PLONGEE MAURICE : LE TERRAIN DE JEU DES CACHALOTS

Chaque année, les géants magnifiques, essentiellement des femelles et des jeunes mais aussi quelques mâles solitaires, se regroupent dans les eaux mauriciennes. Et si l’activité est très encadrée, il est encore possible d’aller à leur rencontre.

« C’ÉTAIT MAGIQUE ! JE NE POURRAI JAMAIS OUBLIER »

Le regard perdu sur l’horizon, le sourire jusqu’aux oreilles, les cheveux ruisselants, Véronique a l’impression d’avoir rêvé. Il y a cinq minutes, elle nageait au milieu d’un groupe de femelles cachalots dont certaines allaitaient leurs bébés. « On se sent vraiment tout petit dans l’eau avec eux. Ils sont immenses et nagent tout doucement », ajoute son compagnon François, lui aussi très ému. Ces écovolontaires ont eu la chance inouïe de se mettre à l’eau en compagnie des cachalots qui vivent à 5 miles au sud-ouest de l’Ile Maurice.

Video : René Heuzey – Label Bleu Productions

LE TERRAIN DE JEU DES CACHALOTS

« Entre Port-Louis et Le Morne Brabant, dans les grands canyons qui descendent jusqu’à 2000 m de fonds, les cachalots se nourrissent de calmars géants, explique Michel Vély, vétérinaire et fondateur de l’association Megaptera pour la connaissance, l’observation et la conservation des mammifères marins. J’estime qu’une centaine d’individus vivent ici. Ce sont essentiellement des groupes matriarcaux, des femelles qui se relaient pour s’alimenter au fond, nourrir et garder les jeunes en surface. Parfois, on aperçoit un grand mâle solitaire… »

DIX FOIS LE POIDS D’UN ÉLÉPHANT !

Dans la famille des mammifères marins, le grand cachalot est la plus grosse des baleines à dents (odontocète). La femelle mature mesure 12 m et pèse 30 à 40 tonnes. Le mâle atteint 18 m, et 50 à 60 tonnes. Avec sa grande tête lisse et carrée, qui occupe près d’un tiers de son corps plissé, ses nageoires pectorales en forme de palettes et sa bouche soulignée de blanc, le cachalot n’a pas la grâce de certaines baleines. Mais son attitude débonnaire et pacifique le rend sympathique. A Flic-en-Flac, on les appellent « les camions du sucre », parce qu’ils sont aussi énormes que les poids-lourds transportant la canne.

ECOTOURISME BALEINIER

Les cachalots vivent dans tous les océans du globe, mais rares sont les endroits où l’on peut les approcher. En novembre, décembre, mars et avril, le sud-ouest de Maurice est leur repaire. Deux opérateurs touristiques développent un tourisme baleinier respectueux et proposent de visiter les cachalots à des fins d’observation : Dolswim, à Rivière Noire, et le plongeur Hugues Vitry à Trou-aux-Biches. Il vient de créer avec Michel Vély l’ONG Marine Megafauna Conservation Organisation.

MIEUX LES CONNAÎTRE

« Etant sur l’eau toute l’année, nous pouvons relever des données, permettant de mieux connaître les populations de cachalots, de baleines à bosses, requins, raies et tortues marines. A Maurice, aucune véritable étude n’a été menée jusqu’ici. Les éléments recueillis – photo-identification des individus, notes sur les comportements – seront fournis aux spécialistes de Megaptera », explique Hugues Vitry.

A BORD DE « MOBY DICK »

Alain Dubois, le chef skippeur de Dolswim, est passionné par les cétacés. Il organise des sorties en mer à la rencontre des dauphins et des cachalots depuis plus de dix ans. « Chaque fois, c’est du bonheur, des moments tous différents », confie-t-il. Poussé par 180 cv, son speed-boat baptisé « Moby Dick » file sur l’eau calme du lagon. La plage de Rivière Noire s’éloigne rapidement. On aperçoit les silhouettes de la montagne du Rempart et du Morne Brabant. A 4 miles de la côte, il stoppe les moteurs et met à l’eau une demi-sphère fixée au bout d’une perche. Il s’enfonce des écouteurs dans les oreilles. Silence à bord.

CLIC, CLIC, CLIC…

Avec cet hydrophone directionnel, il écoute les clics que les cachalots émettent pour chercher leurs proies, et pour communiquer entre eux. Des « codas », qui ressemblent au bruit de nos vieilles machines à écrire. Mais parfois le cachalot se cache : « Au repos, à 10 m de fond, il n’émet aucun son. On peut passer à côté d’un groupe sans le voir », explique le skipper. Le bateau repart vers le sud et s’arrête à nouveau. Alain prend son téléphone portable et va à la pêche aux infos. Ses amis pêcheurs ont peut-être aperçu, entre les vagues, quelques nageoires dorsales ?

SOUFFLES SUR LE CÔTÉ

Le speed-boat est reparti et soudain : « Cachalots droit devant ! » lance Alain qui désigne, à 200 m de là, des souffles qui jaillissent sur le côté, des extrémités d’ailerons qui émergent de la surface argentée. « Quand, les cachalots font des breachs (sauts spectaculaires), on les aperçoit à 1 Km », raconte-t-il. Moteurs au ralenti, l’embarcation s’approche doucement d’un premier groupe de trois individus. Michel Vély les mitraille de photos et note les coordonnées GPS pour identifier les individus.

EN MER, ON N’EST PAS AU ZOO

De larges dos lisses luisent au soleil. D’énormes nez carrés sortent de l’eau, puis les cachalots ondulent et plongent lentement, exhibant leurs superbes nageoires caudales. « Les cachalots décident, nous n’avons pas de contrôle sur eux. S’ils veulent nous laisser nous approcher tant mieux, sinon tant pis ». Pas question de leur barrer la route, ni de séparer une maman d’un petit… du bon sens. Un second groupe de six mammifères tranquilles accepte la présence du bateau.

DISCRETS DANS L’EAU

« Ces animaux ne sont pas stressés, leur séquence de plongée ne change pas quand on approche », explique Michel Vély. La mise à l’eau est possible. Accompagné par Christofer – guide et très bon apnéiste – trois personnes se glissent sans bruit dans l’eau, avec palmes, masque et tuba. Dernières recommandations de Michel : « Restez groupés, nagez doucement, les bras le long du corps, les palmes bien dans l’eau. Les frappes en surface peuvent effrayer les animaux ».

AVEC QUI PARTIR ?

Depuis le 1er novembre 2012, une nouvelle loi mauricienne encadre les activités touristiques avec les cétacés. Elle se met peu à peu en place. Les skippers doivent être formés au sauvetage en mer et à l’approche des mammifères marins. Les hélices des bateaux doivent être équipées de protection et la mise à l’eau de nageurs avec les baleines est interdite sauf sur dérogation. Choisissez donc bien votre prestataire.

Texte : Alexie Valois

Photos : Alexis Rosenfeld