“Corallium Rubrum, l’or rouge de la Méditerranée” : France 3 diffuse cet après-midi à 16 heures un documentaire de 26 minutes, réalisé par Jérôme Espla, produit par 13 Productions et Poisson-Lune Productions, et en exclusivité sur scuba-people.com (juste en -dessous>. Pour plonger une nouvelle fois dans la fascination millénaire qu’exerce le corail rouge, nous avons demandé à Jérôme de partager avec nous les rencontres magiques qu’il a faites pendant le tournage : qu’ils soient corailleurs, joailliers ou scientifiques, tous ceux qui l’approchent en parlent avec la même passion.
ON REVIENT TOUJOURS AU CORAIL
Jérôme Espla ne fait pas exception. Après avoir déjà travaillé sur le sujet il y a quelques années (Le Sang de la Méduse, documentaire de 52’ réalisé en 2005), il est retourné lui aussi au corail. Comme si la fascination qu’exerce l’Or rouge de Méditerranée n’épargnait personne. Il a donné cette fois la parole à des personnalités variées, par leur parcours, leur métier, et leur rapport au corail. “L’or rouge, explique Jérôme, n’est pas envoutant seulement pour les corailleurs, mais pour tous ceux qui l’approchent de trop près. Il y a une attirance, une fascination, des sensations indescriptibles qui font que l’on revient toujours vers cet animal mystérieux caché dans les profondeur de la Méditerranée. Et ce que je voulais à travers ce documentaire, c’est apporter un peu de rêve, des belles images, des messages sur l’environnement et de l’aventure humaine.”
LE PARADOXE DU CORAIL
“Aujourd’hui, continue Jérôme, l’écologie et le respect de l’environnement font souvent regarder les corailleurs comme des “méchants pêcheurs”. Pourtant, beaucoup de plongeurs considèrent les corailleurs comme les seigneurs des mers avec un profond respect. C’est cette idée, ce paradoxe qui m’a poussé à faire ce film. J’aime beaucoup les paradoxes, comme pour mon dernier film sur le Haven par exemple. Il est intéressant d’aller à l’encontre des évidences et de se plonger dans un univers nouveau. Pour ce film je voulais vraiment m’attacher à la profession de corailleur. “
LE PLUS ANCIEN DES CORAILLEURS
Et pour nous emmener à la découverte du métier, Jérôme et son équipe ont frappé fort. C’est Marien Poggi, le plus ancien des corailleurs, qui nous fait partager sa vie. “ Marien a 65 ans, raconte Jérôme, et plonge encore tous les jours à des profondeurs parfois inavouables… Une grosse expérience, des souvenirs plein la tête, une profonde fascination pour le corail et un véritable respect de cette profession et de ses ressources.. Marien ne parle pas beaucoup, c’est un peu effrayant lors des premières rencontres, surtout pour tenir un film… mais ces phrases courtes sont remplies de tellement de richesse et de vie que l’angoisse s’est effacée immédiatement. Il suffisait de le laisser s’évader dans ses souvenirs. Un réel bonheur de réalisateur, un gros travail de montage derrière, mais peu importe, tout y est, et même plus. Je suis souvent obligé de sacrifier des pistes tellement elles sont au delà de ce simple documentaire. Je partais avec un schéma en tête de cette profession que je pensais connaitre, j’en ai pris plein les yeux…. “
MARIEN DANS UN AUTRE MONDE
“Voir évoluer Marien sous l’eau, continue Jérôme, profond, c’est voir un skyliner sans longe au dessus d’un vide sans fin. Un instant de grâce. Le coeur s’arrête, non pas de cette folie mais de cette gestion du risque et de cette aisance. Le mauvais temps de ces dernières semaine aurait pu être une catastrophe pour ce film… les plongées s’annulaient jour après jour… l’angoisse pour un film sous-marin. La dead-line se rapprochait à grand pas et le miracle s’est produit : deux jours de temps hors-norme avec des conditions parfaites, une mer d’un calme et d’un bleu que seule la Corse peut nous offrir. Les Dieux y sont sûrement pour quelque chose…
UNE HISTOIRE RACONTÉE PAR PATRICK MOUTON
L’histoire du Corallium Rubrum commence d’ailleurs dans la mythologie. Et c’est Patrick Mouton, avec tout son talent de conteur, qui raconte son histoire. “Patrick, que je connais depuis de longues années, explique Jérôme, m’offre le début du film sur cette histoire de la gorgone méduse. Encore une frustration… Patrick, lui, parle beaucoup à l’inverse de Marien… mais tout est bon, on se laisse bercer par l’histoire du corail comme on écouterait un conte pour enfant. J’ai ce qu’il faut en 10 mn mais j’y passe la matinée tellement c’est passionnant. Patrick avait écrit un roman magnifique “Corail Rouge” que je conseille à ceux qui veulent rêver d’or rouge et de profondeur : on y voit le vrai visage du corailleur. Dur, fasciné, renfermé mais heureux de vivre intensément.”
DU JOAILLIER AUX SCIENTIFIQUES
Et dans sa quête de l’Or Rouge, Jérôme s’engage aussi sur d’autres chemins : avec Ange Louis Leca, joaillier spécialisé en corail rouge, il découvre comment il devient bijou précieux entre les mains des artistes ; avec Jo Harmelin de la station Marine d’Endoume, il se délecte de la passion d’un chercheur qui pourrait en parler pendant des jours ; avec Gérard Carrodano à la Ciotat, qui a fait des prélèvements pour des scientifiques, comme le Pr Denis Allemand du Centre Scientifique de Monaco, il en apprend un peu plus sur la croissance du corail ; avec le Dr Grandjean, au caisson d’Ajaccio, qui a traité quelques corailleurs, il revient aux dangers de la quête. Jérôme, à travers ce documentaire, est un réalisateur comblé. Mais aussi frustré par toutes les histoires dans l’histoire qu’il n’aura pas le temps de raconter : “Que c’est court, 26 minutes !”
UNE NOUVELLE RÈGLEMENTATION
La règlementation de la pêche du corail est sur le point de changer, avec la mise en place d’une profondeur plancher au dessus de laquelle elle est interdite, fixée à 50mètres, l’interdiction de prospection et de ramassage par les ROV, et des quotas de taille. “Les corailleurs du “continent”, explique Jérôme, sont assez tendus et le milieu est assez hermétique en attendant le passage de ce texte Européen. J’ai eu plus de chance du côté des corailleurs corses qui m’ont accueilli avec beaucoup de gentillesse grâce à de bons contacts locaux. En Corse la barrière des 50 mètres est appliquée depuis longtemps.”
L’OR ROUGE CONTINUERA À BRILLER
“Le Pr. Denis Allemand, continue Jérôme, m’a ouvert également les portes du Centre Scientifique de Monaco, sous le Musée Océanographique. Il y a quelques années, avec l’AMPN, ils avaient mis au point des grottes à corail pour y faire de la coralliculture pour repeupler les fonds. L’expérience a fonctionné, le corail se reproduit, mais son taux de croissance est de l’ordre d’1 mm par an… Mais d’après les scientifiques, l’avenir du Corail Rouge n’est pas sombre. C’est son exploitation qui risque d’être en danger. Les stocks ont diminué dans les eaux peu profondes, mais les petites pousses, sans valeur commerciale, sont bien présentes et continuent à se reproduire. Dans les profondeurs plus importantes, l’or rouge brille toujours et sa disparition ne semble pas être à l’ordre du jour. “
Texte : Isabelle Croizeau
Photos : Jerome Espla
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Les requins avant qu’on vide le fond des mers, ils avaient à bouffer !
Maintenant ils en ont de moins en moins alors ils se nourrissent avec ce qui leur tombe sous la dent !