Fin janvier, Pierre robert de Latour reprend le chemin de la Norvège pour une nouvelle expédition « orques ». 15 ans après son premier séjour sur place, 10 ans après son premier documentaire, il prépare pour cette année un nouveau tournage, qui mettra l’accent sur les effets du changement climatique sur l’espèce.
1,5 DEGRES EN PLUS ET TOUT A CHANGE
Nous vous présentions l’an dernier dans les pages du Mag un reportage consacré à la passion de Pierre : “plonger avec les orques en Norvège”. Nager en apnée à la rencontre des orques est devenu depuis quinze ans un rendez-vous annuel qu’il ne manquerait pour rien au monde. Mais comme il nous l’expliquait déjà, la donne a changé, « les paramètres se sont radicalement modifiés. Ainsi, la population d’orques qui résidait en octobre-novembre dans le Tysfjord (archipel des Lofoten – Norvège) a quasiment disparu à cet endroit. Des décennies de comportement animal se sont trouvées impactées. En 5 ans, les images de mon premier opus ne sont plus que des « sépia ». l’augmentation de 1.5°C des eaux des fjords a eu des effets mesurables sur les harengs, principale source de nourriture des orques résidents de la mer de Norvège. Les bancs de poissons qui y hivernaient ont fui ces eaux qui ne sont plus suffisamment froides. Ils ne rentrent plus dans les fjords mais restent désormais en pleine mer. »
UN TOURNAGE POUR TEMOIGNER
En 2003, Pierre avait tourné « Voyage au pays des orques ». Cette année, « retour au pays des orques » témoignera des changements survenus pour l’espèce le long des côtes de Norvège. Toujours à bord du M/S Sula, avec Olav Stromsolm et son équipe, il part chercher les orques plus au sud et plus tard dans la saison, quand les harengs se rassemblent à nouveau le long des côtes norvégiennes pour migrer vers leur aire de reproduction. La phase active de la prochaine expédition est ainsi programmée de fin-janvier à la mi-février 2013. Chaque jour on pourra d’ailleurs suivre leurs aventures sur internet, via une page spéciale Orca2013.
DES RENCONTRES PLUS DIFFICILES
Mais hors des fjords, trouver les orques devient plus difficile. « Il y a quelques années, explique-t-il, nous étions sûrs de sortir en mer et de croiser plusieurs familles chaque jour. Les mises à l’eau et interactions sous-marines étaient quasi systématiques. Depuis 2008, nous cherchons le train migratoire des harengs et tentons de rejoindre un pod d’orques au large du Nord-Møre. L’espace est immense ! De plus nous sommes soumis aux caprices climatiques des rudes hivers de la Mer de Norvège qui ne nous laissent que de courtes fenêtres de temps pour opérer. Apercevoir les orques est devenu un privilège; plonger avec eux, une expérience encore plus exceptionnelle. J’espère, conclut-il, rapporter des images qui font rêver tout en faisant passer le message de la fragilité de notre écosystème à l’échelle globale »,
LE PROJET USEA, POUR UNE APPROCHE RESPECTUEUSE
L’Undersea Soft Encounter Alliance Project, fruit des années d’expérience de Pierre dans l’approche des orques, regroupe aujourd’hui de manière formelle les règles qui président à chacune des rencontres : en tenant compte des « zones de confort » des animaux, en respectant leurs déplacements, en étant attentif à leurs phases d’activité. Par exemple, Pierre ne s’approche jamais d’un groupe en repos, et ne se met à l’eau qu’avec des familles qui jouent, chassent ou voyagent. Et c’est là que parfois la magie opère : « l’orque s’approche, scrute, scanne avec son echolocation l’humain devant lui, raconte Pierre. Quelquefois, il se créé un véritable échange avant que chacun ne reprenne sa route, réintègre son monde. »
PARTAGER SON EXPERIENCE
Depuis la création d’Orques Sans Frontières, Pierre a voulu partager son expérience , notamment auprès des plus jeunes, en permettant à des scolaires de participer, de loin, à ses expéditions. Cette année, 27 écoles suivront ORCA 2013, en direct ou presque, via internet ! Les deux films permettront ensuite de faire un parallèle entre les années 2003 et 2013, de préciser les impacts visibles et invisibles de ce changement opéré en seulement une décennie puis d’évoquer les perspectives d’avenir. « Mais attention, précise Pierre, sans catastrophisme, ni concession. Le ton de ces rencontres se veut optimiste. La beauté de l’environnement que nous ferons découvrir sera soulignée, l’idée est d’amener par l’image les élèves à plonger avec moi dans le monde fascinant des orques de Norvège. »
Pour savoir s’il reste à ce jour des places pour se joindre à l’expédition, il faut contacter directement Pierre Robert de Latour. Et s’il est trop tard pour cette année, sachez qu’il travaille déjà à un projet d’expédition un peu plus au Nord pour la fin 2013…Les orques pourraient bien, une nouvelle fois, à la suite des harengs, changer de route.