Posidonia oceanica : une cousine de l’Iris
De longues feuilles vert foncé, très denses, à priori peu engageantes, dont on a du mal à apercevoir la base, ondulant au gré des courants… le décor est posé. Nous voici à la découverte de l’herbier de Posidonie. Et pour ôter le moindre doute, légitime soit dit en passant : non, la Posidonie n’est pas une algue. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est une plante à fleur ! Il y a environ 120 millions d’années, cette cousine de l’Iris, que l’on trouve sur la terre ferme, est revenue à la vie aquatique. Depuis, elle a survécu à tous les cataclysmes, et elle est endémique à la Méditerranée, ce qui veut dire qu’on ne la trouve nulle part ailleurs.
En Méditerranée, mais pas n’importe où !
Celle que l’on peut qualifier maintenant de « plante verte marine », est gourmande en lumière : la voici cantonnée de la surface à 40m de profondeur. Mis à part dans les eaux les plus claires comme à Malte, elle ne survit pas au-delà. Elle ne tapisse donc qu’une infime partie des fonds méditerranéens et « fuit » les eaux proches des estuaires, trop douces, car elle supporte mal la dessalure (minimum 33‰), ou bien les eaux trop chaudes d’Egypte jusqu’au Liban.
Comme les plantes terrestres…
En tant que plante à fleurs, la Posidonie possède racines, tiges, feuilles, fleurs et fruits. Sa tige est rampante, on l’appelle le « rhizome ». Il a une croissance très réduite, de l’ordre de 1cm par an. C’est l’enchevêtrement entre les rhizomes, les racines, et le sédiment que l’on appelle la « matte », qui constitue un lieu privilégié pour bon nombre d’invertébrés. Les feuilles peuvent atteindre 1m de haut, et se renouvellent toute l’année. Elles ont une durée de vie de 5 à 8 mois. Dans les eaux calmes, les feuilles peuvent atteindre la surface, ce qui n’est pas le cas dans les zones plus agitées, du fait de l’arrachage mécanique par les vagues. La floraison n’est pas régulière. La fleur donnera un petit fruit vert, appelé « Olive de mer », qui germera et donnera une nouvelle plante.
De la place pour tout le monde !
En se penchant d’un peu plus près, au cœur de cette forêt sous-marine, on s’aperçoit rapidement qu’il ne s’agit pas que de simples feuilles, mais d’un véritable écosystème. Et toute la surface est colonisée par un nombre impressionnant d’habitants. 1m² d’herbier représente une surface colonisable 50 fois plus grande. La Posidonie est un des habitats les plus accueillants pour la vie marine. Les plus observateurs se rendront compte que même les feuilles sont colonisées : elles sont recouvertes par une multitude d’organismes minuscules aussi bien végétaux qu’animaux.
Un véritable jardin d’enfants
Un des rôles majeur des prairies sous-marines, est d’abriter la descendance de beaucoup d’espèces. Comme les Castagnoles (Chromis chromis), poissons voisins des Demoiselles des eaux chaudes, dont les progénitures bleues électriques semblent survoler l’herbier comme des papillons dans un pré. On y trouve également au printemps, des grappes noires enroulées autour des feuilles : ce sont des pontes de Seiche (Sepia officinalis). Ce mollusque céphalopode aime d’ailleurs se réfugier au cœur de la forêt de Posidonie.
Un grand bol d’eau pure
Le terme « forêt » est d’ailleurs évocateur : la comparaison est inévitable, tant en terme de biomasse, que de production d’oxygène. Parmi les écosystèmes marins, seule la mangrove présente une biomasse végétale aussi importante. L’herbier joue donc également un rôle très important en produisant, soit directement, soit par l’intermédiaire des végétaux épiphytes des feuilles, une grande quantité d’oxygène, qui sera utilisée par la vie marine ou bien pour la dégradation des feuilles. Par ailleurs, elle va aussi jouer un rôle esthétique: en piégeant les particules en suspension, qui vont sédimenter au cœur de l’herbier, ce filtre naturel va participer à l’éclaircissement de l’eau.
Une plante qui protège le littoral
Les bienfaits de la Posidonie ne s’arrêtent pas au milieu marin. Agissant comme une véritable barrière, elle va avoir pour effet de casser la houle, et d’empêcher les vagues d’atteindre la côte à pleine puissance, évitant une érosion trop grande des plages. Ce phénomène est renforcé par les « banquettes de Posidonie » : cette accumulation de feuilles mortes rejetées sur la plage, bien souvent « boudées » par les baigneurs, évitent tout simplement aux vagues de grignoter la plage. Elles sont malheureusement bien souvent enlevées par les collectivités, les jugeant peu esthétiques.
Un milieu aussi riche qu’une forêt tropicale
Avec ses allures de jardin sauvage, la posidonie représente à l’image d’une forêt tropicale, une véritable réserve de vie, où un œil avisé y observera bon nombre de comportements étranges et fascinants. Passer en revue toutes les espèces serait un travail de titan, car c’est plus de 400 espèces végétales et plusieurs milliers d’espèces animales qui peuplent l’herbier.
Posidonia oceanica est la seule représentante du gende Posidonia en Méditerranée où elle est endémique. Mais il existe également 8 autres espèces de posidonie sur les côtes australiennes !
Quelques habitants de l’herbier…
Castagnoles (Chromis chromis)
Ce petit poisson, proche cousin des demoiselles que l’on trouve dans toutes les mers chaudes, est un de ceux qui démontrent toute l’importance de l’herbier. Bien que ne vivant pas dans cet écosystème à l’âge adulte, il s’y développe souvent à l’état juvénile. Par bonheur pour nous, sa couleur bleue électrique, qu’il perdra en grandissant, nous permet de le repérer facilement. Il vous suffira de les approcher lentement pour profiter du spectacle qu’ils auront à vous offrir.
SERRAN ECRITURE (Serranus scriba)
S’il y a bien un spécimen à ne pas louper, c’est bien lui ! Le roi de la jungle « Posidonie ». Un véritable tigre ! Pour le reconnaître, c’est facile : sa tête est recouverte de lignes ressemblant à des écritures, son corps est rayé de larges bandes brunes, et ses flancs sont tatoués d’une magnifique tache bleutée. Pouvant dépasser les 30cm, ce cousin du mérou (famille des Serranidae) défend son territoire avec férocité. Gare à celui qui osera s’en approcher. Et même devant un plongeur, il est très curieux de le voir essayer de l’impressionner. Il tiendra sa position, face à lui, les yeux dans les yeux… jusqu’au moment où jetant l’éponge, il s’enfuira à toute vitesse !
SAUPE (Sarpa salpa)
Difficile de parler de la posidonie sans parler des saupes, tant les deux espèces sont liées. Celle que l’on surnomme la vache des mers, ou bien que les pêcheurs flatte de Daurade rayée pour la vendre plus chère en raison de sa faible valeur gustative, est aussi un des rares poissons herbivores de la Méditerranée. Et sa nourriture principale n’est autre que la Posidonie, qu’elle peut digérer. Vous les verrez forcement brouter dans les herbiers, souvent en nombre. Il n’est pas rare de les voir par centaines former un véritable mur devant vos yeux. Bien que très commune, la Saupe n’en reste pas moins un beau poisson, dont les couleurs dorées n’ont rien à envier à certaines espèces tropicales.
LES LABRES
Il existe en Méditerranée, de nombreuses espèces de Labres, et vous vous apercevrez rapidement qu’ils font véritablement partie du décor! Certains d’entre eux côtoient particulièrement l’herbier, comme le Labre vert et le Labre merle qui sont assez farouches et s’y cachent souvent au milieu des feuilles. Le Crénilabre à queue noire lui, “travaille” souvent près des herbiers: c’est en effet le seul vrai poisson nettoyeur de la grande bleue. Il débarrasse tous ses congénères de leurs parasites. C’est pour cette raison que l’on parle de la posidonie comme “station de lavage”.
SEICHE (Sepia officinalis)
Proche cousine du poulpe, la seiche aime se prélasser aux milieux des longues et sécurisantes feuilles vertes. C’est aussi un de ses endroits favoris pour y déposer ses œufs au printemps. Sous forme de grappes noires, elle les enroule autour des feuilles. Quand vous l’observerez, essayez de ne plus bougez: vous la verrez alors, curieuse, vous observez sans jamais vous lâcher du regard. C’est un animal très attachant, qui se laissera facilement approcher. Lorsqu’elle se trouve sur le sable, vous y passerez probablement 10 fois à côté sans la voir, c’est un excellent caméléon !
GRANDE NACRE (Pinna nobilis)
Parlons maintenant de cette espèce emblématique, le plus grand coquillage de Méditerranée. La grande nacre, aussi appelée “Jambonneau de mer” peut atteindre quasiment la taille de 1m de hauteur. Cette sorte de moule géante, vit fixé dans le sable, bien souvent au milieu des longues feuilles de l’herbier où elle est protégée. son inscription aux espèces protégées en 1992, on voit de plus en plus de petites nacres se réimplanter, mais elles mettront plusieurs dizaines d’années à atteindre leur taille adulte.
GIRELLES
La girelle, bien que faisant partie de la famille des Labres, est un poisson un peu particulier, car c’est sans doute le plus courant en Méditerranée. Vous la verrez partout, y compris dans l’herbier. Mais ne vous y trompez pas, on en dénombre seulement 2 espèces: la plus courante est la girelle commune. L’autre, plus rare, mais plus colorée, c’est la girelle paon. On entend souvent parler de girelle royale… c’est tout simplement le mâle coloré de la première espèce.
Ceci est une infime partie de ce que vous aurez l’occasion de découvrir dans les herbiers de posidonie. Pas de secret, pour observer ses richesses, il faut y passer un peu de temps, mais je suis sûr, vous ne serez pas déçu de vos trouvailles !
Bonnes explorations à tous !
sur scuba people
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