans pomper sur sa bouteille et sans enlever le masque pour autant, histoire de ne pas perdre ses précieux réglages quand on attend un binôme à la traîne…
Le facial a encore du chemin à faire pour intégrer pleinement le monde de la plongée loisir, mais les derniers produits proposés lui en donnent en tout cas la possibilité.