Il ne se passe pas une semaine sans qu’un plongeur nous dise : “C’est décidé, je deviens pro! Comment dois-je faire?”. Fort de ce constat, nous avons posé la question non pas à Dieu mais à quelques-uns de ses apôtres. Nous vous livrons leurs réponses.
LES PHOTOGRAPHES
Erwan Amice
Ta 1ère immersion? A 9 ans
Combien de plongées à ton actif? Il y a longtemps que je ne compte plus mais je dois être à plus de 6000.
Première image publiée et vendue? En 1997 dans “Océans”.
Quelques prix de-ci, de-là mais le plus importante pour moi: le premier prix du concours photo de l’année polaire internationale en 2009.
Tes clients? Différentes institutions: CNRS, IFREMER, IPEV, Parc naturel marin, Universités, bureaux d’études, entreprises du secteur cosmétiques, offices de tourisme, journaux…
– L’image sous-marine est-elle ton activité principale? Non, je suis aussi assistant ingénieur du CNRS au sein de l’Institut Universitaire Européen de la mer à Brest et responsable du Service Moyens à la mer et plongée scientifique.
– Les 2 images les plus “importantes” pour toi?
– Tu travailles avec quel équipement? Budget? Je suis équipé en caissons Subal et boitiers Nikon. Cela fait un budget important de l’ordre de 30 000€.
– L’activité est-elle différente entre tes débuts et aujourd’hui? Oui, l’activité a beaucoup changé, l’arrivée du numérique a bouleversé les méthodes de travail. Les délais pour rendre un sujet sont plus courts. le numérique permet rapidement d’être sûr d’avoir couvert un sujet.
Les moyens de transferts des images ont changé, on est passé du courrier sous enveloppe qui pouvait mettre plusieurs jours à du transfert numérique… Une vraie révolution! Tout cela a aussi changé les relations humaines du milieu. On est passé de vraies relations humaines avec de la confiance réciproque entre le photographe et un rédaction en chef par exemple à des choses plus abstraites et moins chaleureuses…
– La vidéo est-elle indispensable? La vidéo devient indispensable, les demandes de clips et autre petits films pour Internet sont maintenant régulières et permettent d’augmenter son chiffre d’affaire.
– Un conseil aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’aventure? Maîtriser la plongée et opter rapidement pour une qualification professionnelle (Classe 1B au minimum), avoir une bonne culture générale du milieu marin et se former à la prise de vue professionnelle en école spécialisée.
Ton site internet? http://e.amice.free.fr
Didier BRANDELET
– Ta 1ère immersion? à 8 ans au Lavandou, Fourmigue en aoû.t 1970…
– Combien de plongées à ton actif? J’ai arrêté ce compter à 5000
– Date à laquelle ta 1ere image est publiée? En 1989 à Sharm El Sheikh dans un canard local (photos du Thitlegorm sur lequel j’ai été un des premiers à plonger !)
– Date à laquelle tu vends ta 1ère image? Hors plongée 1985, plongée 1989.
– Récompenses, prix dans des festivals? Lauréat du Peter Stuyvesant Travel (sorte de Koh Lanta de l’époque) avec comme prix un tour du monde. Grand prix des aventuriers Jules Vernes (prix décerné par la presse) remise avec les plus grands explorateurs du moment, Cousteau, Paul Émile Victor, .
– Qui sont tes clients? Tous les TO, les mags de plongée, les sites, la pub (Aqualung), les éditeurs (Bordas, hachette ), les bouquins (j’ai réalisé une grosse partie du Tour du Monde en 80 plongées avec Sahuquet et Mioulane). La FFESSM, etc
– L’image sous-marine est-elle ton activité principale? Non, impossible, ça représente environ 20% du chiffre
– Les 2 images les plus “importantes” pour toi?
Le Figaro en couv’ pour la mort du Cdt Cousteau.
Le serpent de mer, jamais je n’ai pris un pied pareil depuis que je plonge, un moment de grâce comme diraient certains, une rencontre de choc, une richesse incroyable des fonds et la cerise sur le gâteau ces serpents qui couvraient le fond !
– Tu travailles avec quel équipement? Budget? Anciennement Sea&Sea, maintenant je suis avec Isotta et Hubert Lacour, je shoot européen, plus japonais 🙂 Budget : environ 23000 euros.
– L’activité est-elle différente entre tes débuts et aujourd’hui? Oui, on n’a plus les revenus qui venaient des droits d’auteur, photos en photothèque que l’on ramenait des reportages, de plus beaucoup de photographes amateurs donnent leurs photos pour partir gratuitement en voyage.
– La vidéo est-elle indispensable? Non mais c’est le prochain virage pour nous car les TO veulent de petits shoots pour les sites.
– Un conseil aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’aventure? Faire autre chose ! Non, blague à part, il faut beaucoup de patience, avoir un métier en profession libérale pour pouvoir partir régulièrement, faire les concours, aller sur les Salons.
– Envie de rajouter quelque chose? Que c’est magique de pouvoir vivre de sa passion, si je pouvais, je partirai tous les 15 jours.
– Ton site internet? blue-down.com
Henri Eskenazi
Pascal Kobeh
Ta 1ère immersion ? En 1988 en Martinique, en vacances.
Combien de plongées à ton actif? Environ 7.000
Date publication de ta 1ère image ? 1996
Date de ta 1ère vente ? 1996
Récompenses, prix dans des festivals? Plongeur d’argent Antibes 1997, Plongeur d’or Antibes 1998, Palme d’or du guide sous-marin Antibes, Winner BBC Wildlife Photographer of the year 2010, Prix d’or Montier 2013
Qui sont tes clients? Presse, édition…
L’image sous-marine est-elle ton activité principale? Seule et unique, alors oui.
Tes 2 images préférées? Celle qui a été le plus vendue en son temps : manta (argentique).
Et celle qui m’a permis de gagner le “wildlife photografer of the year” de la BBC.
Ton équipement ? Ton budget ? Nikon D700, Caisson Seacam + gamme d’optique. Budget 20.000 €
Des différences dans ton activité entre tes débuts et aujourd’hui ? Oh, oui. Internet et le numérique ont tué le métier. Maintenant tout le monde se prétend photographe.
La vidéo est-elle indispensable? De plus en plus.
Un conseil aux jeunes qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure? Bon courage !
Ton site internet ? www.pascalkobeh.com
Phil SIMHA
– Ta 1ère immersion? Dans l’enfance, en Grèce, mon pays d’origine
– Combien de plongées à ton actif? Quand on aime on ne compte pas. Mais probablement au-delà de 5.000.
– Date à laquelle ta 1ere image est publiée? 2003
– Date à laquelle tu vends ta 1ère image? 2003
– Récompenses, prix dans des festivals? Non, je ne participe pas en tant que compétiteur. Je pense que la reconnaissance sous forme de publication me suffit et que les concours doivent permettre à d’autres de faire connaître leur travail. Mais je suis régulièrement dans des jurys et j’apprécie ces rendez-vous communautaires.
– Qui sont tes clients? Presse plongée, presse grand public, boîtes de com, organisations de plongée, agences photo –et je travaille avec toute l’Europe.
– L’image sous-marine est-elle ton activité principale? Avec son enseignement et la distribution de matériel Seacam en plus des voyages et reportages, oui.
– Les 2 images les plus “importantes” pour toi?
1) Les requins-tigres des Bahamas, que nous avions été les premiers à photographier hors-cage: 15 magazines, 8 couvertures –c’est le sujet qui m’a fait connaître en Europe!
2) La descente de Herbert Nitsch, en 2012, lors de la tentative de record du monde qui a failli lui coûter la vie. Une des plus fortes émotions que j’ai jamais ressentie sous l’eau, cette image est avec moi pour toujours.
– Tu travailles avec quel équipement? Budget? Canon et Seacam pour la photo, Aqua Lung et Cressi pour la plongée et l’apnée. Tous sont des partenaires et des sponsors essentiels, ce qui répond à la question du budget 😉
– L’activité est-elle différente entre tes débuts et aujourd’hui? Oui, bien sûr, le travail gratuit s’est largement répandu, certains mags virent au catalogue de TO, Facebook permet de croire qu’on a réussi sa vie avant même d’avoir un semblant de CV… Pour notre partie, c’est comme le reste du monde de l’édition en fait: quand on aura fait le tri entre Internet et le papier, le gratuit et le professionnel, quand les journalistes referont des articles avec des angles qui les distinguent, on retrouvera une logique plus saine.
– La vidéo est-elle indispensable? De plus en plus demandée.
– Un conseil aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’aventure? Se faire connaître par les concours, les sites comme 500px ou Flickr, ne jamais publier une image gratuitement, ne pas quitter un job bien rémunéré juste parce qu’on y croit. Ce ne sont pas les années à venir immédiates qui vont favoriser le métier, mais quelqu’un qui sait surprendre, faire preuve d’originalité, et partager son travail peut toujours y arriver! Et pour conclure sur la question de l’intitulé: non, ce n’est pas un secteur d’avenir.
– Ton site internet www.sunfishproductions.com
Gérard soury
Ta 1ère immersion? Septembre 1970
Combien de plongées à ton actif? En 2001 > 4000. J’ai cessé de compter depuis.
Date à laquelle ta 1ere image est publiée? 1984
Date à laquelle tu vends ta 1ère image? 1984
Récompenses, prix dans des festivals? Médaille d’or Festival mondial de l’image sous-marine Antibes. Ensuite, mes seules participations à des festivals l’ont été en tant que membre du jury : Antibes, Florès (Indonésie), Tenerife (Canaries), Anvers (Belgique)
Qui sont tes clients? Agences photographiques, Magazines, Editeurs, Agences de communication.
L’image sous-marine est-elle ton activité principale? Non, l’écriture d’articles presse et surtout de livres et de guides sur la mer représente 60 % de mon activité totale.
Les 2 images les plus “importantes” pour toi?
Sur les 7500 images en ligne sur mon site, ce n’est certainement pas la plus belle, mais elle évoque pour moi un moment intense d’émotion. Lors de ma première plongée en Patagonie (eau à 8°C), une baleine franche de couleur exceptionnellement claire était venue pousser mon caisson du bout du menton. Je l’avais perçue comme un signe de bienvenue.
Même raison de mon choix que la première image : l’émotion. Bretagne, mer difficile, courant fort, visibilité médiocre mais un succession d’échanges magnifiques entre mon ami Didier Brémont et un dauphin sauvage que nous avions baptisé Wifi. Finalement, je ne considère une image réussie que lorsqu’elle véhicule mon émotion ressentie au moment de la prise de vue.
Tu travailles avec quel équipement? Budget ? 2 Nikon D800 + Zoom 16-35 et Fisheye 10.5 Caisson Nauticam + Flashes Inon et accessoires. Budget photo : de 15 à 18.000 €
L’activité est-elle différente entre tes débuts et aujourd’hui? Pas vraiment. Le cursus est toujours le même : Prises de vues, traitement des images avec identification rigoureuse des contenus, envoi aux agences. Ecriture adaptée selon qu’il s’agit d’articles presse, de guides ou de livres, en fonction de l’âge des futurs lecteurs.
La vidéo est-elle indispensable? Je l’ignore, cette activité m’est totalement étrangère. Pour moi, c’est un autre média, une toute autre façon de transmettre un événement. Mon activité étant essentiellement concentrée sur le livre ou la presse (même numérique), je n’aurais ni le goût, ni le temps et surtout pas la compétence de cumuler les deux.
Un conseil aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’aventure? Avant tout, avoir un premier vrai boulot alimentaire. Et ne pas prendre ses désirs pour des réalités. Une réputation ne se construit pas sur quelques médailles glanées ça et là. Il faut des années avant d’être installé dans le paysage de l’image professionnelle. Et surtout, il ne faut chercher à imiter personne. Celui qui réussit son examen de passage c’est celui qui est spontanément sollicité pour son travail par les éditeurs.
Envie de rajouter quelque chose? Se poser la question suivante : Pourquoi je veux faire ça ? Si le côté mercantile prime dans la démarche, mieux vaut faire autre chose. S’il y a une vraie fraîcheur, une vraie passion, les choses avanceront d’elles-mêmes.
En outre, posséder une vraie culture en biologie si l’on veut appartenir à une agence. Les erreurs d’identification sont le plus sur moyen de se faire éjecter.
Ton site internet? www.gerardsoury.net
LES VIDEASTES
Jérôme ESPLA
– Ta 1ère immersion? En bouteille à l’âge de 11 ans, avec un masque vers 3 ans
– Combien de plongées à ton actif? 5000 et des brouettes, à la louche, bien longtemps que je ne compte plus. Mais le rythme s’est bien ralenti. Je fais moins de prestations car plus de films Perso, donc moins en vadrouille.
– Date à laquelle ta 1ere image est publiée? Films sur les épaves varoises en 1997 en VHS….
– Date à laquelle tu vends ta 1ère image? 1998, sur le premier record de France en apnée poids variable de pierre Frolla en 1998 pour tmc. Depuis je n’arrive plus à me débarrasser de Pierre… Ma première société, hexagone vidéo en 1998 aussi.
– Récompenses, prix dans des festivals? Houla…. Te fais passer la liste en pj… Mais le tout premier prix, celui qui fait vraiment quelque chose, c’est le prix information actualité en grand format au festival d’antibes en 2000 pour un film sur les filets abandonnés au fond, les mailles oubliées. André laban, président du jury. Je viens d’acheter un caisson beta cap a René Heuzey, et je me retrouve sur la scène avec tous les géants de l’images, patron, Heuzey.. Je suis assis dans la salle à côté d’une jeunot qui attend son nom… Laurent Ballesta.. Son premier plongeur d’or….
– Qui sont tes clients? F3 au début, je fais beaucoup de sujets d’actualité, magazines… Puis je tourne pour des prods sur du docs. En parallèle, je réalise pas mal de films que produit ma société.
– L’image sous-marine est-elle ton activité principale? Jusqu’en 2007, je ne fais que de la presta sous marine. En 2006, je monte poisson lune productions, plus axée sur la Prod de documentaire. Je bifurque doucement vers la réalisation de documentaires pour la Tv. Aujourd’hui, je ne fais plus beaucoup de prestes pour d’autres prods et ne fais que les images terrestres et sous marines de mes docs. Cela permet de plus s’impliquer dans le process et de ne plus compter ses heures….. Mais bon, je ne les comptais pas avant….
– La séquence la plus “importantes” pour toi? Première caméra embarquée sur la gueuse de Loic Leferme, son premier record du monde en no limit à 137m.’l’image du fond, pouce tendu vers l’objectif fait le tour du monde. Des captures vont même sur Paris match, vsd…
– Tu travailles avec quel équipement? Budget? J’ai commence en hi8 et caisson amphibico… Puis caisson betacam en 2000. J’ai acheté d’occasion une caméra bêta sp, le graal à l’époque. Les objectifs coûtaient plus chers que ma voiture et les magnétoscopes le prix d’une porche! De la folie… Mais il n’y avait pas beaucoup de monde dans le milieu. Un vrai régal ce caisson beta, magnifiquement équilibré et d’une stabilité incroyable. Bon, 50kg avec la cam… Les suppléments bagages se passaient vachement mieux à l’époque… Puis changement de cam, beta numérique, un sacre bon de qualité. Apparition du dv, vx1000 et caisson amphibico, j’en ai eu 2, puis le hdv arrive, 2 cams z1, avec caisson sea and sea et amphibico. Puis 5d mark2 avec caisson hugyfot. J’ai beaucoup travaillé avec le 5d depuis 2009. Facilité à la douane, en avion… Mais léger sous l’eau, trop même, et il faut sacrément faire attention à la stabilité, mais j’aime le style d’image. Puis ex1 et caisson Gates, que j’ai rapidement revendu car le 5d était devenu mon jouet de prédilection… Aujourd’hui je suis repassé sur du matériel plus lourd, plus stable et à nouveau bien plus cher, red epic et caisson nauticam. La ultra hd arrive vite, bien qu’en France, les chaînes ne sont pas encore toutes passées en hd… Mais quand on aime le matériel…
– L’activité est-elle différente entre tes débuts et aujourd’hui? Oui, même qu’avec 15 ans de recul, à l’époque nous étions entre 5 et 10 en France à faire de l’images. Les dinosaures trustaient les gros marchés et les autres les petits docs, magazines… Je faisais 300/400 plongées par an pour le boulot, un régal. Mais il y avait de la place et de quoi faire. Aujourd’hui, trop de monde, le matériel est devenu accessible, les gopros ont vérolé le milieu. Les prods ont moins de budget, à croire que pour la majorité, une image sous marine n’a pas beaucoup d’importance, le fait d’être sous l’eau suffit, peu importe la qualité. Du moment que c’est pas cher ou gratuit… J’ai tous les jours des demandes de tournages gratuits… Avec royalement mon nom au générique… Un vrai bonheur… Je suis passé à la réalisation pour beaucoup à cause de ça, cette baisse de qualité et un besoin bien différent de nos images. Et puis trop de monde dans la boucle…
– Un conseil aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’aventure? Un merveilleux métier… Prévoyez du temps, des €€€€ et… une bonne étoile!!!
Manuel Lefevre
Force est de constater que le chemin est long et que fort peu de pros vivent de cette activité à 100%. Cela ne veut pas dire pour autant que le jeu n’en vaille pas la chandelle…
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c’est catastrophique !!! je fais suivre …