Est-il possible de rencontrer des requins à Marseille ?
Il suffit de poser la question aux pêcheurs locaux pour avoir la réponse. Le phénomène n’est pas nouveau et cela fait maintenant longtemps que nous savons que la possibilité de trouver des requins proches des côtes françaises est bien une réalité. Mais quand il s’agit de les rencontrer en plongée sous-marine, le mythe et le rêve ne deviennent pas réalité, et les occasions sont d’une extrême rareté.
Être au bon endroit au bon moment est-il la seule chance de pouvoir en profiter en France et pas à l’autre bout du monde ?
Rappelons-nous de ces quelques « épisodes marseillais », qui, ces vingt dernières années ont défrayé la chronique par le caractère exceptionnel des rencontres :
– Le requin bleu (Prionace glauca) coincé plusieurs jours dans le port de l’Estaque le 17 avril 2019 ;
– Le requin renard commun (Alopias vulpinus) pêché au large du Frioul le 30 juillet 2018 ;
– Le requin blanc (Carcharodon carcharias) observé en plongée sur l’épave du Miquelon le 7 octobre 2001.
Les requins benthiques, hormis quelques roussettes ont bien disparus du paysage sous-marin marseillais. Les requins du large sont, quant à eux, très difficiles à trouver. En effet, la haute mer de Marseille (+10 miles) n’est que trop peu étudiée car elle présente peu d’intérêt ayant peu, voir aucun site accessible à la plongée loisir. Seule la Comex et les pêcheurs ont exploré ces zones abyssales (au-delà de -200m de profondeurs), mais avec des objectifs différents.
Du coup, jusqu’à présent nous savons qu’il y a des requins, mais par faute de temps, de moyens, de patience ou d’expériences, à ce jour tout reste à faire pour offrir l’opportunité de plonger avec les requins en Méditerranée française et de créer un nouveau marché dédié.
La plongée avec les requins de par le monde représente un écotourisme, qui, localement ou gouvernementalement (pour les pays insulaires) offre des emplois, renforce la connaissance scientifique, démystifie l’image négative des requins, développe le tourisme, éduque, sensibilise et aide à une meilleur connaissance et conservation de l’environnement des requins.
Même les plus sceptiques au développement de cette activité ne peuvent pas contredire ces faits indéniables ! La plongée avec les requins, même en France peut apporter des atouts positifs, à partir du moment où elle est bien faite, bien encadrée et en restant la moins intrusive possible.
N’est-ce pas trop dangereux ?
Il est vrai qu’il y a matière à se demander s’il n’existe pas un risque à « attirer » les requins prêts des bateaux ou proche des côtes.
Les requins observables autour de Marseille sont des requins pélagiques. C’est-à-dire qu’ils vivent au large, en haute mer et, de ce fait, ne sont inféodés à aucun lieux spécifique. Pour faire simple, le requin que l’on rencontre aujourd’hui peu très bien être à 50km du lieu d’observation le lendemain.
Les déplacements sont totalement aléatoires et méconnus mais pourrait être basés sur les courants, la présence de proie, la température de l’eau etc. La mémorisation (si tant est que les requins observés ont la faculté de mémoriser une situation unique, qui à durée 2h dans une journée de 24h, sur une vie de 15 à 20 ans) est très peu probable voir quasi-insignifiante. Toutes les observations que nous avons effectuées d’un jour à l’autre étaient sur des individus nouveaux tout en restant sur la même zone.
Il y a néanmoins eu quelques observations proches du rivage mais qui ne sont pas la cause de rencontres artificielles. Il semblerait que les requins bleus affectionnent les eaux peu profondes pour y mettre-bas lorsque l’eau se réchauffe.
Une chose qui est sûr, c’est que les rencontres avec les requins pélagiques ne s’improvisent pas !
Comment ça fonctionne ?
Si seulement il suffisait de dire « moi aussi je vais m’y mettre, ça fait longtemps que je voulais le faire » pour trouver des requins à Marseille, alors ce texte n’aurait pas lieu d’être, le contenu insignifiant, et tenter de promouvoir cette activité serait inutile car le projet serait devenu « has been » !
A l’heure où j’écris ces lignes, j’aimerais éprouver avec autant de facilité la naïveté avec laquelle on pense qu’il est de rencontrer des requins sur les côtes françaises…
Même s’il est arrivé certaines fois quelques belles rencontres fortuites et naturelles sur des sites de plongée, la plupart des rencontres sont provoquées/artificielles par une technique totalement légale en France (hors Parc national des Calanques), la technique du broumé.
Maintenant, pour tenter de comprendre comment cela fonctionne et comment évaluer ces difficultés il faut faire un état des lieux.
La Méditerranée est fragile, et les requins que l’on peut croiser dans nos eaux sont tous, sans exception, en danger critique d’extinction sur nos côtes. Ces requins, ce sont plus « communément » le requin bleu ou peau bleu (Prionace glauca), et très rarement le requin taupe bleu (Isurus Oxyrhinchus), le requin-renard commun (Alopias vulpinus) et le Grand requin blanc (Carcharodon carcharias).
Pour planifier des sorties avec ces animaux, il ne suffit pas simplement de se mettre au large en pensant être au bon endroit. Il faut commencer par connaître leurs lieux de vie, leurs comportements.
Il faut une bonne connaissance de la bathymétrie et de la cartographie des lieux, trouver les zones d’abondance en proies, comprendre le sens des courants (qui varie considérablement en fonction de la profondeurs), il faut également trouver les bonnes températures d’eau (variable entre les coups de mistral) et connaître la bonne saison.
La variable la plus importante à cette équation est une bonne connaissance de ces différents facteurs, malgré cela, il est impossible de garantir une rencontre dans une mer vidée de ses prédateurs sauvages.
Il faut parfois attendre 5h avant de voir arriver le premier requin sans avoir jusqu’ici observé aucun autre poisson ! Il arrive aussi que la veille nous croisions 3 requins et que le lendemain après 7h d’amorce, pas un requin ne pointe le bout de son nez…
Comme le dit le dictons anglais « No pain, no gain », qui se traduit en français littéralement par “pas d’effort, pas de récompense” ou le slogan de l’Euro Million « 100% des gagnants ont tentés leur chance » prennent ici tout son sens.
La meilleure manière de voir des requins à Marseille est de tenter d’en voir.
Vouloir observer des requins en France à quelque chose de séduisant. En tant que plongeur ou fervent défenseur des requins, pouvoir les rajouter à notre patrimoine culturel de la mer à un charme qui malheureusement à un coût parfois trop souvent oublié : nous ne pouvons pas garantir à 100% les rencontres avec des animaux sauvages, indomptés comme dans d’autre régions du monde.
Malgré les efforts fournis, il ne faut pas oublier que notre belle Méditerranée souffre, comme ses habitants, du manque de protection qu’ils méritent.
Un équilibre est donc à trouver, une balance entre émerveillement et déception, entre protection et frustration.
Comment faire pour aider ?
Vous pouvez contacter des ONG local comme l’association Ailerons qui milite énormément dans le sud de la France sur la connaissance des requins et des raies, Sharks Mission France qui propose des programmes de sensibilisation pour stopper la consommation des requins en France et Longitude 181 Nature qui a créé la Charte du plongeur responsable et qui est très actif sur des programmes de protection des requins de Méditerranée.
Comment voir des requins à Marseille ?
Shark Education et Plongée Tek Marseille unissent leurs expériences pour vous permettre de juin à septembre de rencontrer la faune pélagique du large de Marseille.
A propos des auteurs,
Steven Surina est expatrié en Egypte depuis 2001. Il grandi dans un club de plongée tenu par sa famille. Ses différents voyages à travers des milliers de plongées en compagnie des requins vont le conduire à étudier leurs comportements mais aussi leurs fragilités et leur conservation. Responsable et fondateur de Shark Education, il se spécialiste dans la rencontre avec les requins et propose des voyages à thème et séminaires. Il travail en partenariat avec des scientifiques du monde entier et publie plusieurs articles sur le sujet, dont deux livres, unique sur l’interaction Homme-requin.
Fabrice Dudenhofer, né en 1983 dans le Sud de la France près de Marseille, est un photographe reporter indépendant. Passionné de plongée sous-marine et de photographie, il collabore depuis 2016 avec les tours opérateurs spécialisés et publie régulièrement dans divers magazines. À travers ses images, le but est simple : montrer à tous la beauté et la richesse de la vie sous la surface tout en témoignant la fragilité de ce monde sous-marin qui, plus que jamais, se retrouve menacé dans sa diversité.