Délicatement posé par 15m de fond. Le nez dans l’écran de mon appareil photo, je suis absorbé par un lilliputien de la mer. De mémoire, il s’agissait d’un nudibranche, une de ces petites limaces de mer aux multiples couleurs dont regorgent nos plongées méditerranéennes. Dès lors que l’on s’y intéresse un tant soit peu, elles ne sont pas si difficiles à trouver. Pourtant, en ce moment d’extrême concentration, une chute soudaine de la luminosité ambiante me stoppa net dans « l’action ».
Comme si le ciel se voilait subitement par ce beau temps pourtant imperturbable. En levant les yeux au ciel, un spectacle d’une autre ampleur prenait forme devant moi… Un banc de poissons d’une taille presque indescriptible avançait au-dessus de moi, et s’étendait sur plusieurs dizaines de mètres de longueur… Des centaines, que dis-je, des milliers de saupes, s’étaient rassemblées pour former une boule de poissons comme il est rare d’en voir en Méditerranée !
Photo: Anthony Leydet
La saupe, de son nom scientifique Sarpa salpa, est une espèce des plus courantes sur les petits fonds des côtes provençales et plus généralement en Méditerranée. Tout le monde peut la voir, aussi bien les snorkeleurs que les plongeurs, et il suffit parfois de regarder quelques secondes sous l’eau à l’aide d’un masque pour en apercevoir. Avec sa robe argentée et ses fines lignes jaunes, nul besoin d’être connaisseur pour la reconnaître. De la famille des Sparidés, elle est, à l’inverse d’espèces proches comme la daurade ou les sars, gustativement bien moins réputée. Ce qui est dû en grande partie à son régime alimentaire. La saupe est herbivore et se nourrit presque exclusivement d’algues et de posidonie. Lui donnant un goût mois savoureux que les poissons carnivores. A certaines périodes, sa chair peut même avoir des propriétés hallucinogènes, dues à la présence de toxines provenant d’algues qu’elle consomme. Il paraît qu’il est ainsi possible de se «shooter» en mangeant du poisson !
Photo: Anthony Leydet
Cette première rencontre hors-norme date de quelques années maintenant, c’était en 2011. Mais en cette fin d’été 2017, le show se répéta. Le plus incroyable, c’est que j’ai eu la chance d’assister une nouvelle fois à ce rare spectacle exactement au même endroit, sur la Côte- Bleue, près de Marseille. Même site de plongée. Un véritable nuage de poissons apparu et je revivais avec la même émotion une scène digne d’un documentaire animalier. La boule formée en pleine eau se mit à couler littéralement vers le fond, et en l’espace d’un instant, la sensation de voir une pluie de saupes tomber sur le fond recouvert d’algues et de posidonie. Et les voici broutant à tout va, agissant comme de véritables tondeuses à gazon. C’est d’ailleurs un peu l’effet qu’elles ont sur les herbiers de posidonie. A l’image d’un gazon que l’on tond régulièrement pour le rendre plus beau et vigoureux, ces poissons herbivores sont une aubaine pour la posidonie, et ne représentent pas une menace. Comme si elles s’employaient à entretenir leur jardin, les saupes ne broutent que très peu de temps au même endroit, et reforment leur banc assez rapidement. Quelques dizaines de mètres plus loin, elles recommenceront à nouveau leur ballet vertical… Il est alors temps pour moi de rebrousser chemin. Heureux de voir une Méditerranée si généreuse !
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Photo: Anthony Leydet
Texte, photos et video:
Anthony Leydet – Plongeur naturaliste & Photographe – Underwater Photos Stock www.zesea.com
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Spéciale dédicace à Christophe W. pour m’avoir fait découvrir cette folie!!!