Définition
Système respiratoire destiné à l’exploration sous-marine qui recycle le gaz expiré par le plongeur à travers une cartouche filtrante fixant le gaz carbonique et qui devient donc de nouveau respirable, sans pertes intempestives. C’est le scaphandre “écolo” par excellence, qui, si j’ose écrire, ne manque pas d’air…
Synonymes
Scaphandre à circuit fermé | Circuit semi fermé | CCR (closed circuit rebreather) | Rebreather | “Machine” |
Entrée
C’est un fait, une constatation : contre toute attente, les scaphandres recycleurs ont désormais envahi les bateaux de plongée, à raison de dizaines de modèles différents, de modes de fonctionnement et de maintenance, avec leurs centaines de colifichets et écrans clignotants et, pour leurs utilisateurs, autant de formations, compétences et règles de sécurité parfois contradictoires. Dès lors, pour le moniteur, composer une palanquée homogène est devenu la quadrature du cercle. Bien souvent, essoufflé à transporter une 15 litres acier tout en crachant des bulles vers une surface disparue, trop longtemps et trop profond avec à la clé pannes d’air et paliers interminables “en apnée”, on se retrouve à suivre un fantôme qui filoche dans le noir, sans bulles, indifférent au temps passé, à la profondeur et aux futurs paliers… Une tendance qui ne fera que s’accentuer dans le futur tant les avantages des recycleurs sont nombreux par rapport au traditionnel “circuit ouvert” des bouteilles jaunes de papa…
En effet, puisque l’on consomme moins de gaz, la durée de la plongée est considérablement augmentée au prix d’un encombrement équivalent. Hors de l’eau, le matériel est donc beaucoup plus léger. Dans la mesure où on respire des mélanges plus riches en oxygène, les durées de paliers sont diminuées d’autant. L’engin est très silencieux ce qui permet en principe d’approcher la faune de plus près. D’autant que le rejet au gré de la respiration de bulles bruyantes et polluantes (quand on plonge “sous plafond”) est par définition supprimé.
La notion même de recyclage et la réaction exothermique du gaz passant dans la cartouche de chaux en abandonnant son C02 conduit à respirer un gaz chaud et humide ce qui diminue la déperdition calorique et les risques de gelures de l’équipement ; points particulièrement important lors des plongées en eaux froides ou longues et profondes. La profondeur enfin, accessible beaucoup plus facilement par les changements de mélanges gazeux au cours de la plongée et de la remontée avec toute l’instrumentation électronique destinée à faciliter et raccourcir celle-ci. Aujourd’hui, plus une expédition sur épaves ou d’exploration souterraine n’est envisagée sans l’usage d’un ou plusieurs recycleurs…
Plat
Côté inconvénients, le prix, bien sûr : c’est cher. Très cher. Si, si, plus cher que çà, même… L’entretien, équivalent à celui d’une voiture de luxe ou, dans un autre registre actuellement très controversé et “politiquement incorrect”, l’entretien d’une “danseuse” ou autre cagole de bon aloi. La complexité de l’ensemble enfin qui demande une vraie expertise et en tout cas une formation spécifique. Et payante…
En effet, on ne plonge plus de la même façon avec des recycleurs qu’en “circuit ouvert”, comme lors des formations d’antan. C’était simple : une bouteille, un détendeur, un masque et des palmes et, à la rigueur, un maillot de bain ! Il n’y a qu’à regarder les sirènes en noir et blanc évoluant en tri-bouteilles dans les eaux méditerranéennes, en regard de la merveilleuse littérature des livres de Philippe Diolé pour en être convaincu. Point de bouées, de gilets, de ceintures de plomb : la flottabilité se réglait à coup de bulles de cristal par la technique de base : le “poumon ballast”. On souffle : on coule ; on respire : on remonte. Simple vous dis-je ! A cette époque, on savait respirer…
Poumons ballast ?
Or, en recycleur on est équilibré en permanence ; quand les poumons se dégonflent c’est le sac respiratoire qui se gonfle, annulant l’effet : la flottabilité reste nulle. Une sensation déstabilisante qu’il faut apprendre à maîtriser. Pour couler ou stopper une remontée intempestive…
Bien sûr, j’ai eu l’occasion dans le passé de jouer avec plusieurs recycleurs militaires et même participé en Floride, en compagnie de Sheck Exley, aux plongées d’essai du Cis Lunar, un des premiers scaphandres à circuit fermé “civil” inventé par le génial ingénieur et plongeur souterrain Bill Stone. Mais c’est l’usage des Oxygers, scaphandres à oxygène pur des plongeurs de combat en principe limités à -7m, qui m’a fait éprouver pour la première fois la disparition du “poumon ballast”, cette désagréable sensation d’étouffer par “trop d’air” tandis que le corps n’obéit plus…
Un soir d’ivresse nous avions décidé d’aller faire des photos dans le Lago Verde, un écrin d’eau verte fluorescente empli d’arbres immergés de toute beauté, lac d’altitude d’eau transparente et glaciale accessible au prix de 2h 30 de marche dans les montagnes du Piémont italien au dessus de Turin. Vu les conditions d’approche, nous avions renoncé aux ceintures de plombs (remplacées sur site par des pierres placées dans un filet), aux bouteilles auxquelles nous avions substitué deux Oxygers et même aux vêtements étanches malgré l’eau à 5° C. Nous avions opté pour des combinaisons de chasse de 3mm “simple peau” et “près du corps” mais surtout très légères. Inutile de dire que nous nous sommes dévisagés un bon moment, Eric Coutinot et moi, pour savoir qui entrerait dans la glace fondue en premier. L’histoire l’a oublié même si l’opération, réalisée dans un silence presque mortuaire, a pris… un certain temps.
Toujours est-il qu’à un certain moment, les bras encombrés de cameras et de flashs, je dépassais le cimetière d’arbres englouti et me sentis remonter, contre mon gré. Force de l’habitude, je soufflais juste ce qu’il fallait pour retrouver mon équilibre et ma profondeur. Mais que nenni, je montais toujours et sentis mes poumons gonfler plus que de raison : l’air que j’expirais ne faisait que gonfler mon sac respiratoire ventral ! Et inversement. Jusqu’à ce que, in extremis, je pense à chasser le gaz excédentaire par le nez, à travers le masque. Grave mais salvateur manquement à la sacro sainte règle de la “respiration buccale”…
Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater que ces “modernes” recycleurs, en passe de rendre obsolètes les classiques bouteilles et détendeurs “Cousteau-Gagnan dans la pratique de la plongée-loisir, sont d’invention considérablement plus ancienne que ces derniers.
Dessert
Le principe de la fixation chimique du dioxyde de carbone toxique dans l’air respiré était en effet connu de longue date. Vers 1620, en Angleterre, Cornelius Drebbel fabrique un premier sous-marin à propulsion à rames. Pour oxygéner l’air à l’intérieur, il chauffait du salpêtre (nitrate de potassium) dans une casserole métallique. La chaleur transformait alors le salpêtre en oxyde et en hydroxyde de potassium, qui absorbait le dioxyde de carbone de l’air. Cela explique pourquoi les hommes de Drebbel n’étaient pas gênés par l’accumulation de dioxyde de carbone. Plus de deux siècles avant les premiers brevets…
Le premier scaphandre recycleur, basé sur l’absorption du dioxyde de carbone, fut breveté en France en 1808 par Sieur Pierre-Marie Touboulic originaire de Brest, un ingénieur-mécanicien dans la marine impériale. Il fonctionnait avec un réservoir d’oxygène commandé par le plongeur et qui circulait en circuit fermé à travers une éponge imbibée d’eau de chaux. Touboulic avait nommé son invention l’Ichtioandre (“homme-poisson”, en grec) mais il n’est pas sûr qu’un prototype ait été fabriqué. Par contre, l’histoire a retenu le nom du français Pierre-Aimable De Saint Simon Sicard, inventeur, chimiste et homme d’affaire qui prit un brevet en 1849 pour un système baptisé “appareil et système chimico sauveur” comprenant en plus de l’appareil de recyclage, un casque avec soupape, un habit de toile ainsi qu’une lampe sous marine. L’appareil était alimenté par deux bouteilles en cuivre contenant 150 litres d’oxygène pur. Une invention suivie en 1853 par celle du professeur T. Schwann en Belgique. Constituée d’un grand réservoir d’oxygène monté à l’arrière avec une pression de travail d’environ 13,3 bars ainsi que deux épurateurs contenant des éponges imbibées de soude caustique…
Mais le premier dispositif en circuit fermé, exploité commercialement, a été conçu et construit en 1878 par l’ingénieur de plongée Henry Fleuss, qui travaillait à l’époque pour Siebe Gorman à Londres. Son appareil de respiration autonome se composait d’un masque en caoutchouc relié à un sac respiratoire, un réservoir de cuivre fournissant un mélange de 50 à 60% d’oxygène. Le CO2 excédentaire était absorbé grâce à du fil de corde trempé dans une solution de potasse caustique (KOH) ; le système permettant en théorie une durée de plongée d’environ trois heures. Fleuss testa son appareil en 1879 en passant une heure submergé dans un réservoir d’eau, et une semaine plus tard, en plongeant à une profondeur de 5,5 m en eau libre…
C’est en 1880 que l’appareil de Fleuss a été utilisé pour la première fois “en vraie grandeur” par le légendaire chef plongeur Alexander Lambert sur le site de construction du tunnel de la rivière Severn en Angleterre. Le tunnel s’étant retrouvé accidentellement submergé, il fallait absolument qu’un homme plonge dans l’eau trouble et parvienne à refermer à son extrémité plusieurs portes d’écluses !
Lambert a ainsi pu parcourir plus de 300 m à 10 m de profondeur, dans l’obscurité totale et au milieu des débris flottant dans le courant pour réussir la mission ; Les meilleurs scaphandriers traditionnels “pied lourd” avaient du abandonner à cause des forts courants et de la grande distance à parcourir qui mettaient à mal leurs tuyaux d’alimentation en air. De là est sans doute née la triviale expression : avoir les testicules en acier trempé…
A très bientôt pour une nouvelle définition du Scuba Bécédaire. Le lexique irrévérencieux de la plongée, mais pas seulement. Parce que des fois…
Francis Le Guen
Café
Une démonstration des avantages du recycleur par l’ami Vincent Defossez du centre Aquadomia à Marseille. Le recycleur ? Tout le monde va y passer, un jour ou l’autre…