un monde souterrain à découvrir
Après la première question typique et habituelle “Ah bon, tu fais de la plongée souterraine?” la suite tel un rituel est souvent “Mais tu vois quoi? Et t’es pas un peu fou?”. Sur cet élan de curiosité, Sebastien Delautier, qui est avant tout un passionné, nous fait découvrir cet univers. Dans un contexte où l’on voyage peu cela peut être pour les plongeurs les plus téméraires des plongées formidables et inoubliables.
Les débuts
Après plus d’une dizaine d’années de plongée principalement en mer , on m’a proposé fin 2018 d’essayer la plongée souterraine. A 1h45 de route de chez moi, à Toulouse, la résurgence du Ressel à donc été ma première expérience de plongée spéléo. Une plongée inoubliable, et des premières photos réalisées qui m’ont convaincu de poursuivre l’expérience. Depuis, je plonge plus souvent sous la terre plutôt qu’en mer…
Des plongées toute l’année
Pour moi, la plongée souterraine c’est avant tout des plongées proches et praticables presque toute l’année dans le sud-ouest de la France. Mon passage sous terre a été l’occasion de découvrir l’existence de dizaines de sites accessibles et réputés. Des centaines de kilomètres de galeries, partiellement ou complètement immergées, dans une eau à température constante toute l’année. 14°C ça rafraîchit en été mais en hiver c’est bien plus agréable que la Méditerranée. La seule limitation de plongée a lieu en période de crue, mais cela ne dure jamais longtemps. La montée des eaux rend même parfois certains sites à nouveau plongeables, dont les entrées asséchées étaient devenues trop complexes à franchir.
Hors de France, la plongée souterraine se pratique dans de nombreux pays. Chacun a ses spécificités dans les sites comme dans les conditions de plongée (température, visibilité, …). La température peut être glaciale en Norvège, ou plus confortable comme dans les cénotes du Mexique.
Dans cet article, nous n’aborderons que la plongée locale dans le kartz du sud-ouest français, qui représente l’essentiel de mes activités sous plafond.
100% exploration…
Sous terre le mot exploration prend un sens différent. L’homme est déjà allé sur la Lune et en a cartographié l’essentiel. Mais régulièrement près de chez vous, des spéléonautes sont les premiers à découvrir de nouvelles galeries encore jamais vue par l’être humain. Sans être de ceux qui poussent le fil d’ariane dans l’inconnu, j’apprécie l’ambiance de plongée. Éclairée uniquement artificiellement, la progression dans les cavités évoque les plongées nocturnes où chaque recoin que touche le faisceau de lampe est comme un endroit nouveau. La visibilité est fréquemment exceptionnelle comparée à la mer. 20m, 30m, parfois même 40m sont courants dans certains sites. Dans ces conditions, la contemplation des galeries creusées par l’eau au fil des temps géologiques est une activité à part entière en plongée souterraine. Si la France est assez pauvre en concrétions immergées, les volumes sont riches en méandres et les variations de la couleur de pierre sont souvent un festival. La traversée d’un siphon réserve souvent de beaux spectacles dans les parties exondées, voûte impressionnante, salles gigantesques, ...
…et 100% sécurité
La plongée sous plafond, dont fait partie la plongée souterraine, implique un engagement différent de la plongée en surface libre. En effet, en cas d’incident (panne de détendeur, perte de visibilité, …) les conséquences sont immédiatement plus compliquées à gérer car il est impossible de simplement se laisser flotter vers la surface. La plupart du temps, le chemin parcouru à l’aller doit l’être au retour. Une progression de 300m à l’intérieur d’un réseau représente 20 min de palmage au retour avant de pouvoir sortir dans un environnement respirable.
La sécurité est par conséquent au cœur des pratiques des plongeurs souterrains. Chaque possibilité d’incident est anticipée, et les procédures et le matériel sont adaptés avec réflexion. Par exemple, le scaphandre est redondé (avec de nombreuses variations, selon les cavités et les plongeurs): les configurations courantes sont le Bi-bouteille (dorsal 2×10 L, sidemount 2 x S 80), ou bien le recycleur avec 2 bouteilles de réchappe séparées en cas de panne de la machine. Par ailleurs chaque plongée fait l’objet d’une préparation (étude de la topographie, vérification des conditions, planification des gaz et consommations) et le matériel est vérifié de nombreuses fois avant le début de la plongée.
Les spécificités techniques pourraient faire l’objet d’un article à part entière et ce ne sont là que des exemples. Il faut en retenir que la plongée souterraine se pratique en sécurité, et que les plongeurs souterrains sont bien souvent des planificateurs et des maniaques du matériel.
Communauté et engagement: un état d’esprit
Justement, les plongeurs souterrains: voilà aussi un aspect qui m’a amené à pratiquer dans la durée. L’engagement de la plongée souterraine amène une intensité mentale importante à chaque plongée. Les pratiquants en ressortent transformés. Chaque nouvelle plongée est l’occasion de créer une équipe forte, ou bien d’aller plus loin dans l’expérience avec une équipe déjà éprouvée. La poursuite d’une exploration commune, la réalisation de photographies, tout cela conduit à générer des expériences et des liens uniques.
La communauté formée par les plongeurs souterrains est solidaires et contribue à faire avancer la discipline, en améliorant les procédures, cartographiant ou entretenant les sites de plongée. Un état d’esprit orienté vers la conservation du bien commun que nous ont laissé les millénaires d’érosion.
Conclusion: on se s’en lasse pas
En tant que photographe, je fais partie des plongeurs qui n’ont aucun problème à refaire 10 fois le même site de plongée. Sous terre c’est encore plus vrai.
La progression dans toute cavité, même déjà connue est un moment fort. L’attention est à porter à tout, soi-même, ses équipiers, l’environnement, le fil d’ariane, … Mentalement intense, chaque plongée permet de lâcher prise et d’oublier totalement la surface pour se concentrer uniquement sur l’instant présent.
Côté photographie, c’est également un attrait constant. Les cavités ne bougent pas ou très peu, et il est ainsi possible d’anticiper les plans d’éclairages comme dans un studio. Je peux améliorer des photos que j’ai déjà faites ou bien essayer de créer des choses nouvelles au gré des envies et de l’équipe. C’est un renouvellement constant et, bref vous avez compris, je ne m’en lasse pas…
Pour en savoir plus:
Association Plongée Sout’
Fédération Française de Spéléologie
Plongée souterraine à la FFESSM
IANTD cave diving
TDI cave diving
GUE exploration blog
Texte, photo de couverture (équipier Lucas Degan) et photos illustrants l’article de Sébastien Delautier tous droits réservés
A propos de l’auteur:
Montagnard depuis la naissance et plongeur depuis 2007, je ramène des photos de la Nature sous toutes ses formes. Mon but est de faire découvrir des endroits parfois aussi inexplorés que magnifiques.
Actuellement basé dans le sud de la France, je plonge principalement dans ma région d’adoption entre les cavités du sud-ouest et la Méditerranée.
Pour en découvrir plus sur mes expéditions photographiques, suivez-moi sur FB et découvrez mon site