L’Association pour l’Etude et la Conservation des Sélaciens (APECS) part à la rencontre des requins pèlerins pendant leur passage sur les côtes bretonnes.
Au printemps les requins pèlerins sont de passage dans le Finistère sud. Quelle est le chemin migratoire du requin pèlerin ? Où est-il le reste de l’année ? À quelle période et à quel endroit se reproduit-il ? De nombreuses questions restent encore sans réponse… Mais l’APECS, association brestoise qui agit en faveur de la conservation des raies et des requins, mène notamment des recherches pour en apprendre plus sur ce grand voyageur et ce depuis plus de 20 ans maintenant.
Requin pèlerin (Cetorhinus maximus) en train de se nourrir en surface
Portait d’un géant menacé nommé « pèlerin »
Le requin pèlerin est un géant qui peut mesurer jusqu’à 12 mètres de long et peser jusqu’à cinq tonnes, ce qui fait de lui le deuxième plus grand poisson du monde après le requin baleine ! Cette espèce inoffensive peut-être observée à la surface de l’eau dans certains secteurs et à certaines périodes de l’année, filtrant paisiblement le plancton. Même s’il possède de toutes petites dents, ce requin est uniquement friand de copépodes, micro-organismes peuplant les océans, qu’il piège dans ses peignes branchiaux en déambulant la gueule ouverte. Notons tout de même qu’il peut filtrer l’équivalent d’une piscine olympique en une heure ! Il s’agit d’un poisson cosmopolite, c’est-à-dire qu’il fréquente aussi bien les eaux tempérées, froides que les eaux tropicales. Cependant, il semble préférer les eaux tempérées à froides, où il est possible de l’observer plus facilement en surface alors qu’il reste plutôt en profondeur sous les basses latitudes. Lors de ses migrations saisonnières, il peut évoluer de la surface à plus de 1000 mètres de profondeur. C’est l’utilisation récente des balises de suivi par satellite qui permet aujourd’hui d’en apprendre davantage sur cette espèce ! Malgré l’utilisation de nouvelles technologies pour améliorer les connaissances sur le requin pèlerin, de nombreuses questions sont encore en attente de réponse sur sa biologie et son écologie. Considérée comme menacée d’après l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), l’espèce autrefois exploitée est désormais interdite de pêche mais de nombreuses menaces pèsent toujours sur elle (captures accidentelles, pollution, etc.).
L’APECS et le requin pèlerin, plus de 20 années de suivi:
Créée en 1997 à Brest, l’APECS agit en faveur de la conservation des requins et des raies et plus largement pour la préservation des écosystèmes marins. Elle contribue au développement des connaissances scientifiques par la mise en œuvre de programmes de recherche et elle mène des actions d’éducation et de sensibilisation à destination de différents publics. Dès 1998, l’association lance le programme national de recensement des observations de requins pèlerins suite à la raréfaction des observations. Ce programme de sciences participatives fait appel aux usagers de la mer pour collecter des données. Les actions en faveur de l’amélioration des connaissances sur la biologie et l’écologie de l’espèce se multiplient ensuite au fur et à mesure des années.
En cas d’observation : Ayez le réflexe, appelez l’APECS ! Profitez du spectacle en coupant le moteur de votre bateau. Prévenez l’APECS dès que possible au 0677596983 et remplissez le formulaire en ligne sur le site Internet de l’association. Notez la date, l’heure et le lieu. Estimez la taille du requin et si vous êtes équipés, photographiez l’aileron dorsal et la queue.
Distribution d’autocollants aux usagers de la mer
La mission de terrain PELARGO
Débuté en 2015, ce programme vient enrichir les actions engagées par l’APECS depuis 2009 visant à mieux étudier la migration à grande échelle du requin pèlerin ainsi que ses plongées dans les profondeurs des océans grâce à la pose de balises de suivi par satellite. En contribuant à l’effort de marquage international engagé en Europe depuis le début des années 2000, ces travaux pourront également aider à identifier des zones particulièrement importantes pour cette espèce.
Approche d’un requin pèlerin pour la pose d’une balise SPOT
Les missions de terrain se déroulent d’avril à juin, période la plus favorable à l’observation des requins pèlerins dans le Finistère sud (29), avec l’aide des bénévoles de l’APECS. Dès que l’APECS reçoit des signalements de requins pèlerins dans le Finistère sud par les plaisanciers, une équipe part en mer à la recherche des ailerons. Une fois le requin repéré, différentes actions vont s’enchainer (observation du comportement, photo-identification, détermination du sexe) avant la pose de la balise.
Deux types de balises sont utilisés :
- La balise SPOT indique la position du requin lorsque celui-ci est en surface grâce aux satellites du système ARGOS, permettant ainsi de suivre l’animal quasiment en temps réel.
- La balise MiniPAT enregistre quant à elle différents paramètres à intervalle de temps régulier (pression, température de l’eau et luminosité). Prévue pour se décrocher au bout d’une année, elle remontra alors à la surface pour transmettre toutes les données enregistrées, toujours via les satellites ARGOS. Il sera alors possible de connaître le profil de ses plongées, mais aussi de faire une estimation du trajet réalisé par le requin.
Balise SPOT
Balise MiniPAT
2018, une saison exceptionnelle et une première mondiale:
La campagne de terrain est terminée pour l’année 2018 mais ce fut une saison incroyable ! Huit requins pèlerins ont pu être observés entre le 6 et le 7 mai. Et s’il ne faut retenir qu’une seule date, c’est bien celle du 7 mai, journée pendant laquelle l’équipe a eu la chance de croiser la route de sept requins et d’en équiper trois avec des balises de suivi par satellite ! Les déplacements de ces trois requins, baptisés Marie B, Fanch et Bazil sont maintenant suivis quotidiennement par l’APECS. De plus, ce ne sont pas trois mais quatre balises qui ont été déployées… En effet, l’équipe a réussi à poser deux balises (une SPOT et une MiniPAT) sur la femelle (Marie B). Si ce double marquage avait déjà été réalisé sur un requin baleine, il s’agit d’une première mondiale pour le requin pèlerin ! Le but est de comparer, dans un premier temps, le trajet estimé par la balise MiniPAT avec les localisations Argos obtenues en temps réel avec la balise SPOT. Dans un second temps, le modèle mathématique utilisé pour la balise MiniPAT pour estimer le chemin emprunté par le requin pour pourra également être amélioré en s’appuyant sur les positions exactes transmises par la balise SPOT. Fanch est Bazil sont quant à eux équipés d’une balise SPOT.
Les résultats de ces suivis permettront de mieux comprendre comment les individus marqués utilisent les eaux côtières françaises et plus largement les eaux de l’Atlantique nord-est. Cette mission a pu être accomplie grâce à la mobilisation des plaisanciers et des pêcheurs du secteur qui nous ont contactés pour nous signaler la présence des requins.
Portraits de Marie B, Fanch et Bazil, les trois requins équipés de balises:
Marie B est une femelle requin pèlerin de 6,5 mètres portant à la fois une balise SPOT et une balise MiniPAT. Elle a navigué entre les Glénan et Groix jusqu’au 11 mai avant de migrer vers la Mer du Nord à une centaine de milles nautiques au large d’Edimbourg, où elle se balade depuis le 27 mai.
Fanch est un mâle de 8 mètres portant une balise SPOT. Cet individu est facilement reconnaissable à l’extrémité de sa queue coupée et il n’a pas de seconde nageoire dorsale. Il est resté dans le secteur jusqu’au 9 mai. Après trois semaines sans nouvelle, il a refait surface le 31 mai en Mer d’Irlande, sur les côtes de l’Île de Man où il se trouvait jusqu’au 7 juin. Il a ensuite continué sa route vers le Canal du Nord, entre l’Irlande du nord et l’Écosse. Il a refait surface le 3 juillet au niveau de l’île de Coll aux Hébrides.
Bazil, mâle de 7 mètres portant une balise SPOT ne communique pas autant que ses deux autres congénères. Après avoir passé la journée du 7 mai aux Glénan, il a rejoint le sud de la Cornouaille anglaise dès le 11 mai. Nous n’avons pas reçu de nouvelle position depuis cette date… mais où est Bazil ?
Rédaction article:
Alexandra ROHR, chargée de mission
Morrigane SIMONET, volontaire en service civique”
E-mail: asso@asso-apecs.org
Photo de couverture par: ©A.Rohr-APECS