Définition
Nom générique d’une cavité, noyée ou non. Grotte pariétale, d’eau douce, marine, de lave, de glace : la plongée en grotte, dans toute sa variété, est devenue synonyme de plongée-spéléo.
Synonymes
Caverne | Cavité | Tunnel | Anfractuosité | Auvent | Abri sous roche | Trou | Cave | Cueva | Höhle…
Entrée
Cette grotte est soit emplie d’eau douce, rivière souterraine noyée sous pression, sujette à courants ou, dans le cas qui nous intéresse, d’eau de mer, siège cette fois du ressac, une autre forme alternative et salée du courant… Quoi de plus basique qu’une “grotte” ? Nous savons tous qu’il y a parfois anguille sous roche et même, le plus souvent (c’est un des berceaux de l’humanité) abri sous roche. La vallée de la Dordogne compte quantité de ces “abris”, surplombs formés le long des rivières lors d’anciens niveaux fluviaux, de développements souvent modestes, leur intérêt spéléologique étant inversement proportionnel à leur intérêt archéologique. Car nos grands pères vivaient dans ces abris, protégeant leurs arrières, avec vue sur l’horizon. Les premiers taggeurs sévissaient d’ailleurs dans les grottes… Mais laissons là ces “grottelettes” et autres chantoirs des terrains calcaires, ces antres, ces gouffres, ces abîmes, ces sources, fontaines et autres réseaux noyés, terrain de jeu des spéléonautes pour d’autres grottes mieux connues des nuées de plongeurs “en mer” : les grottes marines, emplies d’eau de mer, qui s’ouvrent souvent à ras de l’eau, dans le flanc de nos massifs côtiers. Mais parfois aussi en profondeur, comme la célébrissime grotte Cosquer.
Tout dépend en effet de leurs origines ou, pour faire savant, de leur spéléogénèse. Soit il s’agit d’anciennes grottes “karstiques” creusées par l’action de l’eau douce, puis exondées, puis enfin noyées d’eau de mer lors de la remontée de celle-ci aux dernières déglaciations (+ 150m en Méditerranée) comme par exemple la grotte Cosquer sus-citée mais aussi la grotte des Trémies des calanques de Cassis, ou les grottes marines du Capo Caccia de Sardaigne, dont l’exploration fut racontée dans mon livre Narcoses. Ainsi en est-il également des trous bleus aux Bahamas ou au Bélize, ou des cénotes du Mexique re-noyés souvent, eux, d’eau douce superficielle.
Plat
Soit ce sont d’authentiques grottes marines, creusées par la mer sur le littoral, souvent à la faveur d’une faille dans la roche. Ce qui explique qu’elles sont souvent de forme assez simple et de faible dévellopement, raison de leur succès chez les plongeurs autonomes qui apprécient leur apparente “facilité” tout en goûtant un peu le frisson de la plongée tellurique. Une entrée donnant sur un court tunnel suivi souvent d’une remontée à l’air libre ou d’une traversée : presque chaque site de plongée du monde possède “sa” grotte, abondamment fréquentée, hélas avec le matériel de plongée “standard”, qui est dans la plupart des cas largement sous évalué et “accidentogène” même et surtout guidé par le “propriétaire” des lieux qui la connait “par coeur”…
En effet, toute plongée “sous plafond” ne devrait être entreprise que par des plongeurs ayant reçu une initiation et une formation à la plongée souterraine, avec un matériel adapté (redondance des sources d’air et de lumière, entre autres) et des techniques spécifiques (gestion du stock d’air, utilisation du fil guide, progression sans visibilité). L’apparente simplicité de la topographie de ces grottes cache bien souvent des pièges qui peuvent être mortels.
Cette topographie dépend en effet surtout de la roche où elles sont établies. Dans le granite, comme aux Lavezzi en Corse ou sur la côte nord de la Bretagne par exemple, ce sont souvent des chaos de blocs et d’énormes galets déterminant dans leur empilement de courts tunnels et des traversées qu’il est plaisant de fréquenter.
On connait d’autres grottes marines dans le schiste, qui se développent jusqu’à un cul de sac, souvent en ligne droite dans le prolongement d’une faille inclinée comme à Morgat, en Bretagne. Idem à ras des côtes calcaires où s’exerce la force érosive de la mer toujours recommencée. On connait aussi ces grottes dans les grès, comme ceux du Trayas des côtes méditerranéennes, et même dans le conglomérat, dont les grottes qui traversent le massif de l’aigle à Figuerolles près de La Ciotat, comme l’antre de Gaméou (voir la vidéo) sont un bon exemple de complexité.
On en trouve aussi dans le basalte comme la grotte de Buracona sur l’île de Sal au Cap Vert, tunnel de lave refroidi et ennoyé d’eau salée. Mais aussi et surtout au sein des massifs coralliens, empilements sur des épaisseurs considérables d’êtres vivants qui se transformeront plus tard en roche calcaire, corail qui ménage souvent des canyons et des grottes fantastiques parfois de très grande taille et de dévellopement respectable comme dans les platiers de l’île Rodrigues dans l’Océan Indien où dans les massifs fleuris des Fury Shoals en Mer Rouge…
Fracassés sur les parois
En dehors des imprudences classiques commises dans ces grottes marines faussement débonnaires il est des dangers auxquels on ne pense pas forcément. Le profil de la plongée d’abord, aboutissant souvent en surface dans quelque cloche décorée et interdisant parfois le retour, comme nous l’expliquions dans l’article sur la manœuvre du Valsalva. Mais aussi la houle et le ressac, genre de courants auxquels on est bien peu préparés sous terre…
Australie du sud. Nous plongeons au bord de la terre, depuis un platier de coralligène qui donne directement sur le bleu profond du Pacifique. Un tombant vertical et scoriacé qui se retrouvera émergé par la marée à la fin de la plongée, formant sur des kilomètres une falaise de plusieurs mètres, noire, coupante et dégoulinante, pratiquement infranchissable. Mais ceci est une autre histoire… Pour le moment nous nageons de guingois, de gauche à droite, au gré de l’enroulement des grandes algues avant que le mouvement s’inverse. Rouge profond, vert fluorescent, tous les bruns, mousses végétales de toutes formes et toutes couleurs où se cachent tant d’espèces que nous n’avions jamais vues : “blue devil”, genre de mérou bleu tacheté de violet à l’entrée de son trou ; gueule carrée des requins “Port Jackson” ; mimétisme et camouflage des “Wobbeegong sharks” à la robe de cachemire, serpentant sur le sable coquillier au milieu des coquilles Saint-Jacques oranges et des ormeaux noirs.
Vers la fin de la plongée nous repérons dans la falaise engloutie la bouche noire d’une grotte tentatrice et nous y engageons sans hésiter. Il reste de l’air. Juste ce qu’il faut pour une petite reconnaissance en respectant les réserves de sécurité. Je tire un fil nouveau entre les parois scoriacées, dans le bleu qui noircit. Le sol est une rivière de sable blanc, striée de dunes. Des boules d’algues rouges, détachées, y flottent d’avant en arrière, métronomes silencieux. Nous suivons le conduit sur la gauche, puis il vire à droite, diminuant de moitié de taille… Protégés par la grotte, nous ne ressentons plus cette houle génante qui nous baladait tellement à l’extérieur. Et soudain, c’est comme un coup de canon : nous sommes précipités en avant, rebondissants sur les parois, culbutés sur des mètres au milieu des volutes de sable tandis que la pression sur les tympans devient insupportable. La tête tourne, j’ai lâché le dévidoir… Et nous repartons dans l’autre sens, nous cramponnant comme nous pouvons pour éviter d’autres dégâts avant une autre détonation et tout recommence. Avons nous recoupé une autre galerie où l’océan s’engouffre en furie ? L’effet Venturi dû au rétrécissement du conduit y est-il pour quelque-chose ? Plus probablement il s’agit de vagues scélérates cachées dans cette longue houle du Pacifique, venues terminer leur course dans cette cavité où nous nous sommes imprudemment engagés…
La place nous manque ici pour expliquer comment nous avons réussi à échapper au piège ; tout au plus emprunterons nous la célèbre formule des feuilletonistes du 19ème siècle (dont le héros se retrouvait enchaîné, menotté, noyé sous cent pieds d’eau et de glace dans une caisse pleine de serpents venimeux… avant “la suite au prochain numéro”) : “Quand nous nous fûmes tirés de ce mauvais pas… nous continuâmes nos aventures, comme si de rien n’était”. Blague à part, ce problème des coups de houle dans les grottes marines est à prendre très au sérieux et il a déjà coûté la vie à plusieurs plongeurs engagés dans des grottes sous-marines en Californie et qu’on a retrouvés fracassés sur les parois du conduit…
Dessert
Presque toutes nos côtes et calanques possèdent leur “grotte bleue”. En Espagne, en Grèce, en Sardaigne et jusqu’en Nouvelle Calédonie, elles enchantent leurs aventureux visiteurs. Aussi est-il bien difficile de définir “la plus belle” ou “la plus connue”. Quant aux premières explorations je ne serais pas surpris qu’elle remonte aux néanderthaliens voire bien avant, tant l’homme a le virus de l’exploration chevillé au corps. La plus célèbre en tous cas et qui a traversé et inspiré l’histoire est la fameuse grotte bleue de l’île italienne de Capri (non, ce n’est pas fini…)
Elle fut utilisée comme piscine privée et temple marin par l’empereur Tibère de la Rome antique dès 27 avant Jesus Christ. A cette époque elle était décorée de statues et sertie de banquettes de repos. C’est en 1964 qu’on a retrouvé sous les eaux turquoises trois statues de dieux marins romains : des Neptunes et Tritons exposées au musée d’Anacapri. Mais il reste à en découvrir au moins quatre puisqu’en 2009 on a mis à jour sept socles des dites statues… Elle a été décrite d’abord par Pline l’ancien puis fut redécouverte et exploitée pour le public en 1826 et rencontra aussitôt un vif succès. On y entrait en barque par un bas soupirail qui débouchait dans une nef bleue faseyante de soleil refroidi. Lieu romantique qui inspira les peintres, les musiciens et même les écrivains : Le grand Mark Twain lui même visita la grotte en 1869 et le raconta dans son livre “Le voyage des innocents”…
A très bientôt pour une nouvelle définition du Scuba Bécédaire. Le lexique irrévérencieux de la plongée, mais pas seulement. Parce que des fois…
Francis Le Guen
Café
Bel exemple de grotte marine : la traversée de l’antre de Gaméou dans la calanque de Figuerolles à La Ciotat : c’est à côté ! Enfin, tout dépend d’où on part…
Et puis, bonus, comme son nom l’indique. Parce qu’on aime les grottes. Et les femmes. Ou l’inverse. Ou les deux. Bref !