Henri-Germain Delauze est décédé mardi 14 février à Marseille. Pionnier incontestable de l’aventure sous-marine, fondateur de la Comex, qui a longtemps régné sans partage sur la plongée industrielle. Devenu ce que l’on appelle un capitaine d’industrie, il avait su conserver son âme d’aventurier, des rêves par milliers, et un émerveillement intact.
HEUREUX EN MER
Un sourire à l’avant d’un bateau. C’est l’image qu’il faudrait conserver : son émerveillement intact, son plaisir évident et tout simple quand il était en mer. A bord du Minibex, en baie de Marseille ou dans les eaux du Canal du Mozambique pour lesquelles il avait gardé un attachement particulier, il était sur l’eau dès que ses obligations le lui permettaient. Et son bureau, dans sa maison de Saint-Nicolas, était sur pilotis, petite vigie avancée à l’entrée du Vieux Port, regorgeant de dossiers, de projets, d’expéditions à venir : parce que la part faite au rêve et à l’enthousiasme ne l’a jamais quitté.
PLUS POISSON QUE TERRIEN
Henri-Germain Delauze a fait tant de choses au cours de sa vie qu’il faudrait un livre pour la raconter, comme l’a d’ailleurs fait Alain Dunoyer de Segonzac avec « Un conquérant sous la mer. » Visionnaire, homme d’affaires, meneur d’hommes, gentleman charmeur et négociateur redoutable, il était tout cela. Mais il était aussi, rappelons le, un plongeur plus poisson que terrien : je me souviens d’une plongée en baie de Marseille, sur l’épave du Chaouen où nous attendait ce jour là un magnifique banc de loups. Un coup de palme, et il était déjà loin devant. Il avait plus de 65 ans, et nous à peine 25…
DE MADAGASCAR À CUBA
Né en 1929 dans le Vaucluse, Henri-Germain Delauze fait des études d’ingénieur à l’Ecole Nationale des Arts des Métiers d’Aix en Provence. A 20 ans, tout jeune diplômé, il part faire son service militaire à Madagascar. Il y reste finalement 3 ans, et découvre le métier de scaphandrier. Fin 1952, il rentre en France, et travaille quelques années pour l’OFRS, l’Office Français de Recherches Sous-marines, avec le Commandant Cousteau. Puis il rejoint en 1956 la société de travaux publics des Grands Travaux de Marseille. C’est dans ce cadre qu’il passera deux ans à la Havane pour construire un tunnel autoroutier sous-marin : le premier du genre, construit à l’aide de caissons fabriqués en cale sèche puis assemblés bout à bout par des plongeurs.
DE BERKELEY AU BATHYSCAPHE
Il passe ensuite quelques années en Californie, où il obtient un Master of Sciences en géologie marine à l’université de Berkeley. Une parenthèse américaine pendant laquelle il travaille notamment comme consultant pour l’US Navy ; il effectue aussi des plongées comme consultant en géologie en baie de Monterey, pour des sociétés pétrolières californiennes. A son retour en France en 1962, le CNRS lui demande de créer et de diriger le laboratoire des Bathyscaphes ! Il n’a que 33 ans, mais déjà une expérience hors du commun. Pendant cinq ans, il sera le coordinateur scientifique de l’exploration des fosses abyssales par le sous-marin Archimède, dans lequel il plongera lui même, jusqu’à 9545 mètres de profondeur !
DES CHANTIERS OFFSHORE AU CENTRE HYPERBARE
Le 3 octobre 1961, il fonde officiellement la Comex, Compagnie d’Expertise Maritime : la grande aventure, nourrie par toutes ses expériences antérieures, peut commencer. Et très vite, Comex va occuper une place de leader dans la plongée pétrolière offshore : aux quatre coins du monde, sur tous les chantiers, les scaphandriers de la Comex sont à l’œuvre. Nous nous souvenons tous de l’opération Hydra X, lorsque Théo Mavrostomos atteignait la profondeur de 701 mètres, au centre hyperbare de la Comex. Mais, si l’expérience est unique, elle n’est qu’une minuscule parcelle de l’aventure : l’histoire de la Comex, depuis 50 ans, est à la fois une saga industrielle et une formidable machine à rêver, des chantiers extrêmes aux prouesses du sous-marin miniature Rémora 2000, en passant par les avancées médicales et scientifiques ou les campagnes de fouilles archéologiques menées depuis le Minibex.
DIVERSIFIER LES SECTEURS D’ACTIVITÉ
Au fil des décennies, à mesure que le marché de l’Offshore se transformait, Comex a dû s’adapter, se réorganiser. Au début des années 90, il faut céder Comex Services au Groupe Stolt Tankers & Terminals, et développer les autres filiales du groupe. La donne n’est plus la même mais l’aventure continue, et d’autres domaines se développent, comme la robotique, l’espace avec l’entraînement des cosmonautes en piscine, les loisirs avec notamment le seabus, sous-marin de tourisme installé aux Bahamas, ou encore la maintenance industrielle et la robotique avec Cybernétix.
LA PASSION DES ÉPAVES
Il aimait aussi les épaves. Qu’ils soient chargés de trésors ou simplement d’histoire, les navires engloutis ont occupé une grande place dans sa vie. Il aimait cette recherche fiévreuse, ce mélange incessant de science et de hasard, de déceptions et de surprises magnifiques : des recherches menées pour retrouver l’avion d’Antoine de Saint-Exupéry aux champs d’amphores antiques coulées depuis plus de 2000 ans en baie de Marseille, en passant par la découverte d’un sous-marin disparu pendant la seconde guerre mondiale, il multipliait les campagnes. Généreux, il partageait sa passion et laissait toujours la porte de Saint-Nicolas entrouverte, et une place sur Minibex, pour quelques amis.
Dans le dernier numéro de Comex Magazine, publié au mois de janvier et consacré aux 50 ans de Comex, Henri-Germain Delauze disait : « Si je devais recommencer, je referais exactement la même chose ». Puissions nous tous, au terme de notre vie, nous exprimer ainsi.
Photos : Alexis Rosenfeld
0 commentaire
C’est pour quand une fricassée de cônes !!!…On s’appelle et on se fait une bouffe !