Incontournable, le requin bouledogue est depuis quelques années sur le devant de la scène ! Comment ne pas en parler lorsqu’il fait la une du JT deux à trois fois par an ! Effectivement, c’est sur le territoire français, dans l’île de la Réunion, que ce requin se fait connaître du grand public à cause des accidents et de l’impact que cela peut avoir sur le tourisme. Il est pourtant source d’économie dans d’autres régions du monde !
Est-il possible de rester objectif avec cet animal ? Éviter les amalgames pour ne pas déranger une partie des internautes « anti-requin » ? Une fois de plus, cet article comme les précédents traitera avant tout de la fiche espèce de l’animal. Nous envisagerons son comportement face à l’homme en plongée sous-marine dans le prochain numéro de Le Mag.
Description :
Le requin bouledogue tient son nom de son apparence. Il est doté d’un corps trapu, massif et lourd, avec un museau arrondi extrêmement court et de très petits yeux. Ce requin est de couleur grise ou encore brun olive, l’extrémité des nageoires étant un peu plus foncée que le reste du corps. Le ventre est quant à lui blanchâtre. L’extrémité des nageoires est plus sombre chez les juvéniles. La nageoire dorsale est grande et large, d’aspect falciforme. Implantée très en retrait, la seconde dorsale est de taille réduite. Bien développées, les nageoires pectorales sont larges et falciformes. Les nageoires pelviennes sont triangulaires et l’aileron anal falciforme également. Le lobe supérieur de la nageoire caudale est nettement plus développé que le lobe inférieur, comme chez tous les carcharhiniformes. Sa mâchoire supérieure est équipée de dents triangulaires larges et crantées et la mâchoire inférieure de dents verticales pointues. On le confond souvent avec le requin taureau (Carcharias taurus), car le nom vernaculaire anglais du requin bouledogue est bull shark, ce qui se traduit littéralement par requin taureau et prête donc à confusion. Afin de ne pas se méprendre – car il n’existe pas de point distinctif sur ses nageoires – l’œil est situé à la verticale de sa mâchoire inférieure.
Habitat:
Le requin bouledogue se rencontre sur les côtes de toutes les mers tropicales et subtropicales du monde, mais il est aussi semi-pélagique. Il fréquente des eaux d’une profondeur comprise entre 0 et 150 mètres, mais préfère celles inférieures à 30 mètres. Il affectionne plus particulièrement les eaux boueuses et plus généralement à forte turbidité, par exemple les embouchures de rivières après un cyclone tropical. Il possède la caractéristique unique chez les requins de s’acclimater dans les eaux hypo salines et hyper salines, ce qui lui permet de remonter des fleuves comme le Zambèze, le Tigre, le Mississipi, le Gange ou l’Amazone. De ce fait, on trouve souvent des requins bouledogues dans des rivières même si celles-ci se trouvent loin de l’embouchure et de la mer. Il a été ainsi observé dans l’Amazone au Pérou, soit à plus de 3 700 km de la côte. Le requin bouledogue est aussi présent dans le lac Nicaragua où il a été longtemps considéré comme une espèce endémique sous le nom scientifique de Carcharhinus nicaraguensis. Il est fréquent dans l’Atlantique et l’Indopacifique, mais beaucoup plus rare en Mer Rouge.
Alimentation :
Tout comme le requin tigre, le requin bouledogue est omnivore. Il mange aussi bien d’autres espèces de requins, que des tortues marines, des poissons d’eau de mer ou d’eau douce, des calamars, des mammifères et des oiseaux. Son seul prédateur connu est le crocodile, qu’il rencontre dans les fleuves.
Rencontres avec l’homme: Le requin bouledogue est considéré comme très dangereux car il est impliqué dans de nombreuses attaques contre l’homme, imputées auparavant à d’autres espèces. Il est à l’origine de nombreuses agressions au Brésil, dans l’île de la Réunion et en Australie. En fait, même si les conséquences des attaques sont impressionnantes et très médiatisées, le requin fait peu de victimes humaines. Ces incidents surviennent la plupart du temps près de la surface. C’est en immersion que nous pouvons observer les facteurs des risques liés à son comportement, même si en présence de plongeurs en scaphandre, la simple activité des plongeurs le fait fuir plutôt que se rapprocher…
Réputation :
En regardant les chiffres et les analyses scientifiques, le requin du Zambèze se trouve en troisième place derrière le Grand requin blanc (Carcharodons carcharias) et le requin tigre (Galeocerdo cuvier) comme le requin le plus menaçant pour l’homme, en raison de sa taille, de son abondance dans les zones côtières à forte fréquentation humaine et de son régime alimentaire. En réalité, il est responsable d’environ 80% des morsures sur l’homme chaque année, plus que le requin blanc et le requin tigre réunis. La plupart des victimes sont des surfeurs et des baigneurs. Les quelques rares « mordus » en plongée sous-marine sont les « feeders » qui les nourrissent à la main. Le requin bouledogue est sédentaire, mais évolue sur une zone relativement large. Il est extrêmement territorial. Ses biotopes – le milieu de vie d’un animal – sont les zones de faibles profondeurs, régulièrement brassées par les vagues où l’on retrouve une partie de sa chaîne alimentaire grâce aux eaux turpides telles que : les barrières de corail non loin des plages, les sorties d’estuaires, voire les embouchures où l’on retrouve une forte activité industrielle. Ils sont également présents près du littoral où l’activité humaine est importante – l’hôtellerie par exemple. Hormis des changements climatiques majeurs, tempête, fort courants… etc., le requin bouledogue vit autour de ces zones de chasse florissantes. C’est un chasseur solitaire extraordinaire.
Sa méthode de prédation est sensiblement la même que celle des requins blancs et des requins tigres. Ils nagent le long du fond marin à la recherche d’une odeur, d’un bruit ou d’un signal envoyé par une éventuelle proie. Lorsqu’il la repère, il fait très rarement des tours de circonscription et passe rapidement à l’attaque. Il bondit sur sa proie à vive allure par en-dessous, lui laissant rarement une chance de s’en sortir. C’est une réaction innée consécutive à une interprétation biologiquement inscrite dans ses gènes. Rien à voir avec les lions ou les tigres pris d’un quelconque attrait pour la chair humaine. Moins craintif et plus abondant sur le littoral que les autres requins jusqu’à moins d’un mètre de profondeur, il est le plus craint et redouté de tous les prédateurs sous-marins proches de la côte ! Il est pourtant docile, voire timide dans plusieurs régions du monde où il fait fleurir l’écotourisme. En effet, notre terreur des mers s’avère en plongée bouteille une créature difficile à approcher sans nourriture !
Steven Surina
Steven Surina est moniteur de plongée en mer Rouge. À ce titre, depuis une décennie, il accompagne les croisières le long des côtes égyptiennes, soudanaises et érythréennes. Il a travaillé en partenariat avec la maison d’édition italienne “Magenes Editoriale” sur le projet d’un recueil de sites de plongées sur toute la mer Rouge égyptienne en tant qu’auteur et illustrateur. Il rédige un mémoire sur le comportement des requins océaniques en 2008 et fait distribuer dans les écoles égyptiennes des fascicules interactifs sur la protection et la préservation des requins.
C’est ainsi qu’il crée, en 2010, Shark Education qui propose des séjours plongée requin dont l’objectif est d’aider à mieux les connaître et les comprendre.