En 2008, nous initiions une analyse rétrospective sur les cas de surpression pulmonaire survenus en formation au décours des exercices de Remontée Sans Embout (RSE), motivés par notre expérience et surtout un travail récent sur l’étude des causes de décès en plongée montrant des cas consécutifs à une RSE, ce qui, pour nous à l’époque, représentait déjà une cause inacceptable. Nous publiions alors dans le bulletin de la « Société de Physiologie et de Médecine Subaquatique et Hyperbare de Langue Française » les résultats de cette étude. La conclusion était sans appel : « Malgré une faible incidence, le barotraumatisme thoracique reste inacceptable par ses circonstances de survenue et sa gravité potentielle. Une sensibilisation des plongeurs sur les conduites à risque, mais surtout une meilleure planification des plongées et une remise en question de la RSE devraient limiter le nombre et la gravité des barotraumatismes. »
A l’époque, nous avions alors informé le vice-président de la FFESSM et le président de la Commission Technique Nationale de cette étude. Sa réponse a été de nous dire que le sujet n’est polémique que parce que certains l’ont rendu polémique et que l’idée d’un moratoire est totalement inenvisageable, que cette suggestion relève d’une grande méconnaissance de l’appareil fédéral. Nous aurions toutefois « la chance » d’être informés des conclusions du groupe d’étude de la FFESSM travaillant sur ce sujet.
Quelques mois plus tard, le rapporteur médical de la FFESSM estime que le risque d’accident est identique à tout exercice réalisé en formation. Qui plus est, il est affirmé que cet exercice a probablement permis d’éviter des surpressions pulmonaires lors de véritables pannes d’air. Il est donc important de le conserver.
Rappelons simplement que d’autres fédérations comme la FSGT en France ou la Lifras en Belgique ont pris la décision de suspendre cette pratique suite à un certain nombre d’accidents inacceptables. Son intérêt pédagogique a été déclaré quasi nul. En parallèle, le fait de ne pas enseigner la RSE ne s’est pas traduit par une hécatombe liée à une mauvaise gestion des pannes d’air.
En 2009, l’équipe du Dr. Tino Balestra publie dans une revue scientifique internationale, une étude qui renforce les arguments en faveur d’un risque accru de surpression pulmonaire avec ce type de pratique.La même année, lors d’une réunion de la CTN, le médecin rapporteur du groupe de travail de la FFESSM conclut qu’il n’existe pas de raison médicale pour remettre en question cette pratique.
En 2010, suite à la survenue de nouveaux incidents, nous publiions, avec les référents de la plongée dans les armées, le conseiller technique national de la plongée à la Sécurité Civile et le directeur de formation de l’Institut National de la Plongée Professionnelle, une lettre ouverte évoquant les dangers de la RSE.
Rien ne change dans les formations en France. Certains vont même jusqu’à nous expliquer qu’il est préférable qu’il y ait un problème avec un candidat lorsque cet exercice est réalisé avec un encadrement très compétant, toutes les mesures de sécurité nécessaires et dans un environnement sécurisé, plutôt que lorsqu’il sera tout seul, en situation de conduire 4 N2 juste formés.
En 2013, Francis Le Guen, plongeur et journaliste de renom, m’interroge sur les risques inhérents à cette pratique dans une séquence de Scubaparté pour Scuba People.
En 2014, le dépôt d’une plainte pénale suite à des séquelles survenues au décours d’un barotraumatisme grave lors d’une RSE est rendu impossible pour des faits considérés comme prescrits.
La même année, à l’occasion des assises de la plongée sous l’égide du Préfet Maritime, l’ancien secrétaire général de la FFESSM rebondit suite à mes propos et résume parfaitement l’argumentaire en faveur de l’arrêt de cette technique :
- En France, cet exercice n’est imposé que par la FFESSM, au niveau 4 et au MF2. La FSGT ne le pratique pas. L’ANMP a mis en place, pour son niveau 4, un tirage au sort entre deux épreuves, la RSE ou une gestion de la remontée. La gestion de la remontée est systématiquement tirée au sort… et l’épreuve de RSE n’existe sur le papier que pour éviter la non-reconnaissance du niveau 4 ANMP par la FFESSM.
- A l’international l’exercice n’est pas pratiqué.
- Il n’y a aucune justification technique à sa réalisation. Le fait d’avancer qu’il s’agit de prévenir le risque de surpression pulmonaire n’est pas crédible. En effet, à titre d’exemple, cet exercice n’est pas demandé au niveau 3 de plongeur et cela ne gêne personne à la FFESSM. Alors pourquoi le demander au niveau 4 de guide de palanquée et au MF2 ? Parce qu’il s’agit d’une réminiscence historique datant de 1957, époque à laquelle, avec un matériel très différent de celui utilisé aujourd’hui, il était envisagé que le moniteur ait besoin de donner son scaphandre à un élève et qu’il rejoigne seul la surface. A l’époque, cet exercice était déjà jugé dangereux, mais le choix avait été fait de le maintenir par nécessité. Par la suite, il a été maintenu contre toute évidence.
- Justification médicale : Devant une volonté politique de maintenir l’exercice et malgré une réalité technique n’y trouvant aucune justification, certains médecins fédéraux ont cautionné la justification de cet exercice, ce qui a clos le débat technique… au motif que la médecine justifiait la chose. Les procès verbaux de CTN, disponibles sur le site de la FFESSM, où siège un représentant de la commission médicale sont sans ambiguïté sur ce point.
- Justification politique : Le maintien de cet exercice permettrait de bloquer l’entrée sur notre territoire de moniteurs d’organismes internationaux, qui ne le pratiquent pas. C’est le seul motif réel probable, à défaut d’être acceptable et valable.
- Une nouvelle donne : Les accidents répétés, dont des décès pendant la formation, ont amené la FFESSM à prendre conscience de l’impossibilité de pouvoir continuer ainsi. C’est le sens de la décision de la CTN de septembre 2014 qui, de fait, reconnaît la dangerosité de l’exercice et son absence de justification technique, voire de son inutilité en dehors d’une simple démonstration technique. Alors qu’on croyait que cet exercice allait être définitivement abandonné, ce sujet a été régulièrement mis en fin de réunion ou non abordé faute de temps, estimant que d’autres sujets étaient plus préoccupants et que cette problématique devait s’intégrer dans un regard global concernant la formation et la certification à la plongée. Le sujet de la RSE n’était donc pas urgent, ni surtout prioritaire. Un groupe de travail devait proposer une épreuve de substitution, chose qui n’a pas encore été traduite dans les faits à ce jour… six mois plus tard. Il en est résulté que les RSE ont été maintenues pour la saison 2014-2015 pour les formations et les examens fédéraux.
2014 est malheureusement marqué par le décès d’une plongeuse à Marseille au cours d’une RSE. Cet accident de plus et de trop, ne modifie pas la position de la FFESSM. C’est ainsi que, le 15 juin 2015, le président de la CTN menace les commissions techniques régionales, qui ont pris la décision d’annuler cette épreuve et de lui attribuer une note de 10/20, d’annuler la totalité de l’examen pour vice de procédure.
Quelques jours après, un nouvel accident grave se produit dans le nord ouest de la France, chez un candidat au MF2.
Devant la gravité des faits, le président de la CTN prend enfin la décision de demander une mesure conservatoire de neutralisation immédiate de l’épreuve au Président de la FFESSM. Il annule de sa propre responsabilité les épreuves de RSE au sein des examens N4 et MF2 dans l’attente d’une décision du Comité Directeur National. Celui-ci doit se prononcer au 30 juin 2015.
Le CDN peut tout à fait se prononcer contre la décision de la CTN, celle-ci n’étant que consultative. Ce serait la deuxième fois en un an qu’il prendrait une telle décision, puisqu’il avait décidé en 2014, unilatéralement et contre l’avis de laCNMP, Commission Nationale Médicale et de Prévention, de donner la possibilité à tout médecin de faire un certificat médical de non contre-indication à la plongée jusqu’au niveau IV, alors que l’évolution des pratiques de plongée et des pratiquants rendent cette consultation de plus en plus technique.
L’histoire n’est donc malheureusement peut-être pas encore finie, alors qu’il est évident que la RSE est un exercice inutile et dangereux qui doit être interdit dans toutes les formations de plongée en France, et bien entendu dans toutes les épreuves conduisant à des qualification de plongeurs et d’enseignants.
Nous restons bien évidemment à votre entière disposition pour en débattre dans l’intérêt du plongeur.
Amitiés.
Dr Mathieu Coulange
Chef de service, Médecine Hyperbare, Subaquatique et Maritime
Pôle Réanimation Urgence SAMU Hyperbarie (RUSH)
CHU Ste Marguerite
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6270 On lache pas !!!