Dans le poste de pilotage du SS Thistlegorm.
Définition
Epaves en métal, par opposition aux épaves en bois, auxquelles certains plongeurs “ferrailleurs” vouent un véritable culte : les découvrir, les explorer, les gratouiller en tous sens, en scier les hélices ou démonter les hublots (pratiques aujourd’hui interdites), voilà tout leur bonheur. Plongées en tôles…
Synonymes
Epave | Fortune de mer
Entrée
En terme de fréquentation et de spot de plongée loisir, les épaves constituent le “top”. On en trouve partout dans dans le monde, de l’Arctique à l’Antarctique, en eaux douces ou salées… Mais ces épaves qui nous intéressent, construites en acier (ferrailles) pour indestructibles qu’elles paraissaient, sont en fait très fragiles et meurent deux fois : une première en coulant et percutant le fond et une deuxième fois, littéralement digérées, à l’échelle des millénaires voire des centaines d’années, par des bactéries dont on a découvert assez récemment qu’elles se nourrissaient de fer !
Ainsi le Titanic, vénérable pyramide de métal qui repose à plus de 4000 m dans les profondeurs de l’Atlantique nord ne sera bientôt plus qu’un souvenir… A cet égard, les épaves en bois, souvent plus anciennes, se conservent plus longtemps surtout si elles sont ensevelies dans la vase ou dans des couches d’eau glaciales et peu oxygénées comme on l’a découvert en Mer Baltique ou dans la Mer Noire.
Il en existe des millions dans toutes les mers, lacs et fleuves du monde. A se demander si la vocation ultime de ces navires n’était pas de finir en sous-marin ! Au cours de mes voyages j’en ai évidemment visité un grand nombre et même découvert quelques-unes. Mais, habitué des explorations des cavernes immergées constituées d’eau pure et de roches virginales j’ai toujours eu tendance à considérer ces épaves comme le comble de la pollution : tas de ferraille rouillant doucement et perdant souvent, goutte à goutte, des huiles anciennes. J’ai conscience du sacrilège commis en écrivant ces mots tant il est vrai que la plupart des plongeurs vouent à ces sanctuaires marins une vraie religion. Souvent oasis de vie, c’est vrai qu’en dehors des “épaves au trésor”, ces monstres d’acier silencieux dégagent un certain mystère, une ambiance unique et une histoire passionnante à reconstituer…
Plat
Champion incontesté de cette passion singulière : le regretté Jean Pierre Joncheray avec qui nous avons plongé quelques fois.
Profond (!) Le sobriquet “ferrailleur” était d’ailleurs pour lui revendiqué comme un diplôme. C’est ainsi qu’il nous recevait dans sa villa sur les hauteurs de Fréjus, belle bâtisse dans un magnifique jardin méditerranéen à l’inspiration romaine si ce n’était l’invraisemblable amoncellement d’objets métalliques hétéroclites et dégoulinants, comme si la mer venait de se retirer dans sa propriété ! Il se rattrapait parfois en nous ouvrant un garage débordant d’amphores où de lampes à huile, au gré des fouilles archéologiques en cours.
C’est ainsi que nous devisions, environnés de vieux hublots, de morceaux de ferraille à divers degrés de décomposition, d’hélices énormes dont le prédateur me confiait qu’il lui avait fallut près de 50 plongées à plus de 70 m pour les scier manuellement à ras du moyeu… Grand plongeur découvreur et communiquant par ses livres, je le soupçonnais toutefois de stocker ici ces reliques pour faire enrager sa première épouse qui semblait ne pas partager sa passion… Il avait ainsi entrepris de réhabiliter notre dernière trouvaille dans les cales d’une épave que je m’ingéniais à photographier : Une caisse à outils ! Avec des outils usuels qui me semblaient banals et pas si anciens que çà, dans leur gangue noirâtre et qui dégageaient une odeur “archéologique”. C’est d’ailleurs au cours d’une semblable plongée-gratouille (si vous cherchiez Jean Pierre, il fallait sonder à travers le plus gros nuage de rouille) que ce dernier devait se perforer un tympan, ce qui compliqua notre remontée, mais ceci est une autre histoire…
Il serait intéressant d’établir le “hit parade” des plongées sur épave. Au gré des destinations, des nationalités, des profondeurs et des facilités d’accès on peut citer les plus célèbres. le Britannic, énorme épave coulée par 120m de fond dans les eaux grecques, sister ship du Titanic accessible aujourd’hui par les plongeurs Tek. L’épave du Haven, gigantesque pétrolier coulé lui au large de Portofino, lui même sister ship de l’Amoco Cadiz coulé dans les eaux bretonnes au large de Portsall. L’Empress of Ireland qui sombra à plus de 80 m dans les eaux glaciales du golfe du St Laurent au Canada. L’USS Oriskany CV-34, porte-avions de la classe Essex appartenant à l’US Navy, coulé pour servir de récif artificiel en Floride. Ou l’USS Saratoga, autre porte-avion qui sombra suite au souffle d’une bombe atomique dans l’atoll de Bikini aux Îles Marshall.
les cimetières d’épaves de Truk Lagoon en Micronésie, de Scapa Flow en Ecosse, des îles Calamian à Busuanga aux Philippines, où un grand nombre de navires ont coulé presque bords à bords lors des derniers conflits armés. Mais il faut compter aussi avec les colères de la nature, en particulier l’éruption de la montagne pelée en Martinique qui précipita au fond de la baie de Saint Pierre des centaines d’épaves comme le Tamaya, le Roraima…
Et, sans solution de continuité, le Léopoldville en Normandie, les épaves classiques de la mer rouge qui jalonnent les côtes nord d’Egypte, SS Thistlegorm, Giannis D… Les ferrailles de chars d’assaut en Jordanie. Le Salem Express, un ferry qui coula en 1991 après avoir heurté un récif proche de Safaga en Egypte. Le Président Coolidge l’épave mythique du Vanuatu, en bois décoré.
l’ USAT Liberty à Tulamben, le spot de plongée célèbre au nord-est de Bali. L’ USS Arizona, le mémorial incontournable d’Hawaï coulé par les japonais lors du raid sur Pearl Harbor. Le Yongala, coulé pendant un cyclone en 1911 dans le Queensland en Australie…
Des épaves par millions… Certaines coulées à coup de bombes atomiques !
Les Bermudes dont le fameux triangle a avalé beaucoup de navires dont beaucoup restent à découvrir. Le Donator en France, dans le Var. Et tout proche le Togo… Et les avions, la célèbre épave de l’avion de Saint-Exupéry dans les calanques de Marseille, le B17 de la baie de Calvi, et bien sûr les sous marins, le Rubis au Cap Camarat, l’Alose, renfloué depuis, ou encore l’U 171 à Lorient en Bretagne…
Sans oublier bien sûr l’eau douce : celle des grands lacs américains, l’épave du France dans le lac d’Annecy, l’hirondelle du Léman…
Dessert
Les renflouements d’épaves sont sans doute aussi vieux que les navires eux-mêmes. Les premiers plongeurs phéniciens, les “urinatores” avaient cette fonction. Car, bien sûr et avant tout les épaves sont synonymes de trésors. Ils sont innombrables ceux, historiques ou sonnant et trébuchant, à avoir été remontés des entrailles des vaisseaux coulés.
L’histoire a retenu les fructueuses opérations de renflouement menées sur l’Egypt par l’équipe de l’Artiglio.
Le paquebot de 7941 tonnes avait appareillé de Tillbury le 19 Mai 1922 à destination de Marseille et Bombay avec à son bord 44 passagers et 294 membres d’équipage et surtout une chambre forte avec un chargement d’or et d’argent estimé à 1 054 000 £ de l’époque, soit une somme considérable. A la suite d’une collision malheureuse avec un autre navire, dans le brouillard, l’Egypt coula à 20 miles du phare d’Ar Men en Bretagne.
En Juin 1929, la société italienne SORIMA, spécialisée dans les plongées profondes intervenait à l’île d’Ouessant. L’ expédition dirigée d’une main de fer par le Commandatore Giovanni Quaglia enregistrait rapidement un premier succès en retrouvant l’épave à 120 mètres de profondeur.
Il fallut ensuite près de 10 ans, à cause des conditions climatiques hostiles pour que de valeureux scaphandriers parviennent à découper les coques et se faufiler jusqu’au trésor convoité dont ils remontèrent l’essentiel.
Une aventure qui rappelle celle vécue à 260 m de fond en 1981 dans les eaux froides et profondes de la mer de Barents par d’intrépides plongeurs britanniques avec les techniques de plongées profondes à saturation. 5 tonnes d’or récupérées dans les cales de l’épave de l’Edinburgh qui coula en avril 1942.
Une saga magnifiquement racontée dans le livre “l’or de Staline” du regretté Patrick Mouton.
A très bientôt pour une nouvelle définition du Scuba Bécédaire. Le lexique irrévérencieux de la plongée, mais pas seulement. Parce que des fois…
Francis Le Guen
Café
Et pour terminer ce tour d’horizon féru voici l’excellent documentaire de Jérôme Espla réalisé sur l’épave du Haven.
Et aussi l’épave de l’USS Kittiwake volontairement sabordée dans vingt mètres d’eau aux îles Caymans pour la plus grande joie des plongeurs loisirs.