PLONGEES EN GIRONDE : LES TUMULTUEUSES EAUX DE L’ESTUAIRE

Texte et photos : Isabelle & Amar Guillen

Fonds sableux parsemés de récifs où se développe une vie grouillante, multicolore et très diversifiée, nous vous proposons aujourd’hui la visite d’un paradis sous-marin trop souvent méconnu.

Le limon : un facteur essentiel pour la vie dans l’estuaire

L’estuaire de la Gironde est parcouru de tourbillons et de courants puissants qui véhiculent une masse énorme de limon qui donne cette couleur jaunâtre si caractéristique à ces eaux et permet le développement de la vie trépidante de ce milieu marin unique. En effet, c’est le point de rencontre de trois cours d’eau, la Garonne et la Dordogne au sud et la Seudre au nord.

Royan et les environs, point de départ plongées

Plonger est possible de mai à octobre, en fonction des étales de marée, mais des courants de surface peuvent toujours subsister, imprévisibles et parfois assez violents. Les fonds ne sont pas très profonds : entre 15 et 25 mètres. La visibilité est très variable, de un à plus de dix mètres. La température de l’eau varie entre 12 degrés à 40 mètres et 18 degrés en surface.

La philosophie des plongeurs Royannais : laisse-toi surprendre

Au fil des plongées, comme on ne sait jamais ce que l’on va trouver au fond de l’estuaire, on se laisse surprendre et l’excitation est toujours à son comble. Les plongeurs chevronnés y revivront les émotions du jeune plongeur qu’ils ont été !

Un paradis marin méconnu

Plonger ici permet de mieux comprendre l’impact des courants et des nutriments charriés sur la biodiversité de l’estuaire… véritable biotope des poissons de l’Atlantique.

La faune fixée

L’estuaire de la Gironde est tout d’abord un paradis pour la faune fixée et les éponges. Vous pourrez y observer des éponge-mamelles jaunes, des éponges encroûtantes rouges, des éponges pinceaux, des éponges mousses de carotte. Par bonne visibilité, à près de dix mètres, vous aurez un choc face au nombre et à la taille des éponges cliones ! Certaines atteignent plus d’un mètre de diamètre. C’est un phénomène unique à la région. Ces éponges possèdent une caractéristique extraordinaire. Elles sont capables de forer les roches calcaires qu’elles colonisent par une double action, mécanique et de dissolution chimique.

Puis, sous les promontoires, vous découvrirez des champs d’anémones-bijoux (Corynactis viridis) sur plusieurs mètres carrés, verts, jaunes, bruns, blancs ou rose violacé. Le diamètre de ces anémones aux courts tentacules rétractiles ne dépasse pas un centimètre.

Les hexacoralliaires ne sont pas en reste. Les anémones de mer vertes, les dahlias de mer, les anémones trompettes ou encore les anémones marguerites ont colonisé toute une partie de l’estuaire.

Vous pourrez aussi observer différentes espèces d’ascidies : roses, rectangulaires, clavelines. Toutes les espèces de filtreurs se sont donné rendez-vous dans la région.

Poissons et crustacés

De nombreuses espèces de poissons peuplent aussi le fond de l’estuaire : blennies, congres, maigres, labres. Les bancs de tacauds autour des épaves sont les rassemblements les plus impressionnants.

L’estuaire de la Gironde, apparemment lieu propice à leur développement, possède aussi une très grande concentration de raies brunettes. De nombreuses études sont réalisées depuis des années pour mieux en connaitre la reproduction. C’est le programme CapOeRa qui est chargé de la collecte des capsules d’œufs de raies. Cette espèce est interdite de pêche depuis 2009. Comme le nombre d’individus croît rapidement, il n’est pas rare d’en croiser, posés sur le sable pendant les plongées.

Enfin, ne négligeons pas non plus les crustacés. Equipés d’une lampe, vous pourrez admirer en grand nombre crevettes, tourteaux, étrilles et araignées, souvent cachés dans les anfractuosités.

Quelques sites à ne pas manquer

• La grotte aux loups : Profondeur 22 mètres. Le récif est couvert de grandes éponges cliones jaunes. On y trouve de nombreuses araignées, des gorgones, des nudibranches doris dalmatiens et des doris primora papillata.
• Les patates à Thierry : Profondeur 18 mètres. Les points importants à observer sont les éponges cliones, les blennies, les roses de mer, les anémones bijoux.
• Les arches : Profondeur de 14 mètres. Intéressantes pour les raies torpille, les congres, les lèches doigt, des murs d’anémones bijoux, de clavelines et des flabelines mauves.
• Les canons : Profondeur de 15 mètres. C’est un site exceptionnel pour la biologie marine. On peut y observer des tourteaux, des seiches, des araignées de mer, des roses de mer et des flabelines mauves. Le site doit son nom à deux anciens canons dont on distingue encore les formes.
• Épave Tirranna : Profondeur de 38 mètres. Proche de l’embouchure de la Gironde, face à Montalivet sur la côte du médoc, elle est exceptionnelle par sa taille et sa conservation. C’est un Navire norvégien long de 163 mètres. Le 22 septembre 1940, il fut repéré par un sous-marin anglais, le HMS Tuna, qui lança 3 torpilles… 292 personnes étaient à bord. 87 périrent.

Finalement, un véritable paradis méconnu des plongeurs

Biotope unique pour la plupart des espèces de poissons de l’Atlantique, l’estuaire de la Gironde est un univers sous-marin unique au monde qu’il faut absolument découvrir. Imprévisible, chaque plongée est un bonheur et chaque site réserve des surprises. Les plongeurs chevronnés y retrouveront les sensations éprouvées quand ils n’étaient que de jeunes plongeurs face à l’inconnu !