Exercice en baie d’Antibes
Un corps sans vie allongé au milieu d’un herbier de posidonie, à dix mètres sous la surface en baie d’Antibes : deux gendarmes s’affairent autour de lui, bouteille sur le dos et détendeur en bouche, relevant le moindre indice, dessinant scrupuleusement la scène, empaquetant soigneusement le cadavre. Ce n’est qu’un mannequin, et la découverte macabre n’est en fait qu’un exercice, destiné à former les stagiaires du Centre National d’Instruction Nautique de la Gendarmerie.
Appliquer sous l’eau les techniques scientifiques
Il aura fallu attendre les dernières évolutions de la police scientifique pour que la discipline puisse être appliquée sous l’eau, depuis quelques années seulement. L’une des découvertes majeures est la persistance des traces d’ADN sous l’eau, qui permettent même après une immersion prolongée de retrouver des empreintes génétiques. Un pas en avant immense : jusqu’à présent, un corps immergé devenait en quelque sorte muet, en terme d’indices. On peut aussi aujourd’hui dater de manière fiable l’immersion, et tenter de déterminer les causes de la mort grâce notamment à la présence de diatomées, des algues microscopiques qui se trouvent sur le cadavre.
Protéger les indices retrouvés
Les analyses sont alors confiées aux laboratoires de l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale de Rosny Sous-Bois. Mais si les laboratoires sont aujourd’hui capables d’analyser les données recueillies en plongée, sur un défunt, ou sur une arme retrouvée, il faut leur donner un matériel d’étude en bon état, d’où la nécessité de former le personnel aux techniques particulières de l’investigation sous-marine.
Un enseignement à la fois théorique et pratique
Créé en 1965, le Centre National d’Instruction Nautique de la Gendarme accueillait au départ les plongeurs de la gendarmerie, chargés d’intervenir en mer et dans les eaux intérieures, mais le recrutement s’est aujourd’hui largement élargi. Magistrats, douaniers, policiers, français mais aussi étrangers suivent des stages dont la durée et le contenu varient largement. En 2008, la formation a été réformée et répartie en quatre niveaux : enquêteur subaquatique, technicien en identification subaquatique, technicien supérieur subaquatique, et enfin instructeur subaquatique, le niveau de stage le plus élevé. Mais tous reçoivent une formation à la fois pratique et théorique, qui couvre des domaines variés, de la règlementation aux techniques d’enquête.
Des heures dans l’eau
Mais la majeure partie de leur temps, ils le passent dans l’eau, pour des simulations grandeur nature, où il leur faudra apprendre à agir de façon à la fois rapide, et précise. « Hier, explique leur instructeur, vers 22 heures, un témoin a entendu une déflagration alors qu’il rentrait au port, puis une chute dans l’eau, enfin un bateau démarrer et s’éloigner. » ” Les stagiaires viennent de recevoir l’énoncé du problème, il leur faut maintenant le résoudre. Equipés, ils sautent à l’eau et quadrillent la petite baie, jusqu’à ce qu’ils localisent le cadavre. Mais ils ne sont pas au bout de leurs peines, et c’est à partir de là qu’ils doivent faire preuve d’une rigueur sans faille.
La même rigueur qu’en conditions réelles
Sous l’eau, avant de toucher à quoi que ce soit, et en prenant garde à ne pas palmer au dessus du site pour ne rien déplacer, ils doivent dessiner la scène, chercher autour du corps tous les objets susceptibles d’apporter des informations, relever toute trace de coup, tout impact de balle visible. Et c’est souvent là que le bât blesse, au début de la formation : trop pressés de remonter le corps, enfermé dans un sac étanche et installé sur un brancard, les stagiaires risquent de perdre à jamais de précieux éléments ! Une fois suffisamment rodés à l’exercice, après l’avoir inlassablement répété, ils recommenceront cette fois dans des conditions beaucoup plus difficiles : de nuit, puis dans les eaux noires et glacées du lac de Saint Cassien, à quelques dizaines de kilomètres de là.
Des brigades nautiques de plus en plus nombreuses
Avec l’avancée des connaissances, les brigades nautiques se multiplient, et l’on a de plus en plus recours à leurs compétences. Ce fut le cas notamment, parmi les opérations les plus retentissantes, lors de l’affaire Alègre, où il a fallu mener des recherches dans plusieurs lacs en même temps, pour tenter de retrouver d’éventuelles victimes. La Gendarmerie Nationale dispose aujourd’hui d’une cinquantaine de brigades spécialisées réparties sur tout le territoire, qui accueillent des gendarmes aux aptitudes variées, mais de plus en plus pointues. Dans les années à venir, s’appuyant sur les nouvelles compétences de terrain acquises par les gendarmes, on peut supposer que les techniques scientifiques applicables au monde sous-marin vont encore s’affiner. Et faire reculer un peu plus l’impunité relative dont jouissaient jusque là les criminels en milieu aquatique.
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