De la tournée des plages estivales pour faire découvrir la plongée aux enfants, jusqu’aux voyages lointains pour chercher « la petite bête », Daniel Méouchy n’a toujours pas rangé ses palmes.
Interview de « l’ambassadeur » par Francis Leguen pour scuba-people le magazine de plongée sous-marine.
Les pyramides du Frioul
C’était avec Falco. En 91… Derrière le Frioul, à 45m de fond. On nageait sur des roches plates sans beaucoup de vie et je vois alors Bébert s’arrêter et commencer à construire une pyramide avec des petits cailloux qu’il ramasse. Un premier cairn, un deuxième… Alors, admiratif, je l’imite, bien conscient d’apprendre enfin un vrai « truc de pro » ! Et nous terminons la plongée occupés à ériger des tas de cailloux…
Tout de même, sur le bateau, je n’y tiens plus :
– Pourquoi ces pyramides, au fait, Bébert ?
– Mais Daniel, pour les poissons ! L’endroit n’avait pas beaucoup d’abris alors on en a fait ! C’est important pour la croissance des juvéniles…
Je tombais assis. Cet homme qui avait déjà des milliers de plongées à son actif, à plus de 60 ans, se préoccupait de construire des abris à poissons ! C’était tout Falco çà. Une vrai conscience de la mer, du coeur et le sens de l’amitié. Il a tout de suite cru à notre initiative de chasse au trésor « Objectif Atlantide > et a été notre parrain dès les débuts.
En 2010, à Djibouti, sa puissance impressionnante sous l’eau avait surpris tout le monde. Sa liberté. Son indépendance aussi. Falco, tu le suis ou tu le perds ! L’apanage de ceux qui se sont fabriqués sous l’eau tous seuls. Ca me rappelait aussi la façon dont j’avais démarré moi même la plongée. Un peu « rock&roll » rigole Daniel.
Qui ne connaît pas Daniel Méouchy ? Ce bouddha au sourire avenant, qui se déplace bras ouverts et se tord de rire à tout propos ? Vous avez forcément croisé sa calvitie rutilante dans un salon, un festival, autour d’un calembour, sous l’eau, ou sur une plage : Daniel, c’est l’homme de l’Atlantide. Le vrai !
L’enfance de l’art
C’est lui qui a créé et animé d’innombrables « chasses au trésor » sous-marines obtenant un succès médiatique inégalé dans le monde de la plongée. Objectif Atlantide (International et Méditerranée), c’est lui, le Rando Subaquatique Tour, toujours lui. Fun Explorers puis “l’enquête sous-marine naturaliste” aux Philippines c’est encore lui, entouré bien sûr de sa fine et fidèle équipe…
J’ai des origines libanaises et grecques, reprend Daniel, mais je suis né à Créteil ! J’ai aujourd’hui 64 ans et c’est à partir de l’âge de 6 ans que j’ai découvert la plongée (palmes masque, tuba) à Beyrouth, au cours d’un premier voyage au Liban. Et je n’ai pas cessé jusqu’à 10 ans d’explorer la côte. Les tessons de poteries… A petits coups de palmes, le rêve des cités englouties. Les trésors dégoulinants des coffres oubliés… Ces nuages d’Anthias et de castagnoles, cette « respiration d’en bas », au gré de nos émotions. Cette écriture sous-marine, de bulles et de rayons…
Mais en fait, j’ai passé mon baptême quand j’avais 16 ans, à la piscine de Lesigny ! Avec les pompiers. Et là, comme pour beaucoup je suppose : ce fut la révélation ! En tout cas, moi j’étais sûr que je voulais plonger. Beaucoup, souvent, partout !
Dont acte. Alors, avec quelques copains, on achetait bouteilles et matériel et on se débrouillait avec les livres. Et beaucoup de pratique. Mais on ne faisait pas n’importe quoi quand même. Ou on avait de la chance… Je me souviens d’une plongée à Vieste, dans le sud de l’Italie. On était à 20m, sur le fond, quand on a vu apparaître un grand trou bleu d’au moins 30m de diamètre. On s’est penché un peu sur le bord mais personne n’a osé descendre dans ce puits sans fond. L’angoisse de la profondeur ? De la narcose ? La raison en tous cas avait cette fois là pris le dessus.
Sinon, on allait plonger en Corse à Porto Vecchio en face de Palombagia. Et tous les étés, pour les vacances, nous étions à Villefranche/mer. Des plongée entre 60 et 65m. Le tombant des américains… Pour les profondes, on installait une bouteille de sécu à 35m. On avait tous la Fenzy autour du cou. Et sa petite bouteille dont je constatais l’inutilité quand on cherchait à l’ouvrir à ces profondeurs… Ces années ont été pour moi une découverte renouvelée des sensations et de mon rapport à la mer. Nous avions compris entre autres, qu’en plongée il faut tout faire lentement. Remonter lentement, pour éviter des accidents. Nous n’étions pas des champions de la théorie mais çà, nous le savions, dans nos corps.
On a plongé comme çà une dizaine d’années. Jusqu’à ce que je me fasse alpaguer par René Germond qui tenait alors le centre à Villefranche :
– C’est très bien, on te vois tous les ans, c’est super, mais maintenant il faudrait plonger avec des niveaux. Tu vas me passer le brevet d’état et tes échelons !
Et c’est ainsi que je me suis retrouvé dans le circuit. A l’époque (dans les années 80) j’habitais Bordeaux. J’étais acheteur international pour IBM. Je voyageais beaucoup et je brassais des millions de dollars. Je m’étais retrouvé président du club de plongée du comité d’entreprise d’IBM. Ce qui permettait d’organiser des voyages à petits prix. L’Estartit, l’Océan Indien, la Mer Rouge…
J’ai découvert l’Egypte quand il n’y avait encore à Hurghada qu’un seul centre de plongée. Celui de Rudi Kneip. On habitait dans le village arabe et on partait en mer avec les bateaux des pêcheurs. Des plongées vierges. Une faune absolument époustouflante. Et aussi la saleté et le manque d’hygiène : tous les jours on attrapait la « chiasse ».
Que dire des Maldives avec Jacques Gambard quand nous avons ouvert les atolls du nord ? Aujourd’hui cela peut sembler banal mais j’ai connu les Maldives presque sans hôtels ni centres de plongée. Un dhoni, un compresseur et… On partait à l’aventure ! Je me souviens aussi des plongées au Kenya avec une bande de potes. Watamu, Malindi, Monbassa. Il fallait passer la barrière de vagues et de corail pour plonger au large. Avec une vieille barcasse, c’était du sport ! Mais après… Les murènes tachetées, les loches énormes, une flore fixée extraordinaire…
L’endroit qui m’a le plus impressionné ? Peut être nos plongées à Djibouti dans les années 80 avec Franck Humbert, entre le Goubhet et les 7 frères. Il y avait là des monstres de poissons comme j’ai rarement vus ! Mais il fallait accepter de naviguer sur des bateaux médiocres, à plusieurs dans la même cabine, sans clim. L’aventure, quoi !
Oui, je les ai tous appréciés ces trésors…
Objectif Atlantide
On s’éclatait bien mais, en dehors des voyages et des explorations, il me semblait qu’il manquait quelque-chose à la pratique de la plongée, à l’image des autres activités de nature. A l’époque, c’était la mode des « raids aventure », Paris Dakar, Raid Gauloises, etc. On réfléchissait tout haut avec les potes du Cercle Océanographique Bordelais et l’idée à germée petit à petit.
Pourquoi ne pas créer une chasse au trésor sous marine ?
Etaient présents Virginie Borel et Bruno Aillaud. On était tous enthousiastes et les scénariis les plus fous commençaient à voir le jour. On voulait louer et couler le bateau du film « Pirates » qui était alors amarré à côté de Cannes ! De façon à ce que les participants de la chasse au trésor puissent suivre les événements sur leur scénario et plonger sur l’épave. En direct.…
Rappelons le principe du jeu, tel qu’il est devenu : Les équipes participantes étaient composées de 3 personnes, dont 2 au moins étaient des plongeurs. Chaque équipe disposait d’un bateau motorisé avec pilote local et de 4 bouteilles d’air comprimé par jour. Au départ de la chasse au trésor, chacun recevait un dossier d’une cinquantaine de pages, une fiction écrite par Daniel Méouchy et son équipe de scénaristes, et composé de documents d’archives, de cartes de la région, de témoignages divers, retraçant l’histoire d’un trésor disparu. A chaque équipe de démêler les fils de l’intrigue, de trouver les indices cachés sous la mer ou à terre (des figurines en terre cuite) qui la mettait sur la piste du trésor. Chacun choisissait ses lieux de plongée en fonction de son interprétation du dossier, sachant qu’il n’y avait pas d’indices à plus de 20 mètres de profondeur. Les participants avaient 4 jours pour retrouver ce trésor. Symbolique…
Quand au nom de l’association, il a été inspiré lors d’un voyage aux Maldives avec « Tonton » Arzillier et Gérard Soury. En bon photographe, Gérard pensait à « Objectif » et l’idée du trésor englouti me suggérait « Atlantide ». Ce fut « Objectif Atlantide » !
Restait à trouver des sponsors et faire connaître l’événement. Mais nous n’y connaissions rien aux médias. Je suis allé au Festival mondial de l’image sous-marine, alors à Antibes, pour présenter le projet. Bien peu y ont cru. Sauf Pierre Martin Razi qui était alors le rédacteur en chef du magazine Océans. Il suivra les repérages avec nous et en fera parler tout en me dissuadant de couler le bateau « Pirates ». Rien que le prix de la location était de toute façon hors de notre portée.
Enfin, la première édition voit le jour, aux Iles de Lerins et c’est un grand succès qui nous encourage à continuer. Dès la troisième, en 92 à Porquerolles nous prenons un virage vers l’environnement, avant tout le monde. Navrés par l’état de nos fonds, nous avons décidé que le thème de l’année serait « Nettoyer la mer » ! Bien sûr on a sorti une montagne de saloperies que nous avons entassées sur le quai. Pour nous faire copieusement engueuler par le Mairie qui décrétait ne « pas être en charge des ordures du fond de l’eau ». Et il voulait que nous rejetions tout à la mer ! Ce que nous avons refusé de faire. Les épaves ont trainé quelques jours sur les quais puis ont été enlevées…
A Djibouti nous avons participé à un inventaire des espèces pour le compte du Ministère de l’Environnement. Sous la houlette de Patrick Louisy, biologiste marin et notre conseiller scientifique qui est aussi un élément moteur de tout ce que nous avons entrepris.
C’est ainsi que le concept s’est développé chaque année, avec, successivement : les îles du Frioul, de Porquerolles, Cala Montjoi en Espagne, les Iles de Perhentian en Malaisie, Cuba, la Thaïlande, Ibiza, La Dominique, le Vietnam, Rodrigues, l’Egypte, Djibouti… Avec à chaque fois une cinquantaine de concurrents.
Dans la foulée nous avons lancé « Objectif Atlantide Méditerranée », de 2003 à 2013 avec parfois plus de 20 000 participants et plus de 250 clubs FFESSM inscrits. Et, à partir de 2007, le Rando Subaquatique Tour avec plus de 2500 participants à chaque édition.
Le jeu « Objectif Atlantide Jeunes » existe quand à lui depuis 2001. En 2013 quarante cinq jeunes sélectionnés sur le plan national ont participé à la treizième édition qui s’est déroulée dans le Var, dans les communes de St-Mandrier, Six Fours-les-Plages, La Seyne-sur-Mer et Toulon. 1057 jeunes collégiens et lycéens ont ainsi été baptisés et ont suivi le cours environnement et le concours naturaliste. Question organisation, Objectif Atlantide représente aujourd’hui plus de 50 personnes qui collaborent ensemble depuis plus de 15 ans.
Rencontre avec des hommes remarquables
J’avais très vite compris que pour susciter l’intérêt des médias et donc des sponsors, il fallait faire participer ce qu’il est convenu d’appeler des people. Encore fallait-il les trouver. Et qu’ils soient plongeurs en plus. La plongée est une petite niche comparée au « Paris-Dakar » par exemple.
En 1989, pour la première édition, sortait le film « Le Grand Bleu ». J’ai eu idée d’appeler Jacques Mayol, héros du film, pour lui demander sa participation. Il a accepté d’être le parrain mais s’est désisté quelques jours après : il voulait être payé pour cela et nous n’avions malheureusement pas le budget.
Thierry Lhermitte est venu me voir un jour au salon nautique pour me proposer de participer à une édition au Venezuela, en famille. Mais c’était l’année où la compagnie aérienne Viaza a déposé le bilan et le voyage n’a jamais eu lieu.
Mais au fil des saisons, nous avons réussi à réunir du beau monde issu des domaines du sport, du spectacle ou du journalisme : Marie France Cubada, David Douillet, Mylène Demongeot, Albert Falco, Philippe Jeantot, Claire Keim, Martin Lamotte, Natasha Saint-Pier, Jacques Pradel, Tania Young, Camille Lacourt, Caroline Avon…
Emouvant Bixente Lizarazu qui faisait équipe avec son père, un plongeur d’Hendaye, lors de la chasse au trésor à l’île Rodrigues. Il était venu avec Frank Bruno (de l’association d’aide aux handicapés « bout de vie » qu’il parraine). Toujours est-il qu’un match de foot amical s’organise. Vision totalement surréaliste de ces gamins proches de l’hystérie avec un champion du monde de football sur le terrain improvisé d’une île outremer. J’étais fier d’avoir permis ce « rendez vous improbable ».
Mes rapports avec ces « intouchables » ont toujours été excellents, basés sur la confiance. Globalement ils ont été traités comme les autres. De notre côté, nous nous engagions à préserver leur intimité : ils devaient valider les interviews et les photos diffusées et nous n’avons jamais eu de problèmes. Belles rencontres également avec des journalistes. Comme Yolaine De La Bigne qui participa aux éditions depuis celle de 94 en Malaisie. Julien Pascal… Ils sont tous devenus des fidèles.
A part de petites blessures, à terre, nous n’avons jamais eu d’accidents en plongée. Les concurrents étaient en équipe de trois avec un bateau et jouissaient d’une grande autonomie. Pour des raisons de sécurité, depuis 89 nous avions limité la profondeur à 20m.
Nous avons eu chaud une fois, avec Elodie Varlet et Thibaut Vaneck, comédiens dans la série « Plus Belle la Vie » qui faisaient équipe en Egypte. A la suite d’un cafouillage, Elodie s’est retrouvée drossée sur un platier de corail. Avec la houle on l’a a récupérée avec difficulté.
Une autre fois, nous avons perdus 3 plongeurs en mer ! Il faut savoir que nous sommes souvent obligés d’utiliser des barques de pêcheurs dans les endroits reculés où nous allons. Or les pêcheurs ne connaissent souvent rien à la plongée, comme lors de cette dérivante à La Dominique. Ils n’ont pas suivi les bulles. Et comme ils ne voyaient pas les plongeurs remonter, ils sont partis à la pêche ! Avant de revenir à terre pour dire que les plongeurs avaient disparu. Alors on a envoyé tous les bateaux disponibles et on les a retrouvés…
Non, finalement, c’est surtout lors des « afters » que nous avons eu le plus de petits bobos mais jamais rien de grave.
De la dynamite à La Dominique
C’était à La Dominique, en 2001. A l’issue d’une Chasse au Trésor Internationale qui comptait 36 participants venant de France, Suède, St Barth, Martinique, Guadeloupe. Beaucoup de journalistes de presse, radio et télévision aussi, venant de toute l’Europe et du Japon. Nous avions aussi une équipe de RFO et une équipe de production privée française et espagnole sur place.
Bien sûr, toutes nos chasses aux trésors se terminaient traditionnellement par une fiesta à tout casser. Cette fois-ci, nous étions entassés sur une barcasse de pêcheur en train de remonter gaiement une rivière. Au bout de laquelle se trouvait parait-il un débit de boisson pittoresque. Les palmes et les branches à éviter… Les méandres. L’aventure, encore ? Je transpirais dans la chaleur soudaine du crépuscule : j’étais Brando dans Apocalypse Now… Commandant un escadron de clowns déjà bien chauds.
Comme je vois des mains tremper dans l’eau, par delà la coque, je crois bon d’avertir :
– Attention aux crocos !
– Il n’y a pas de crocos à La Dominique ! répond sentencieusement Jacques, notre médecin, en retirant prestement sa main. Le poil gris, hirsute : on a toujours l’impression que ce type n’est jamais sec !
– C’est caïman la même chose, je réponds. C’est vous dire si on était déjà « détendus »…
La remontée de la rivière n’en finit pas. Il faut se pencher périodiquement pour ne pas être fauchés par les branches basses. Des bouteilles de secours circulent… La nuit est tombée avec son cortège d’odeurs fleuries. Et voilà que les arbres s’éclairent à notre passage. Des lucioles ? Ou notre imagination débordante vu que nous sommes déjà passablement allumés…
En fait, on est arrivé. C’est le bar qui est là amarré dans un coude de la rivière. Un lupanar sur pilotis, allumé de l’intérieur, flottant sur son reflet au milieu de la jungle à l’envers…
Débarquement dans la nuit qui commence à striduler d’insectes. Tabourets et tables en bois. Pas de clim, pas de moustiquaire. Question consommations, il y avait le choix, c’était rhum ou rhum. Nous avons donc commandé des rhums « arrangés », comme c’est l’habitude là bas. Des décoctions de plantes de la forêt. Que du naturel ! La boisson en question s’appelait « la dynamite »…
Elle commençait à tourner dans les verres. Et dans les têtes. Notre médecin devenait lentement hilare. Uns à uns les participants à cette orgie sylvestre prenaient un air béat ; « open water ». Tous les sphincters se relâchaient…
Au troisième verre, la plupart d’entre nous ont perdu l’esprit, ayant abandonné une grande partie de leurs facultés mentales et motrices. Par chance, je ne bois pas et peux donc me rendre compte de la progression fulgurante du mal parmi nos invités et non des moindres…
Tout le monde danse ou titube, chante ou s’égosille. Les rires rebondissent sous la canopée, dans cette oasis de lumière sur une rivière noire au milieu de nulle part.
Alors, je commence à m’inquiéter un peu. Ou sommes nous exactement ? La nuit est tombée et les trois quart de nos effectifs sont proches du coma. Des fêtards se plaignent qu’on leur a volé “l’envers” de leur tee shirt, d’autres dansent avec des tabourets. Il faut rentrer.
Raidis par la décoction « bio » certains ne peuvent même plus se baisser à bord du bateau. Et prennent de plein fouet les feuillages tendus comme des arcs. Ils arriveront en sang. Nous devons faire face à plusieurs syncopes tandis que le bateau trace sa route dans l’encre. Les gifles pleuvent : moustiques et pertes de connaissance.
Tout le monde est dans un état de transe avancé. Avec les rares valides, nous décidons d’ allonger les corps dans la cour de l’hôtel. Où l’un des photographes sous-marin est enroulé autour d’un poteau et refuse qu’on le détache de « sa promise » !
Nous parons au plus pressé avec Falco, Jacques Pradel…Tous ces corps gisants sur le sable… Du côté du poteau, le plongeur dont on apprend qu’il est également chirurgien dentiste, est maintenant tendrement enlacé mais glisse inexorablement vers le sol tandis que ses jambes s’écartent. Il veut se marier !
Notre Docteur passe de l’un à l’autre, éclaire une pupille, palpe les coeurs. Sans se rendre compte qu’il vient de piétiner un patient qui rend maintenant le son d’un vieux soufflet de forge. C’est sûr que son état s’est considérablement aggravé depuis le passage du médecin… Mais Jacques est fébrile et prends tous les pouls à sa portée. Il s’approche alors d’un homme, bouche ouverte sous les étoiles. Un journaliste qui se trouve être manchot. Jacques s’empare d’autorité de la prothèse. Il ne lui faut pas longtemps pour lâcher son diagnostic :
– Pour celui-là, hélas, c’est trop tard !…
C’est là que j’ai pris conscience que notre « corps médical » était lui aussi ce soir là un « grand corps malade ». Nous avons laissé Henri Eskenazi (car c’était lui) finir sa nuit de noce au pied de son poteau et on a couché tout le monde. Le lendemain il n’y avait pas de séquelles apparentes. Enfin, juste des réminiscences. Au milieu des rires hystériques…
Naturellement naturaliste
J’ai toujours beaucoup plongé. Jamais pendant les quatre jours de la compétition mais après. Et surtout pendant les repérages. Pour bâtir une destination il faut compter 3 ou 4 voyages sur place, à différentes saisons. C’est une manière de plonger thématique, différente. C’est ainsi que j’ai fait une centaine de voyages plongée…
Nous avons été accueillis comme des princes à Lyang Lyang en Malaisie lors des repérages. A l’époque il n’y avait pas de centres et nous utilisions un petit avion militaire pour aller sur Perenthian, un paradis devenu depuis très touristique. Et c’est tout le cas de conscience : nous avons contribué à faire connaître la destination mais a-t-on envie de briser le paradis ? En tous cas, les moyens qui nous avaient été accordés nous avaient permis d’inviter 30 journalistes et de totaliser 27h de télé (NHK, Euronews, Eurosport…). La Thaïlande, Cuba et d’autres pays étaient demandeurs. Et puis, en 2010, à Djibouti, la crise a commencé à frapper. Nous ne pouvions plus financer les 45 billets et séjours pour les journalistes. Sans parler des 60 participants. Après cela, la « crise » égyptienne : une chaîne d’hôtel nous a annulé au dernier moment. Les budgets se sont effondrés. On ne pouvait même plus payer les frais des petites amulettes de terre cuite. Il était temps d’évoluer !
D’autant plus que nous pouvions compter sur la FFESSM et le Cabinet Lafont, partenaires depuis toujours. Et Beuchat et Scubapro qui sont les marques qui nous soutiennent le plus. Et le Vieux Plongeur à Marseille. Sans oublier Osman Ersen, ex patron de Blue Lagoon/BlueWord jusqu’à ces derniers temps et qui a toujours été un moteur..
Alors nous avons lancé dans un premier temps Fun Explorers. Une chasse au trésor mais naturaliste cette fois. Il s’agissait pour une destination donnée de reconnaitre et de photographier le plus d’espèces présentes sur les plaquettes fournies. Moins facile qu’il n’y parait… Et puis, tous les ans depuis 2018, en partenariat avec le DOT des Philippines, c’est “l’enquête naturaliste aux Philippines” qui rencontre un franc succès.
Infatigable ambassadeur de la plongée-loisir, Daniel rentre tout juste des Philippines, d’Oman et du Liban… Quant au prochain départ ce sera… aux Philippines bien sûr !
Propos recueillis par Francis Le Guen