Spéléonaute passionné par la découverte du monde souterrain, voilà dix-sept ans déjà que je recherche avec obstination l’endroit où personne d’autre avant moi n’est jamais allé : des milliers de kilomètres de galeries vierges restent à découvrir. Délaissant progressivement la mer, je me suis peu à peu consacré au monde souterrain, en en faisant même mon métier puisque je suis devenu Instructeur professionnel de plongée souterraine et de plongée technique. Je partage désormais ma passion et mon savoir-faire avec d’autres plongeurs grâce à des formations que j’ai mises en place et par le biais de livres et d’articles de presse. Je remercie donc Le Mag de scuba-people.com de m’ouvrir ses pages et c’est avec un plaisir non dissimulé que je vous livre ce premier article d’une série mensuelle inédite consacrée à la plongée souterraine.

 

Plongées et inconscient collectif

Pour nombre d’entre nous, plongée rime avec mers tropicales, eaux chaudes et poissons multicolores. Pour d’autres avec Méditerranée ou Bretagne. Pour quelques autres enfin tout de même avec lacs ou carrières, mais seulement en raison de l’éloignement de la mer… La plupart n’imaginent même pas pouvoir aller plonger dans des galeries ou des trous obscurs et inondés… Pour nombre d’entre nous, ce serait folie : c’est folie. Voilà à peu près le langage que je tenais moi-même dans les années quatre-vingt-dix. Je ne connaissais rien à la plongée et moins encore à la plongée souterraine. Je déclarais pourtant avec le plus bel aplomb, que « la plongée souterraine était folie, inconscience, danger excessif » et que « jamais je ne mettrais la tête dans une grotte ». Dès mes premières plongées en mer, irresponsable, je suivis pourtant le moniteur dans des grottes marines en Turquie, sans fil et sans lampe.

La plongée souterraine : un mythe qui séduit

Plonger dans la pierre demeure une activité singulière, mais de plus en plus de plongeurs sont attirés par cette branche particulière de la plongée et par ses féeries souterraines. Ce monde noyé séduit tant pour sa beauté cachée que pour la manière différente de le découvrir. Il existe en effet un mythe et un état d’esprit plongée souterraine qui intrigue et fascine de plus en plus.

La plongée souterraine : accessible à tous

Tout le monde ou presque peut plonger sous terre. Loin des idées reçues, la plongée souterraine n’est pas réservée à des inconscients, non plus qu’à des surhommes ou à une prétendue élite. Nul besoin d’être Indiana Jones pour découvrir cet univers fabuleux. Si vous possédez la maîtrise des techniques de base de la plongée, vous pouvez plonger sous terre. Cette base est validée officiellement par un niveau 2 de plongée ou son équivalent. Il existe aujourd’hui une pratique loisir de la plongée souterraine, sans autre but que de se faire plaisir. Aucun enjeu de profondeur, de distance, de record ni d’exploration. Non, juste une plongée détendue dans le monde souterrain.

La plongée souterraine : particularités

Je vous mentirais en affirmant que la plongée souterraine peut se pratiquer en totale décontraction. Pas tout à fait. Le plongeur évolue dans un tube et s’il veut en sortir, il ne peut pas remonter immédiatement à la surface. Pour se retrouver à l’air libre, il doit faire en sens inverse la distance exacte qu’il vient de parcourir. Afin d’arriver à coup sûr à regagner la sortie, il est indispensable pour lui de maîtriser certaines techniques et de disposer d’un matériel spécifique. Mais ceci est à la portée de tous ceux qui le souhaitent et qui sont capables de contrôler leurs émotions. Nous plongeons à titre exceptionnel avec des enfants et le plus souvent ce sont les nôtres, par exemple. A l’âge de treize ans, mon fils a voulu découvrir en douceur mon univers. Il en a seize aujourd’hui et pratique la plongée souterraine avec enthousiasme : pour le simple plaisir. Nous sommes très loin du mythe du surhomme.

La plongée souterraine : un matériel réduit

L’image du plongeur spéléo bardé de matériel est révolue. Aujourd’hui, plus besoin de partir suréquipé : juste avec ce qu’il faut, pas plus et pas beaucoup plus qu’en mer. Après des années de réflexion, nous sommes parvenus à limiter l’équipement à son strict minimum. Nous doublons certains éléments vitaux pour pouvoir bénéficier d’une roue de secours en cas de panne majeure. Elle reste d’ailleurs plutôt rare. Par sécurité, nous plongeons avec un bi-bouteille proportionné à notre morphologie. Pour beaucoup, c’est une nouveauté. Nous le munissons de deux détendeurs, ce qui est relativement courant même en plongée mer. Nous emportons trois lampes, deux de secours et une principale, ainsi que du petit matériel, bobines de fil et deux outils pour le couper, comme pour le filet en plongée mer, jeux de flèches pour marquer la direction et un masque de secours. Ni tuba ni parachute évidemment et nous voilà bien équipés pour une belle promenade sous terre, en toute sécurité.

La plongée souterraine : les baptêmes

En plongée sous-marine, un baptême ne se fait pas dans une mer démontée, avec du courant, à cinquante mètres de profondeur. Tout comme en mer, il existe un grand nombre de plongées souterraines classiques qui offrent un spectacle à vous couper le souffle sans présenter de difficultés majeures et qui se caractérisent donc par un degré de sécurité maximal. Les baptêmes de plongée souterraine se déroulent donc dans de grandes galeries aux eaux limpides réputées faciles et il ne sera pas question ce jour-là d’aller se fourvoyer dans des boyaux étroits emplis de sédiments et d’argile…

La plongée souterraine : une invitation au voyage intérieur

Une des motivations principales des plongeurs est la rencontre avec la faune et la flore. Dans les décors magnifiques que l’on sait, quel plaisir en effet. Difficile alors d’expliquer. Sous terre et sous l’eau, les rencontres, hormis celles de nos congénères, il n’y en a guère, d’où le sempiternel “il n’y a rien à voir”. Pas grand-chose à voir en effet, mais autant que lors d’un trek dans le désert, d’une randonnée en haute montagne ou aux confins d’une steppe venteuse. Sous terre, le spectacle vous entoure, vous enveloppe et, par la magie de vos lampes torches, vous en venez même à croire être le créateur de cette féerie éphémère… Vos éclairages puissants créent une scénographie envoûtante, leurs faisceaux illuminant la galerie et se multipliant dans les miroirs que forment les bulles d’air piégées au plafond. Ce lieu minéral à priori austère, froid et sombre devient alors un lieu magique, empli de poésie et de délicatesse. Calme, reposant, il vous invite à la méditation, voyage intérieur souvent évoqué…

La plongée souterraine : un supplément d’adrénaline

La beauté des paysages souterrains ne saurrait à elle seule expliquer l’engouement croissant pour cette discipline. Plonger sous terre, c’est aussi, premièrement, sortir des sentiers battus, exacerber les sensations que la présence du plafond et des contraintes inhérentes au milieu souterrain intensifient et c’est une façon de pimenter sa vie par ce qui ressemble bien à une aventure. La plupart des sites de plongée souterraine se trouvent, deuxièmement, en pleine nature, dans des endroits plus ou moins reculés, voire même paumés, ce qui corse l’aventure. Et troisièmement, il suffit de charger sa voiture avec son matériel, de retrouver ses copains et de se mettre à l’eau. Pas d’horaires, pas de marée, pas de promiscuité sur le pont du bateau, pas de directeur de plongée éventuellement autoritaire pour imposer ses paramètres à votre plongée. Le plongeur souterrain est habité par un intense sentiment de liberté. Il plonge où il veut, à l’heure qu’il souhaite, avec qui il veut. Merveilleux, non? Oui, merveilleux…
Cela implique toutefois que l’on est devenu autonome et que l’on maîtrise son sujet, que l’on est responsable et qu’on ne s’en remet pas passivement à un instructeur.
De plus en plus nombreux à venir nous voir pour que nous entrouvrions pour vous les portes de la cinquième dimension, bienvenue dans ce monde souterrain noyé, ce continent caché sous vos pieds où il devient possible de vivre une aventure… juste en bas de chez vous.

 

Pierre-Eric DESIGNE

Retrouvez Pierre-Eric DESEIGNE tous les mois sur Le Mag dans la rubrique plongée spéléo