Il a vécu ce que nous ne vivrons jamais
On l’a compris, c’est un roman. Mais nourri bien sûr par plus de 60 ans d’aventures sous-marines vécues, partagées. De la découverte de la chasse sous-marine à 16 ans, à l’âge de la retraite, il a connu tout ce que nous ne connaîtrons jamais : il aura été, au début des années 50, l’un des premiers à plonger en mer de Cortez. Il a travaillé, au GERS, sous les ordres du Commandant Tailliez. Il a, aux côtés de Frédéric Dumas, participé aux tests des nouveaux équipements mis au point par la Marine Nationale comme l’Oxygers. Il a créé ensuite une entreprise de travaux sous-marins dans le Var, puis plus tard rejoint la Comex…Sans oublier un détour par la Corse, où il a appris à pêcher, mais aussi à tailler, l’or rouge de Méditerranée, le corail. Gérard Loridon a également créé en 1994 à Sanary le Musée de la Plongée dédié à Frédéric Dumas.
Des livres à quatre mains
Et depuis qu’il est à la retraite, Gérard Loridon n’a jamais cessé d’écrire. Membre de l’équipe fondatrice de SCAPH’50, l’association des pionniers de la Plongée Professionnelle, il crée SCAPH’50-Infos. Membre de l’Amicale des Plongeurs Démineurs, jusqu’en 2004, il crée également un bulletin interne auquel il donnera le titre « l’Écho des GRANDS FONDS ». Et se lance avec son épouse Dany dans l’écriture de récits : il écrit, elle peint, et de cette passion à quatre mains naissent par exemple au fil des années, édités essentiellement aux Presses du Midi, A Table Scaphandriers en 2005, Jacques de Porquerolles en 2006, Plongées au GERS 1954/57 en 2007, Le Scaphandrier du Brusc en 2008, De la Corse aux Cévennes en 2009, L’Histoire du Musée Frédéric Dumas, Des pionniers subaquatiques oubliés, Les Scaphandriers de la Spirotechnique., Le Scaphandrier du Brusc en 2009.
« Nous avons créé notre Maigret sous-marin »
Leur dernier livre, “Les contes du Cap Sicié – De Sanary à Porquerolles”, publié l’an dernier, prenait déjà des libertés avec la réalité en nous livrant des contes et aventures liés à l’imaginaire méditerranéen. Ils ont franchi cette fois une étape supplémentaire en créant « un monde où les pirates, pilleurs de biens nationaux, comme le soulignent les autorités archéologiques, vont apparaître au fil des pages. Il fallait aussi, précise Gérard, que cela soit un polar de la plongée, un genre nouveau. Nous y avons donc créé notre Maigret sous marin, en l’occurrence, Julien Troubarède, un jeune gendarme de Porquerolles. Il va devenir notre héros dans ces pages et qui sait d’en d’autres…( « Les jaunets du Ville de Grasse » en cours d’écriture) ». Fulvio Palombaro, Titin de Porquerolles, l’adjudant Dospinard, Maître Odilon Espinchol et sa sulfureuse épouse Fanny dite « l’Espincholine » partagent ses aventures, autour d’un gisement de cruches, de pignattes, d’amphores, pour lesquelles Seynois et Porquerollais vont s’affronter en vain.
“Pilleurs d’amphores” sortira en septembre. Pour se le procurer, on peut le commander auprès de son libraire habituel ou directement auprès de Gérard Loridon qui se fera alors un plaisir de vous le dédicacer.
Extrait “Fulvio Palombaro”
Ce Fulvio Palombaro, à l’époque, traînait derrière lui une rude légende. Contrairement à Célestin de Porquerolles, son collègue ou ennemi selon l’époque, il ne s’était jamais fait prendre.
Des doutes, oui la maréchaussée maritime et terrestre, en avaient ; mais ce n’est pas avec les dits doutes que l’on peut envoyer un présumé coupable devant un juge, et dans les geôles de la république.
Ce gaillard était originaire de La Seyne, issu d’une famille qui avait franchi la frontière pour venir se réfugier en France. Effectivement, son père Angélo était lui Génois d’origine où il exerçait dans ce port et ses environs le dur métier de scaphandrier ; comme nombre de ses semblables, il avait tendance à considérer que tout ce qui était au fond de la mer lui appartenait. Cette coutume très personnelle s’est généralisée par la suite aux plongeurs et tend à se perpétrer. Ceci malgré les foudres de la loi, que nos politiciens ont rapidement mis en place se considérant sans doute comme les seuls privilégiés en la matière. Eux d’ailleurs l’ont étendu à tous ce qui est, en théorie, un bien de la République, y compris les nôtres. Pour en revenir à Angélo le scaphandrier italien, cette mentalité d’accapareur avait fini par lui jouer un vilain tour et, en découlant, son arrivée sur notre sol accueillant. Un jour, prélevant corail et éponge sur des fonds importants, il était tombé sur une épave dont la cargaison se composait de bustes anciens en marbre de Carrare. Sans attendre il en avait prélevé quelques-uns, qu’il s’était dépêché de vendre à un richissime touriste américain dont il avait la pratique. Ce dernier lui avait, d’ailleurs affirmé :
“My dear Angélo, je suis collectionneur et acheteur de tout ce que tu remontes du fond de la mer… et je te paye cash en dollars !”
Des doutes, oui la maréchaussée maritime et terrestre, en avaient ; mais ce n’est pas avec les dits doutes que l’on peut envoyer un présumé coupable devant un juge, et dans les geôles de la république.
Ce gaillard était originaire de La Seyne, issu d’une famille qui avait franchi la frontière pour venir se réfugier en France. Effectivement, son père Angélo était lui Génois d’origine où il exerçait dans ce port et ses environs le dur métier de scaphandrier ; comme nombre de ses semblables, il avait tendance à considérer que tout ce qui était au fond de la mer lui appartenait. Cette coutume très personnelle s’est généralisée par la suite aux plongeurs et tend à se perpétrer. Ceci malgré les foudres de la loi, que nos politiciens ont rapidement mis en place se considérant sans doute comme les seuls privilégiés en la matière. Eux d’ailleurs l’ont étendu à tous ce qui est, en théorie, un bien de la République, y compris les nôtres. Pour en revenir à Angélo le scaphandrier italien, cette mentalité d’accapareur avait fini par lui jouer un vilain tour et, en découlant, son arrivée sur notre sol accueillant. Un jour, prélevant corail et éponge sur des fonds importants, il était tombé sur une épave dont la cargaison se composait de bustes anciens en marbre de Carrare. Sans attendre il en avait prélevé quelques-uns, qu’il s’était dépêché de vendre à un richissime touriste américain dont il avait la pratique. Ce dernier lui avait, d’ailleurs affirmé :
“My dear Angélo, je suis collectionneur et acheteur de tout ce que tu remontes du fond de la mer… et je te paye cash en dollars !”
Il n’en fallait pas plus pour que notre pilleur d’épaves se découvre là une rente annuelle bienvenue. Tout ce qu’il remontait au cours de ses plongées était stocké dans son garage et remis à son ami le Texan, au cours des passages estivaux de ce dernier sur la Riviera ligure. Lors d’un hiver rigoureux ne favorisant pas les sorties en mer, Angélo s’était procuré des statuettes en bronze au marché aux puces du coin et il les avait mises à tremper et à concrétionner dans un coin du port.
L’américain n’y avait vu que du feu et avait acquis le tout sans barguigner.
Mais là, les bustes, ils étaient antiques et authentiques ! Prenant de l’âge, perclus par des douleurs dues à des décompressions peu respectées, il se disait qu’il lui fallait frapper un grand coup et vendre la cargaison complète. Ce qui se révélait impossible par sa filière habituelle au vu du nombre de pièces.
L’un des plus beaux bustes représentait un César Auguste. L’Italie, dans ces années 30 était sous la coupe de Benito Mussolini, qui se prenait pour le dirigeant d’un empire, comme il se vantait souvent dans ses discours publics à Rome. De là à se voir en César, il n’y avait que le temps d’une ordonnance qu’il était seul à pouvoir signer. Il ne lui manquait qu’un élément de comparaison flatteur.
L’américain n’y avait vu que du feu et avait acquis le tout sans barguigner.
Mais là, les bustes, ils étaient antiques et authentiques ! Prenant de l’âge, perclus par des douleurs dues à des décompressions peu respectées, il se disait qu’il lui fallait frapper un grand coup et vendre la cargaison complète. Ce qui se révélait impossible par sa filière habituelle au vu du nombre de pièces.
L’un des plus beaux bustes représentait un César Auguste. L’Italie, dans ces années 30 était sous la coupe de Benito Mussolini, qui se prenait pour le dirigeant d’un empire, comme il se vantait souvent dans ses discours publics à Rome. De là à se voir en César, il n’y avait que le temps d’une ordonnance qu’il était seul à pouvoir signer. Il ne lui manquait qu’un élément de comparaison flatteur.
Aussi, notre scaphandrier, informé par la propagande nationale de cette glorieuse tendance, pensait lui offrir son buste impérial en effigie lui demandant en même temps de lui acheter le reste de sa découverte. Le « duce », un mec pas franc du collier, lui envoya ses sbires, en chemises noires, comptant bien récupérer le tout sans débourser une lire. Heureusement, Angelo méfiant quand même avait entre-temps changé de gîte… Devant une telle ingratitude, pour une fois qu’il pensait être dans la légalité, il ne lui resta plus qu’à déménager la nuit même avec femme et enfants et franchir la frontière française, comme nombre de ses compatriotes à cette bien triste époque. S’étant présenté comme réfugié politique, (ce qui était pour le moins exact dans les faits, mais pas dans les causes) il fut accueilli dans notre douce France, au milieu des sarcasmes et fut traité de « Pianti, de Babi » et même de « Lucchesi » Ses bagages étaient, vu la précipitation, restreints… sauf le buste de César, qu’il n’avait pas abandonné aux fascistes rapaces. Non pas par esprit de vengeance, ni par goût du sauvetage culturel qui lui avait causé ces déboires, non ! Mais tout simplement pour faire sa dernière vente avec son client de Houston, ce qui lui permettrait de se remettre à flot. Ce qu’il advint et lui permit d’installer un commerce de vente de vins sur le port et d’élever ses enfants convenablement dont le petit dernier Fulvio devenu Fulvio Palombaro.
Comme cela est connu et parfaitement traduit le « Palombaro » en italien c’est le scaphandrier en français. Quand Angélo et sa famille arrivèrent dans les conditions décrites plus haut, il dut se présenter à la brigade de gendarmerie la plus proche pour se faire connaître et enregistrer. Ne parlant pas un mot de français, lorsqu’il lui fut demandé de décliner son identité il confondit avec sa profession et clama bien haut, ce pourquoi il était connu sur le port de Gênes : “Angélo Le Palombaro”.
Le brigadier de gendarmerie, qui recevait nombre des ces malheureux d’outre Apennins, se contenta de le répertorier sous ce patronyme. Angélo se dit que, après tout, changer, d’identité aussi facilement ne pouvait que lui être bénéfique.
Ceci car il craignait l’arrivée des envoyés du cinglé romain voulant récupérer ce qu’ils considéraient comme la figure de leur patron !
Et de fil en aiguille le nom resta et son fils hérita de cette appellation qui devait être au fond de ses gènes et l’orienter vers son activité frauduleuse future. « Les chiens ne font pas des chats » dit le proverbe et Fulvio allait, bien sûr, suivre, les traces de son géniteur. Officiellement il avait repris le commerce que son père lui avait légué et, facétieux, lui avait fait porter l’enseigne « A la belle Pignatte » avec un logo représentant une amphore gréco italique ! Au vu des activités qu’il développait par ailleurs, il ne manquait pas d’air, ce qui est après tout normal pour un plongeur.
Le brigadier de gendarmerie, qui recevait nombre des ces malheureux d’outre Apennins, se contenta de le répertorier sous ce patronyme. Angélo se dit que, après tout, changer, d’identité aussi facilement ne pouvait que lui être bénéfique.
Ceci car il craignait l’arrivée des envoyés du cinglé romain voulant récupérer ce qu’ils considéraient comme la figure de leur patron !
Et de fil en aiguille le nom resta et son fils hérita de cette appellation qui devait être au fond de ses gènes et l’orienter vers son activité frauduleuse future. « Les chiens ne font pas des chats » dit le proverbe et Fulvio allait, bien sûr, suivre, les traces de son géniteur. Officiellement il avait repris le commerce que son père lui avait légué et, facétieux, lui avait fait porter l’enseigne « A la belle Pignatte » avec un logo représentant une amphore gréco italique ! Au vu des activités qu’il développait par ailleurs, il ne manquait pas d’air, ce qui est après tout normal pour un plongeur.
Il aurait donc dû avoir une vie tranquille et sans relief s’il n’y avait pas eu la mer devant le port de La Seyne, et son désir de savoir, ce qu’il y avait dessous. Et de s’en emparer !
Et là, au bar des « Cassaïres et Pescaïres réunis » au bout du quai, il était tombé sur Tonin Archipoulos, un ancien scaphandrier grec, ami de son père, hélas disparu, qui lui « avait appris la bouteille » et à devenir « Grenouille»
Avec cet individu d’un autre âge, totalement ignorant et ne voulant pas connaître lois et règlement, il ne pouvait choisir que la pente la plus facile, mais comme on le dit la plus mauvaise.
Et évidemment, il comprit vite que certains trésors sous marins pouvaient lui rendre la vie plus agréable. Le tout doublé par la joie du plaisir défendu.
Parce que « se plonger une cruche » et la revendre à un touriste de passage, c’est interdit par des lois, qui, tenez vous bien datent de Colbert.
Je reviendrais plus loin sur toutes les fois où croyant enfin le prendre en flagrant délit les gendarmes faisaient chou blanc.
C’est qu’il avait du vice, le Fulvio… et le soir, autour de quelques « jaunets » dégustés avec ses amis, c’était des échanges de propos peu flatteurs envers les représentants de l’autorité.
Le lendemain matin quand les pescadous, trempant leurs lignes dans les eaux du port, le voyaient partir sur sa barque, ils échangeaient la même réflexion : “Vé le Fulvio, il va aux cruches, et crois-moi, c’est pas encore aujourd’hui qu’ils vont le « troncher » !”
Et là, au bar des « Cassaïres et Pescaïres réunis » au bout du quai, il était tombé sur Tonin Archipoulos, un ancien scaphandrier grec, ami de son père, hélas disparu, qui lui « avait appris la bouteille » et à devenir « Grenouille»
Avec cet individu d’un autre âge, totalement ignorant et ne voulant pas connaître lois et règlement, il ne pouvait choisir que la pente la plus facile, mais comme on le dit la plus mauvaise.
Et évidemment, il comprit vite que certains trésors sous marins pouvaient lui rendre la vie plus agréable. Le tout doublé par la joie du plaisir défendu.
Parce que « se plonger une cruche » et la revendre à un touriste de passage, c’est interdit par des lois, qui, tenez vous bien datent de Colbert.
Je reviendrais plus loin sur toutes les fois où croyant enfin le prendre en flagrant délit les gendarmes faisaient chou blanc.
C’est qu’il avait du vice, le Fulvio… et le soir, autour de quelques « jaunets » dégustés avec ses amis, c’était des échanges de propos peu flatteurs envers les représentants de l’autorité.
Le lendemain matin quand les pescadous, trempant leurs lignes dans les eaux du port, le voyaient partir sur sa barque, ils échangeaient la même réflexion : “Vé le Fulvio, il va aux cruches, et crois-moi, c’est pas encore aujourd’hui qu’ils vont le « troncher » !”
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