Le grand Blanc est en danger, et protéger efficacement le seigneur des mers est aujourd’hui urgent. Fondateur de l’association SOS Grand Blanc, le photographe Patrice Héraud publiait en fin d’année « Le Grand Requin Blanc, du Mythe à la réalité ». Son message est clair : pour sauver l’espèce il faut agir, et le temps est aujourd’hui compté.
DES POPULATIONS DÉCIMÉES
En 10 ans à peine, d’après les chercheurs australiens, 80% des Grands Requins Blancs auraient été décimés, portant à moins de 10 000 le nombre d’individus qui croisent dans les eaux de l’île continent. Certes, l’espèce est aujourd’hui considérée par la CITES comme officiellement menacée. « Mais c’est insuffisant, estime Patrice Héraud, il faudrait qu’elle soit inscrite sur la liste des espèces en voie d’extinction, que des réserves intégrales soient créées, et que les captures soit-disant accidentelles ne soient plus tolérées ».
OBSERVATEUR PRIVILÉGIÉ DEPUIS PLUS DE 20 ANS
Patrice Héraud a découvert véritablement les requins il y a plus de 20 ans, à travers son métier de photographe. Depuis, il a pris fait et cause pour le grand prédateur, a multiplié les missions aux côtés de scientifiques, en Australie et ailleurs. En 2004, il a fondé SOS Grand Blanc, à la fois pour recueillir des fonds destinés à des missions scientifiques, mais aussi pour avoir un cadre pour sensibiliser le public : toute l’année, lorsqu’il n’est pas sur le terrain, il multiplie les conférences, les actions de sensibilisation. Auprès des adultes, mais aussi des enfants, qui finissent par aimer et comprendre les Grands Blancs, souvent bien mieux que leurs aînés.
EN PARTENARIAT AVEC RODNEY FOX
« Mais je ne suis pas un scientifique », tient-il à préciser. Il apporte avant tout son regard, un soutien, même si ses connaissances en la matière sont aujourd’hui indéniables. C’est aussi auprès de Rodney Fox qu’il a beaucoup appris, et leurs deux associations travaillent aujourd’hui en étroite collaboration : sur le terrain bien sûr, en organisant ensemble des missions de marquage et de recensement dans les eaux australiennes, mais aussi dans les couloirs du pouvoir, où ils se sont fait les ambassadeurs de la cause des Grands Blancs.
OBTENIR L’APPUI DES GOUVERNEMENTS
Seuls les gouvernements peuvent prendre des décisions concrètes et faire appliquer des mesures réellement efficaces. Mais l’on se heurte alors à des intérêts si contradictoires que les choses avancent bien lentement : protéger le Grand Blanc, c’est aussi restreindre les zones de pêche, un secteur qui pèse dans l’économie australienne. C’est aussi, alors que le tourisme local repose en partie sur l’intérêt en peu morbide suscité par le Grand Blanc, limiter et encadrer les sorties requins qui se multiplient de façon anarchique.
ET ENCADRER L’ÉCO-TOURISME
Patrice Héraud, toujours aux côtés de Rodney Fox, lutte ainsi pour que l’éco-tourisme retrouve sa vraie justification, une approche respectueuse d’un animal dans son élément naturel. « Or, explique-t-il, ce qui se passe aujourd’hui est bien différent, certains opérateurs se contentent d’immerger des cages pleines de plongeurs en balançant des appâts en surface ». Résultat, des animaux excités, qui se jettent sur les barreaux des cages, éventuellement se blessent, et véhiculent encore un peu plus l’image du requin sanguinaire. Si rien n’est fait, on risque d’arriver à des mesures d’interdiction pure et simple de mise à l’eau avec les Grands Blancs.
LE REQUIN DANS SON ÉLÉMENT
Et ce que souhaite Patrice, c’est une alternative, un retour à une approche respectueuse : retrouver l’animal dans son environnement, en l’observant éventuellement dans des cages, mais posées à 25 ou 30 mètres. En privilégiant la connaissance, la découverte. « C’est ce que proposent Rodney Fox et son fils, et on est vraiment là à nouveau dans la notion d’éco-tourisme ». Le requin est à nouveau dans son monde, beaucoup plus calme, plus accessible, c’est le plongeur qui va vers lui et non l’inverse.
POUR LE PROTÉGER, IL EST URGENT DE LE CONNAÎTRE
C’est tout le paradoxe du Grand Requin Blanc. Nous avons tous, plongeurs ou non d’ailleurs, des images, des idées sur le grand squale, généralement bien négatives. Il fait malheureusement partie de l’imaginaire collectif, « et pourtant, explique Patrice, nous ne savons pratiquement rien de lui. » On le pensait solitaire, il semblerait qu’il soit capable de vivre en groupe. Et où va-t-il, ou plutôt où vont les femelles lorsqu’elles quittent les eaux qu’elles ont l’habitude de fréquenter ? Elles disparaissent pendant des mois et l’on ne peut faire pour l’instant que des suppositions… Où sont les tout petits, à peine nés et déjà objets de tous les mystères ? « En 20 ans, regrette Patrice, le plus petit que j’aie pu voir mesurait 1mètre 80, que se passe-t-il avant ? »
UNE REPRODUCTION TRÈS LENTE
Et le Grand Blanc ne sera certainement pas sauvé par ses capacités de reproduction : même si on connaît mal son cycle de vie, on sait que la maturité sexuelle est tardive, que la gestation est longue puisque les estimations les plus courtes parlent de 12 à 14 mois, et que l’espèce pratique le cannibalisme intra-utérin. Reste pour les rescapés à affronter les prédateurs, à se nourrir. Mais là encore, on sait bien peu de choses des premiers mois de vie des petits squales, faute d’observations suffisantes.
AURONS-NOUS LE TEMPS D’INVERSER LA VAPEUR ?
Il faudrait donc, avant d’espérer voir les populations augmenter à nouveau, de longues années de stabilisation, et de sauvetage d’urgence des individus. « Il y a quelques années, explique Patrice, nous avons marqué 2 requins en partenariat avec une école de ma région. Les enfants les ont adoptés, ils ont assisté en direct au marquage grâce à une webcam, et sur le mur de la bibliothèque il y a toujours les photos de Paillette et de Biscoto. Chaque fois que j’y passe, on me demande des nouvelles, si par hasard ils ont eu des petits. Et j’aimerais pouvoir continuer à dire qu’ils vont bien. »
« LE GRAND REQUIN BLANC, DU MYTHE À LA RÉALITÉ »
Publié en fin d’année chez Glénat, « Le Grand Requin Blanc, du mythe à la réalité », fait un tour d’horizon des connaissances sur le seigneur des mers, à travers des textes d’Alexandrine Civard-Racinais. Les photos de Patrice Héraud, principalement réalisées en Australie au cours de missions scientifiques, mettent en scène le Blanc dans toute sa majesté : 144 pages de découverte, et de plaisir des yeux.
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Texte : Isabelle Croizeau
Photos : Patrice Héraud