A l’occasion de la « Journée des Océans » le 8 juin, le plongeur et photographe Greg Lecœur a exposé ses photographies grands formats dédiées à la Mer Méditerranée, avec l’appréciable collaboration de la Ville de Nice sur la célèbre Promenade des Anglais. Pour l’inauguration du vernissage, nous avons pu rencontrer le photographe dans sa ville natale. En 2013, Greg est élu plongeur d’argent au Festival de l’image sous-marine de Marseille. Deux ans plus tard, il rafle la palme d’or. De nombreux prix internationaux suivront jusqu’à ce que ses photos sur la migration annuelle des sardines au large de l’Afrique du Sud lui vaillent d’être titré « Photographe Nature de l’année » par le prestigieux magazine américain National Geographic. Ses images et ses récits sont publiés dans les magazines du monde entier. Cette exposition a pour but de renforcer la sensibilisation du public sur les questions de surexploitation des ressources maritimes, des pollutions diverses et du réchauffement climatique. Les clichés sont à découvrir jusqu’au 30 septembre 2018.
« A l’heure où la France ambitionne d’être au centre de la lutte pour la préservation de notre biodiversité, Nice expose son patrimoine naturel pour mieux le protéger à travers une exposition de photos sous-marines à couper le souffle. »
Quel a été ton parcours dans le domaine de la plongée et, par la suite, celui de la photographie ?
J’ai toujours été dans l’eau en pratiquant un peu d’apnée à mes débuts, puis je me suis rapidement tourné vers la plongée sous-marine et la navigation. Ce qui m’intéresse principalement, c’est d’être au contact de la nature, avec tout particulièrement un attrait pour la biologie marine. La photo m’est venue naturellement, suite au besoin d’approfondir ces nouveaux centres d’intérêts. J’ai voulu partager les rencontres que je faisais sous l’eau, notamment en Méditerranée. Au départ je faisais ces images pour les montrer à mon entourage et la photographie est devenue une passion à part entière.
Quelle est la motivation principale qui t’a amené à allier ces deux passions : la plongée et la photo ?
Ma passion est entièrement liée au monde animalier, mais aussi à l’importance de comprendre l’interdépendance entre les espèces. Pour moi, la photographie est vraiment le moyen de partager et de faire découvrir aux gens, qui n’ont pas forcément la possibilité d’aller en mer, la richesse du monde marin. Il y a bien évidemment une volonté de préservation et de conservation dans lesquelles subsiste la tendance de promouvoir le message que notre planète est belle et qu’il faut la protéger, à travers la transmission, la sensibilisation et l’émerveillement : notre planète est tout simplement magnifique. Je pars du principe que la protection de la planète est liée au quotidien de chacun. Mon travail photographique consiste à faire découvrir aux lecteurs les espèces marines et leur environnement.
Lors de tes plongées, quelle est l’expérience le plus saisissante ?
Comme je l’ai expliqué auparavant, l’observation comportementale et l’analyse du fonctionnement du monde marin me fascinent. Comprendre comment les écosystèmes ou les espèces interagissent, se reproduisent et se nourrissent, me paraît essentiel. L’un des plus beaux événements auquel on peut assister, se déroule en Afrique du Sud. Il s’agit de la migration des sardines, où tous les prédateurs marins se réunissent pour les chasser.
Comment as-tu vécu le fait de remporter le prix National Geographic en 2016 ?
C’était une grande satisfaction. Savoir que dans mon parcours j’avais eu une vie « normale » avec une carrière de gérant d’une société, suivant une routine « métro, boulot, dodo ». C’est en 2011 que je décide de changer ma vie pour me consacrer à mes passions : le voyage et la photo sous-marine. Cinq ans plus tard, être élu photographe de l’année par le National Geographic, demeure une très grande fierté. Cela m’a permis de réaliser que l’on pouvait vivre de ses rêves et d’ainsi faire ce que l’on aimait si l’on s’en donnait les moyens. C’est pour moi une belle leçon de vie.
Quelle évolution t’a apporté cette consécration en tant que photographe accrédité entre 2016 et 2017 ?
Le prix National Geographic m’a permis d’obtenir une reconnaissance. Personnellement il s’agissait davantage d’une confirmation, puisque je travaillais déjà pour de nombreux magazines au sein desquels j’étais déjà consulté dans le milieu de la photographie (plus à l’étranger qu’en France). Cela m’a effectivement apporté beaucoup de visibilité sur l’ensemble de mon travail. Continuant sur ma lancée, je voyageais beaucoup durant cette période. Je n’ai donc pas eu le temps de communiquer plus longuement sur cet événement. Après tout, ce qui m’importe vraiment c’est d’être au contact des animaux et de continuer à partager ma passion.
Quel matériel photographique utilises-tu lors de tes plongées ?
Je me sers d’un matériel de moyenne gamme, puisque j’utilise un D7200 de chez Nikon. Bien que semi professionnel, cet appareil présente l’avantage d’être équipé d’un petit capteur. J’utilise également un caisson Nauticam et deux flashs externes. Sous l’eau cette configuration offre un véritable avantage. En terrain, j’utilise plutôt du matériel avec un capteur plein format.
Tu es reconnu pour le rendu de ta lumière d’un bleu caractéristique mêlant réalisme et poésie. Comment obtiens-tu techniquement ce résultat ?
J’essaie de mettre en valeur les animaux grâce à la lumière. C’est un travail de longue haleine pour obtenir cette couleur bleue si singulière qui constitue ma patte. Techniquement j’essaie de retranscrire la réalité telle que je la vois. En plongée, avec l’absorption des couleurs, on ne perçoit pas forcément les couleurs lorsque l’on pénètre dans les profondeurs marines. L’utilisation d’une lampe permet de révéler les couleurs du spectre. Mon but est de retranscrire de le plus fidèlement qu’il soit les couleurs, en utilisant la lumière. Je shoot mes photo en RAW et j’édite mes images avec le logiciel Lightroom, ce qui implique un post traitement adéquate pour retranscrire le plus justement possible les couleurs d’origines.
En janvier 2018, sur les textes de Steven Surina, est publié ton livre « Requin, Guide de l’Interaction ». Peux-tu nous en parler ?
Ce livre, fruit d’une coopération avec Steven Surina a été éditée par Turtle Production. Ce recueil est pour moi, le résultat de six années de voyages intensifs. J’ai eu la chance d’aller nager avec de nombreuses espèces de requins. C’est un bouquin qui est très riche, dans lequel le lecteur pourra découvrir toutes les particularités liées à la biologie du squale. Comme son nom l’indique, ce livre est un guide permettant d’approcher au mieux non seulement les requins eux mêmes mais également les destinations où l’on peut les rencontrer.
Quels sont les enjeux de l’exposition « Un Souffle en Méditerranée » ?
C’est avant tout une démarche pédagogique visant à sensibiliser le public, notamment les plus jeunes sur la vie méditerranéenne. C’est un projet consacré à l’environnement de la vie pélagique prise au large (des planctons jusqu’à la baleine). Le large de la Méditerranée, au premier abord, s’apparente à un désert. De fait on n’appréhende pas forcément la vie dans son imminence, cependant une riche biodiversité peuple ces fonds. Il faut toutefois s’armer de beaucoup de patience pour les croiser.
Tu plonges depuis ta plus tendre enfance, quels changements as-tu constaté concernant fonds-marins, plus précisément des fonds marins méditerranéens ?
Les profondeurs méditerranéennes sont encore très poissonneuses et s’il est vrai que la zone entre zéro et 15m est accessible à tous, la pollution qui en résulte fait de cet intervalle la zone la plus touchée, notamment avec le plastique qui est un véritable fléau. Ce qui me frappe le plus aujourd’hui c’est la pêche irresponsable, les mailles des pêcheurs ne sont pas tout le temps respectés. En effet, celle-ci représente une nuisance pour les poissons qui n’ont pas eu encore le temps de se reproduire.
Une pratique de la plongée intelligente, impactant le moins possible l’environnement est essentielle pour la préservation des fonds marins. S’ajoute à cela un autre phénomène certainement causé par le réchauffement climatique, la prolifération d’une algue filamenteuse qui ressemble un peu à de la barbe à papa que l’on observe plus fréquemment et qui se met sur les gorgones. À l’époque on la voyait occasionnellement et là elle est de plus en plus présente.
Ce vernissage doit être pour toi l’aboutissement de ton investissement dans ton travail depuis toutes ses années. En quoi exposer tes photos dans le contexte de la « Journée des Océans », est-il important pour toi ?
Etant originaire d’ici c’’est une grande fierté d’exposer sur la Promenade des Anglais. Lorsque j’ai décidé de changer ma vie et de devenir photographe sous-marin, j’étais loin d’imaginer qu’un jour je serai à même d’exposer mes photos sur ce lieu. Il est vrai que c’est un thème qui me tient tout particulièrement à cœur. Cela fait déjà une quinzaine d’années que je parcours le large. J’y ai découvert ces animaux et maintenant j’y retourne régulièrement pour me documenter sur cette faune, faune au sein de laquelle j’y ai fait des rencontres formidables. Je ne peux m’empêcher de me remémorer l’épisode durant lequel j’ai pu observer la nage d’un pingouin sous l’eau. Moment réellement émouvant et insolite à la fois.
Exposer sur la Promenade est une très belle vitrine et un moyen privilégié de communiquer au public ce qu’il y a sous nos fonds marins. C’est la raison pour laquelle la Journée Mondiale des Océans s’est associée à la Métropole de Nice. Il s’agissait d’organiser des ateliers traitant de ce sujet, avec des conférences pour les enfants, sur lesquels ils ont travaillé durant toute l’année scolaire à partir d’images, associées à une présentation à des questions / réponses. Les enfants sont curieux, passionnés et impliqués dans la protection des fonds marins, ce qui a rendu cette journée très riche à mes yeux.
Concernant l’exposition, quelle est ta série préférée ?
Les plus belles rencontres que l’on puisse faire en Méditerranée sont celles avec les globicéphales. Ce sont des animaux incroyables d’une grande sociabilité, que l’on pourrait passer des heures à observer sans nécessairement être immergé. Le rorqual commun, reste aussi une très belle rencontre, c’est l’un des plus gros mammifère que l’on peut retrouver en Méditerranée. Réaliser une image de cet animal furtif et le plus timide, demande beaucoup de patience. Il est très difficile d’en obtenir une jolie photo.
Je tiens à préciser, qu’à l’époque, le dauphin moine et le requin ange occupaient communément nos fonds-marins, donnant nom à la Baie des Anges. Aux Îles de Lérins il y avait des phoques, ces animaux ont clairement disparu de par la faute de l’homme. Exposer sur le thème des fonds marins, c’est également montrer les autres espèces existantes, afin de ne pas rééditer les erreurs du passé. Il est de notre devoir de préserver cet environnement et faire en sorte que les futures générations puissent également en bénéficier. Chaque individu a sa place dans un écosystème, si l’on enlève un maillon c’est toute la chaine qui est déréglée. Le but pédagogique est de rappeler aux gens que nous devons vivre en harmonie avec ces espèces sauvages.
Quel est ton meilleur souvenir en plongée ?
J’en ai plusieurs. J’ai eu la chance de faire de belles rencontres. Je peux en citer deux : la première c’est ce moment passé en Afrique du Sud qui m’a permis de faire la photo du National Geographic, immortalisant cette prédation au moment ou les sardines se faisaient chasser par les dauphins, les requins et les oiseaux. C’était quelque chose d’absolument incroyable à observer. Il y a également eu cette rencontre avec une Baleine à Bosse aux îles Tonga. Celle-ci était venue se dresser droit devant moi, ce qui m’avait permis de faire de belles images.
Quels sont tes futurs projets pour la fin 2018 et 2019 ?
Cet été je suis reparti en Afrique du Sud faire le « Sardine Run » (mi-juillet), j’en suis déjà à mon sixième. J’essaie de faire un grand reportage et de me documenter sur la sardine et son environnement. J’ai d’autres projets à venir mais il est encore un peu tôt pour en parler.
Aurélie Kula