L’humeur de Francis Le Guen
Parce que des fois, faut quand même pas déconner !
Crédits musique : Erwan & Eric Le Guen
Aaaah les croisières plongée ! On s’y amuse, on navigue, on plonge quand on veut, on fait la fête… Oui. Ça*, ce sont les croisières haut de gamme, la plupart de celles vendues dans les catalogues des TO spécialisés d’aujourd’hui…
Mais j’ai connu aussi d’autres voyages «aventureux» qui ressemblaient plus au «salaire de la peur» qu’à «la croisière des Bisounours»… C’était le règne de la «bannette chaude» au milieu des relents de vomissures et de navigateurs solitaires, des toilettes à piston bouchées, des congélateurs débordant d’eau croupie au bout de trois jours, du fracas des moteurs et des générateurs installés sous votre tête en guise d’oreiller… Des cabines-saunas ventilées par une hélice dont ne voudrait pas un avion modèle réduit, ou des nuits réparatrices passées sur le pont, à même un matelas mousse trempé, épais comme une feuille de papier à cigarette. Des repas de nouilles pas cuite, pris dans une assiette sale, cramponné dans les coursives, entre deux paquets de mer.
Sans parler des mictions nécessaires, pratiquées accroupis dans la dauphinière à cause de l’absence de toilettes. L’opération s’effectuant au vu et au su de tous, je me rappelle d’une assistante n’ayant pu s’y résoudre et que nous avons vu gonfler régulièrement durant les 7 jours qu’avait duré ce «voyage en mer inconnue»… Aaah les charmes de la navigation roturière… Mais le pire, c’est qu’il les vendaient, leurs croisières pourries !
A une certaine époque opérait ainsi en Mer Rouge un bateau à «prix cassé» (il n’y avait d’ailleurs pas que le prix qui était cassé…). On aurait pu le croire sorti du roman de Traven «le vaisseau des morts». Il détenait d’ailleurs le record des avis de clients mécontents. Un de perdu, dix de retrouvés !
Sans parler de la sécurité et des conditions de plongée. Dans certaines circonstances, les bateaux de croisière n’en méritent pas le nom. C’était en ex Yougoslavie, à bord d’un gros navire turc en bois qui était passé directement du transport de matériaux à celui de touristes plongeurs. Sauf que rien n’avait été prévu pour la mise à l’eau ! Déjà, le saut droit depuis le bastingage (plus de 3m) était assez rude… Mais que dire de la remontée, tout équipé, sur une échelle de corde ? Ce jour là, on a perdu des tas de débutants…
Une croisière, c’est une micro société. Le problème c’est qu’on est tous dans le même bateau ! Et quand ils sont petits, mieux vaut pouvoir se supporter. Je me souviens d’un voyage de presse particulièrement conflictuel en Mer de Chine. L’une des journalistes avait tellement fait chier son monde qu’elle s’était retrouvée dans l’annexe, à l’arrière du voilier, en remorque avec une bonne longueur de bout ! Le capitaine est seul maître à bord… Car il y a ceux qui systématiquement font exploser les toilettes ou oublient de refermer la chasse, menaçant de faire couler le bateau…
L’eau douce, à bord, c’est un problème. Voilà une ressource par définition limitée dans cet écosystème flottant. Des conflits éclatent à tous moments à ce propos et les douches sont impitoyablement chronométrées. Les meilleurs, les plus écolos, sont les crados…
A ce propos, n’allez pas vous risquer à boire l’eau des bateaux ! Oubliez même la brosse à dent. L’ami Jean-Christophe, soucieux de son sourire commercial impeccable s’était ainsi brossé les dents sur le lavabo du pont de notre bateau de croisière en Égypte, du côté d’Hurghada. Le lendemain, il fuyait par tous les trous et ressemblait à une pomme cuite ! Nous avons failli le perdre : la réserve d’eau à bord était un bouillon d’amibes…
Alors, pour les vacances, que choisir ? Base de plongée «en dur» ou croisière plongée ? Parfois il n’y a pas le choix. Par exemple, si Lisette est malade en mer, il faut se rabattre sur les bungalows. Et adieu les petits paradis qui ne sont accessibles qu’en bateau.
Mais en fait, le problème est culturel. Le tout est de savoir de quel côté on se place. Si on est un heureux croisiériste, alors l’océan nous appartient ! Et on regarde de haut tous ces canards avec un fil à la patte. Mais si on est un «terrien», le bateau de croisière, c’est le navire des envahisseurs, l’ennemi qui va venir mettre les fonds à sac, violer femmes et enfants et repartir comme il était venu… Sans même en avoir chié pendant deux heures sous le cagnard à atteindre «la plage de rêve du bout du monde»…
C’était un beau matin sur le récif de Sataya au sud de la Mer Rouge… Nous l’avions atteint en partant aux aurores de la base de Wadi Lahami, après 2h éprouvantes en Zodiac. Mais quelle récompense : nous voilà seuls au monde, dans l’eau bleu ciel frangée de corail vierge. Le soleil joue dans les rides du sable blanc, dix mètres sous nos palmes. Silence… Instant Zen… Et soudain, un banc de cinquante dauphins sténelle apparaît, s’approche, tourne, vire entre deux eaux, joue avec nous. Magie…
C’est alors que nous avons vu approcher le «bateau de croisière»… Quelques minutes plus tard, débarquait sur le site une bande de vingt fous furieux à qui on avait sans doute expliqué qu’il fallait interagir avec les dauphins. Go Pro sur la tête, ils les poursuivaient sans relâche, en nageant des crawls insensés façon scie circulaire tout en vociférant dans les tubas. A travers l’écume, je regardais à regret les dauphins s’éloigner… Mais déjà, l’escouade de blaireaux à palmes était remontée à bord des annexes et rembarquait sur le navire amiral, vers d’autres «interactions»… Bon débarras !
Alors, à pied, à cheval ou en voiture, n’oubliez jamais que si l’habit ne fait pas le moine, le bateau ne fait pas plus le plongeur…
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Quand on te parle de pression tu t’en jette une dans le gosier…