Palier en pleine eau, au parachute, après une plongée dérivante au large de Playa Del Carmen (Mexique).
Définition
Un parachute, en principe, est prévu pour ralentir la chute d’un corps jeté dans l’air. Mais pour les corps plongés dans un liquide, il a fallu que les plongeurs inventent en quelque sorte l’inverse : au début il y avait les bouées collerettes qu’on avait baptisées “parachutes ascensionnels”, puis sont venus les “parachutes de palier”.
Synonymes
Parachute de palier | Ballon de levage | Parachute de relevage | Safety buoy |
Entrée
Parachute de palier ou ballon de levage ? La question se pose car ces baudruches gonflées sous l’eau se ressemblent. L’une pour promener une érection, la plus haute possible, à la surface dansante des eaux afin que le bateau vous repère et accessoirement vous récupère à l’issue de vos paliers ; l’autre, gonflée pour enfler démesurément et, par le “volume déplacé” cher à Archimède, arrache du fond la charge précieuse auquel vous l’avez attaché. Technologie balbutiante à ses débuts et, il faut bien le dire, confusion entretenue par les fabricants qui proposaient des hybrides ventrus qui n’étaient efficaces pour aucun de ces usages. Trop ronds, trop courts pour constituer d’honnêtes parachutes de paliers, de trop petits volumes pour déplacer sous l’eau ou remonter quoique ce soit sérieusement. Quoiqu’il en soit nous nous intéresserons cette fois plus particulièrement aux parachutes de palier.
A la dérive
J’ai toujours considéré que le moment le plus dangereux en plongée était paradoxalement le retour en surface. Rien n’est prévu en effet dans notre équipement pour un long séjour en surface, sans parler du confort. Tout le monde a en mémoire le calvaire de ces plongeurs oubliés, perdus, pris dans les courants et ayant survécu de longs jours à la dérive et dont beaucoup ne furent jamais retrouvés. A Komodo, en Méditerranée… Il est incompréhensible que les plongeurs ne soient toujours pas équipés en standard de balises de détresse comme celles qui équipent les navigateurs, les skieurs de l’extrême et autres randonneurs au long court.
Toujours est-il que les parachutes de palier ont fait leur apparition et font désormais partie de l’équipement de base. Une enveloppe tubulaire roulée dans son filin, un mousqueton : voilà de quoi faire son palier confortablement surmonté d’un ballon gonflé d’air, en principe repérable. Encore faut-il ne pas s’emmêler les palmes dans le filin qui se tend quand le ballon gonflé file vers la surface ; et ne pas perdre le fil. Bref. Il existe des formations pour cela. Tout s’apprend !
Plat
Quand j’ai commencé la plongée, les parachutes de palier n’existaient pas. Nous étions déjà bien heureux de posséder des bouées collerettes qui, à l’issue de la plongée, nous aidaient à maintenir la tête hors de l’eau. Les paliers se faisaient sous l’eau, en sustentation, “à la dure”. Inutile de dire qu’au milieu des creux de quatre mètres habituels à la Manche ou l’Atlantique la visibilité en surface n’était pas le top et la récupération des plongeurs toujours un problème. Suivre les bulles de la palanquée en Zodiac n’était pas un vain mot et c’était même un art, la main crispée sur la barre franche et les yeux rivés sur des murs verts d’eau mousseuse.
Il arrivait aussi qu’on ancre le pneumatique afin que tout le monde puisse plonger. Ce qu’on faisait au compas et à la montre car il s’agissait de retrouver à coup sûr l’ancre au retour, en se déhalant sur les tiges serpentiformes des algues géantes affrontant des courant latéraux de huit noeuds…
Une formation assez “militaire” qui m’a sans douté été utile pour garder mon calme lors des trop nombreuses sorties qui suivirent, quand le bateau n’était pas au rendez-vous. Je ne parle pas des marins maldiviens qui ont toujours su diriger leurs dhonis de coco dans les bulles des plongeurs même à l’issue des plus terrifiantes des plongées dérivantes. La généralisation des parachutes de palier tubulaires, qui se dressent fièrement à près de deux mètres au dessus des vagues est certes un grand progrès pour être repéré mais encore faut-il le voir et que le bateau ne soit pas trop éloigné…
Assis sur l’eau
Atoll de Rangiroa, lors du tournage d’un de nos “Carnets de Plongée“… Nous achevons une plongée profonde à l’autre bout de l’atoll sur le site magnifique “les failles” et ses floralies de corail rose. Les oreilles mises à mal dans des cheminées rocheuses où la houle puissante nous a baladé de bas en haut sur plusieurs mètres dans des nuages d’écume. Palier. Un parachute est envoyé. Nous émergeons. Toute l’équipe de tournage avec caméras, batteries, rampes d’éclairages. Rien. Sur 360°, l’eau lisse comme de l’huile sous un implacable soleil. Où est notre bateau ? Ils sont deux à bord, en principe à nous attendre… Soudain, l’un d’entre nous repère un minuscule navire, presque à l’horizon. Moulinets de bras, cris, sifflets, avertisseurs sonores montés sur les direct-systems, rien n’y fait : comme un mur de silence entre notre palanquée de naufragés devenus sourds et le bateau modèle réduit qui semble s’éloigner encore. Impossible de se rendre à terre, il n’y en a pas ! Si, là d’où l’on vient, à plusieurs heures de bateau du port !
Nous décapelons nos bouteilles et gonflons les stabs à fond de façon à pouvoir s’assoir dessus, la bouteille sous l’eau faisant office de quille et donnant à l’esquif un semblant de stabilité. Bien sûr les jambes restent dans l’eau mais on ne peut pas tout avoir n’est ce pas ? Nous espérons juste que les requins marteaux ne fréquentent pas les lieux aujourd’hui et devisons calmement, assis sur l’eau, ludionnant comme des bouchons de pêche.
La monitrice, notre guide, en partie responsable du fiasco (l’un des pilotes du bateau est son petit ami) fulmine et sèche à vue d’oeil. Nous attendrons près d’une heure, assis sur nos radeaux de fortune avant que par miracle le bateau nous voit et mette le cap sur nous de toute la puissance de ses moteurs. Les pilotes furent félicités comme il se doit : ces “pieds nickelés” avaient décidé d’aller pêcher à la ligne en nous attendant et le courant avait fait le reste au point de les éloigner irrémédiablement du site de plongée choisi !
Dessert
En ce qui concerne le levage, il existe des ballons énormes, à ce stade on peut même parler de caissons, pour renflouer et arracher au linceul des sédiments des épaves entières. Elinguées soigneusement comme il se doit pour répartir la traction, le risque étant toujours que la coque vénérable ne se brise et saupoudre la mer d’une nouvelle épave émiettée, démoulée trop tôt…
Ainsi, peu après l’attaque de Pearl Harbor par les japonais qui coulèrent une partie de la flotte américaine, eu lieu ce qui est considéré aujourd’hui comme la plus grande opération de renflouement de l’histoire. Dès juin 1942 les opérations commencèrent qui durèrent deux ans afin de ramener à la surface 5 épaves de navires de guerre dont le Nevada, le California, le West Virginia, l’Ogala…
Grues, treuils, élingues, ballons, caissons : toutes les techniques furent employées au prix de 5000 plongées pour la Navy et des scaphandriers civils qui passèrent 20.000 heures sous l’eau !
A très bientôt pour une nouvelle définition du Scuba Bécédaire. Le lexique irrévérencieux de la plongée, mais pas seulement. Parce que des fois…
Francis Le Guen
Café
Et pour finir, un petit tuto délicieusement kitch de nos amis de l’UCPA à propos de l’usage du parachute de palier.
Et le renflouement et le sauvetage de quelques épaves coulées à Pearl Harbor par le travail assidu des scaphandriers (à 25:00)…