Aux Iles Vierges, la plongée “yoyo” c’est le monde à l’envers !
Définition
La plongée “yoyo” était un terme en vogue avant l’avènement des ordinateurs et qui vouait aux gémonies les pratiquants de plongées au profil sinusoïdal voire franchement ingérable par opposition aux plongées “carrées” réglementaires. C’était mal. Très mal ! Ce sobriquet n’a toutefois rien à voir avec l’antique et agaçant jouet d’enfant qui monte et descend (en principe) le long de son fil…
Synonymes
Profil de plongée | Plongées carrées | Plongées successives | Bordel intégral |
Entrée
Nous avons déjà abordé ce vaste thème de la décompression à l’occasion de l’article sur les ordinateurs de plongée.
Comme nous l’avons signalé en introduction, les algorithmes de décompression sont calculés pour des plongées réglementaires au “profil carré”, à savoir une descente, un séjour au fond à profondeur constante, une remontée et des paliers pour la décompression. A la rigueur, une deuxième plongée dite “successive” quelques heures plus tard. C’est aussi de cette manière que fonctionnaient les antiques couples montres/profondimètres/tables qui obligeaient à de fastidieux calculs sur et sous l’eau et qui ont fait les beaux jours de la “plongée de loisir”.
Les conditions du terrain et la pratique du sacerdoce nommé “monitorat” obligent parfois à donner de sérieux coups de couteau dans le contrat et à enchaîner les plongées non orthodoxes. On sait aujourd’hui à quel point ces plongées dites “yoyos” sont dangereuses. En particulier lors d’exercices d’apparence anodins, en fosse ou en mer, où le moniteur est conduit à pratiquer de nombreuses descentes et remontées pour accompagner les élèves. Raison de plus pour veiller à cela lors des plongées “réelles” même si la généralisation des ordinateurs conduit à transgresser cette règle lors des l’exploration de grandes épaves par exemple. On remonte, on redescend… Attention, ce n’est pas parce qu’un ordinateur tient compte de ces variations et calcule la décompression grâce à son algorithme mathématique qu’il en sera de même de votre corps !
Plat
En Bretagne, où je pratiquais au Moyen Age la noble activité de moniteur il n’était pas rare d’enchaîner les plongées rendant le calcul des “successives” plus qu’aléatoire.
Notre mesure empirique était calée sur l’apparition ou pas, en fin de journée, de rougeurs et autres démangeaisons, barotraumatismes occasionnant pustules et plaques rouges qu’on appelait “puces” et “moutons”, heureusement disparus de la pratique aujourd’hui…
Comme je suis passé assez vite à la plongée souterraine, activité d’exploration à cheval sur la plongée et la spéléo, j’ai été très tôt confronté à ce problème des profils de plongée “non carrés”. En effet, sous terre, c’est la grotte qui décide, conduisant le plongeur à plus ou moins grande profondeur au gré du profil de la galerie. Encore faut-il considérer le retour et la présence de nombreux siphons successifs et donc autant de descentes et de remontées, avec ou sans paliers nécessaires… Un casse tête qui limita longtemps les spéléonautes cantonnés aux calculs par tables “à la profondeur maximum”. Puis sont apparus les premiers “décompressimètres” nommés aux Etats Unis “Bendomatic’s” qui grâce à des méthodes empiriques, mécaniques et furieusement analogiques permettaient en principe de tenir compte des variations de profondeur et de proposer des paliers de décompression adaptés. Sans doute accordions nous une confiance exagérée dans ces premiers accessoires de plastoque, toujours est-il il que je leur doits (j’en emmenais deux…) beaucoup de mes belles premières…
Plongées au Moyen Age.
Arriva enfin le Decobrain, une version numérique qui semblait être l’arme absolue. Dans le but de poursuivre l’exploration de la grotte de la Mescla (où j’atteindrais la profondeur de -80m dans le siphon n° 3) et en prévision du grand nombre de “plongées successives” à venir, je décidais de m’entraîner sur les terres du regretté Jean Pierre Joncheray en baie de Fréjus sur le site classique du “lion de mer”. Mais pas question de pratiquer ce bain de pied de manière orthodoxe. Si je condescendais à m’immerger dans l’eau salée c’était pour pratiquer cette plongée classique “à la spéléo” ; c’est à dire en solitaire, comme je le serais plus tard, et muni d’un bi 2×20 litres pour disposer de l’autonomie considérable et de la redondance permettant une plongée longue, très longue, entre la surface et plus de 40 mètres, dans une plongée-loisir toujours recommencée, enchaînant des dizaines de descentes et montées… Je me fiais au bip bip’s et clignotants de mon flambant neuf ordinateur de poignet et tout se passa sans incident, comme prévu, ainsi que l’exploration de la Mescla. Cette expérience n’est en aucun cas du prosélytisme, surtout à la lumière de ce qu’on sait aujourd’hui…
Dessert
Il n’est pas inutile de rappeler à quel point la décompression et le calcul des paliers est essentiellement empirique. L’homme en effet ne se réduit pas à des équations et la vérité est que nous ne savons pas exactement ce qui se passe dans notre corps, encore moins peut-être lors des plongées successives ou “yoyo” ni des raisons qui les rendent plus “accidentogènes”… Par exemple lorsque en 1948, la Marine Nationale équipa ses plongeurs d’un matériel de plongée autonome elle utilisa les tables de plongées de l’US Navy dont la vitesse de remontée était fixée à 7,5 m / mn. Ce qui fut considéré comme inutilement lent. C’est pourquoi on adopta les nouvelles tables GERS en 1959 avec une vitesse de remontée plus rapide. Mais, à la suite d’accidents survenus avec ces tables, la vitesse de remontée passe à 17m / mn. Ce furent les tables GERS 1965. Hélas, de nouveaux accidents arrivèrent et la Marine Nationale Française réalise une enquête statistique sur 250 000 plongées qui aboutit à la mise au point des nouvelles tables “MN 90”. Tables depuis régulièrement corrigées et utilisées longtemps par la FFESSM dans le cadre de la formation des plongeurs. C’est d’ailleurs avec celles-ci que j’ai appris et pratiqué la plongée (remontée à 20m / mn) avant l’avènement des ordinateurs. Comme on le voit, la mise au point de ces tables reposait en fait sur un assez sinistre empirisme fait “d’essais – erreurs” avec à la clé un nombre considérable d’accidents de décompression plus ou moins graves ou handicapant…
La fameuse “maladie des caissons”… Diverses hypothèses furent formulées quand à l’origine du mal, mais c’est Paul Bert qui en découvrit la cause en 1878 : la formation de bulles d’azote dans l’organisme. Il révéla également l’effet neurotoxique de l’oxygène (hyperoxie) et, paradoxalement, l’effet bénéfique de l’oxygène pur pour réduire la maladie de la décompression. Il proposa, faute de mieux, de remonter très lentement…
Ce n’est qu’en 1907 que les travaux de John Scott Haldane (physiologiste écossais) spécialisé dans la physiologie respiratoire, avec l’aide de A.E Boycott (également physiologiste) et de G. C. C. Damant (officier de la Royal Navy britannique) conduisent à l’établissement des premières tables de plongée à l’air jusqu’à 63 mètres, après avoir fait de nombreuses expérimentations animales. En 1943, la marine américaine publie ses tables de plongée. Elles seront revues et corrigées au cours des année cinquante et deviendront les incontournables “Tables US-Navy”, utilisées un peu partout dans le monde.
En Suisse, la table “Bühlmann”, dans sa première version, constituée d’une table immergeable en plastique constituée d’un disque avec une réglette amovible apparaitra au début des années 80. La deuxième mouture, en 1986, fera le tour du monde. Elle est à la base de la plupart des algorithmes utilisés actuellement dans les ordinateurs de plongée…
A très bientôt pour une nouvelle définition du Scuba Bécédaire. Le lexique irrévérencieux de la plongée, mais pas seulement. Parce que des fois…
Francis Le Guen
Café
Haro sur le “yoyo” professionnel des “remontées assistées” ! Epreuve moyenâgeuse s’il en est (bon, je n’en suis pas mort mais ça n’excuse rien) dénoncée ici par l’ami Vincent d’Aquadomia à Marseille.
Et pour notre séquence “gnan gnan”, figurez-vous qu’il existe une opération chirurgicale pour soigner les otites et qui s’appelle aussi “yoyo”. Si !