Casque Siebe & Gorman de plongée professionnelle à l’Ecole Nationale des scaphandriers.
Définition
Comme son nom l’indique, le masque est constitué d’une jupe en silicone ou caoutchouc pour faire étanchéité avec le visage et d’un cadre portant une ou deux vitres, corrigées pour la vue ou non. L’espace d’air ainsi créé devant les yeux permet une vue plus ou moins normale sous l’eau. Quand à la sangle elle sert à tenir le masque en place et, souvent trop serrée chez le débutant, aboutit à ce fameux regard exorbité et ces marques tenaces : “Ah ! Tu as été à la piscine ?”
Synonymes
Lunettes de plongée | Casque | Araignée |
Entrée
Pas de plongée sérieuse sans masque ! Cet accessoire aujourd’hui banal a été l’aboutissement de mises au point assez chiadées comme expliqué à la fin de cet article, dans la partie “historique” toujours très fouillée…
En effet, “sous l’eau, la vue c’est la vie”. Même si nous avons tous fait l’expérience de plonger sans masque et d’ouvrir les yeux sous l’eau : on y voit, certes, mais flou ! Sans parler des irritations et autres conjonctivites quand l’expérience se prolonge.
Alors bien sûr, on s’est déjà retrouvés les yeux dans l’eau au cours des sadiques entraînements “d’embout – lunettes” et autres arrachages de masques, les yeux plissés façon taupe à tâtonner sur le sol à la recherche du précieux accessoire avant de le remettre en place et de procéder au fameux “vidage de masque”, le b. a.-ba de la technique de plongée.
Une opération qui semble un peu magique quand on débute… C’est mouillé mais sec ; c’est sous l’eau mais avec une bulle d’air ; on n’y voyait rien et voilà que c’est le cinémascope !
Il existe un nombre incalculable de masques de plongée. Peu à peu, le caoutchouc noir qui était la règle a cédé la place à des silicones transparents ou opaques de plus ou moins bonne facture en terme de résistance aux intempéries et surtout au soleil. Combien de marins, combien de capitaines ont retrouvé leur masque fondu dans un coin du sac, ayant capturé dans sa gangue morveuse un ordinateur, compas ou autre instrument hors de prix ?
Plat
Plus personne n’y fait vraiment attention aujourd’hui à cet accessoire encore qu’on entende encore sur les bateaux le piteux “j’ai oublié mon masque !” avant LA plongée décisive sur L’épave… Au pire, c’est la plongée annulée, passée à vomir dans la houle pendant que les copains photographient LE Mola-Mola géant. Pour ma part, j’ai toujours rangé le masque dans le chausson de la palme : une bonne protection et il n’est plus possible de l’oublier.
En cas de casse ou de perte sous l’eau, c’est la remontée assistée, dans le flou mais tout droit vers le haut. Mais il n’en va pas de même chez les spéléonautes pour qui la perte d’un masque, ce qui a plus de chance d’arriver sous terre, est un drame qu’ils peuvent payer de leur vie. Aussi ont-ils pris l’habitude d’y appliquer le principe de redondance et d’en emporter deux. J’avais l’habitude d’emporter mon deuxième masque, de petit volume, dans la “trousse de secours” à la ceinture ou dans la poche de cuisse ; mais certains portent un autre masque directement sanglé sur le casque, entre les lampes, regardant vers l’avant ou l’arrière. Troublante ubiquité pour tenter de prévoir l’avenir…
C’est dans une île perdue des Philippines que j’ai rencontré, lors d’un tournage d’un épisode des “Carnets de Plongée”, les Tagbanuas, peuple de pêcheurs qui chassaient sous l’eau avec des “palmes” rondes en bois et des lunettes de plongée du même métal. Et des vitres récupérées sur des flacons de plastique ou taillées dans des fonds de bouteille de verre !
Comment l’ensemble parvenait à être étanche reste pour moi un mystère mais force est de constater qu’ils chassaient profond, longtemps et faisaient mouche à chaque coup de leur “arbalète” archaïque dont la seule description risquerait d’entacher le bon fonctionnement…
Il existe d’autres façons de voir sous l’eau qui étendent ce concept du masque : cet aquarium dont vous êtes le poisson ! Je veux parler des casques qui étaient d’ailleurs bien antérieurs. Depuis les casques de bronze et de cuivre munis de quatre hublots plans jusqu’aux casques lourds des scaphandriers professionnels d’aujourd’hui, munis de tout le confort moderne…
Un petit mot sur le casque Lama, un alien du genre constitué d’une seule bulle de methacrylate permettant un angle de vue inégalé. Il se trouve que j’avais fait la connaissance de son inventeur, génial “professeur Tournesol” qui nous en prêta plusieurs modèles pour nos expéditions.
Il faut dire que nous l’utilisions surtout pour son “look” de “Tintin sur la Lune”, pour continuer dans l’univers d’Hergé, et que sa forme hémisphérique rétablissait une vision sous-marine “normale” par rapport au hublot plan des masques qui grossissait et donc rapprochait tout. Si bien qu’au début, lors des tests en piscine, je ratais systématiquement le mur carrelé ou je voulais m’accrocher, celui-ci ayant reculé d’un bon mètre !
Quand au masque, c’était le « Super Compensator », toujours fabriqué aujourd’hui à Marseille !
Au début, quand j’ai commencé, ou chez Cousteau, le masque était un large hublot, aquarium inversé ouvert sur la mer et c’était tout ! Le nez au milieu de la figure et en tout cas enfermé dans le masque était inaccessible au doigts des “touche à tout” et l’équilibrage des oreilles devait être maîtrisé sans cette détestable habitude de se triturer le tarin… Puis sont apparus les systèmes “pince nez”. La pub de l’époque (à retrouver sur le site Beuchat) est délicieusement rétro et je ne résiste pas au plaisir d’en publier un extrait :
« Plongeurs, économisez vos tympans, évitez une surdité prématurée. Pour plonger plus profond, plus vite, un seul masque : Le Compensator. Malgré l’efficacité incontestable du matériel de plongée moderne, un problème d’importance primordiale restait à résoudre : le mal aux oreilles bien connu des plongeurs. En effet, suivant l’état physiologique des sinus, il est malaisé sinon impossible d’équilibrer la pression extérieure de l’eau par une contre-pression intérieure sans l’obturation parfaite des orifices nasals, orientant l’air vers les trompes. La difficulté d’occlusion des narines soumettant les tympans du plongeur à des surpressions prolongées, provoquait des lésions, et des éclatements, entraînant souvent une surdité partielle.
Pour compenser sans difficulté, il fallait obtenir un accès facilitant le pincement de nez, tout en conservant les avantages, d’étanchéité, de visibilité et d’esthétique du masque à hublot elliptique incliné. La société Beuchat tenant compte de ces principes a réalisé le masque panoramique Compensator comportant deux bossages de part et d’autre du nez, étudiés de manière à permettre un pincement aisé et efficace. De plus au cours des plongées en eaux froides, le nez ne se trouve pas enfermé dans une cellule réfrigérante au contact des parois de caoutchouc glacé, mais enveloppé d’air comme dans tous les masques à hublot elliptique actuels. En pêche libre, comme en scaphandre autonome, les plongeurs chevronnés et débutants peuvent grâce au « Compensator », augmenter rapidement leurs capacités sous-marines en plongeant plus profond, plus vite, sans souffrance ni fatigue inutile de leurs tympans ».
Ayant toujours été un adepte de la béance tubaire volontaire, je n’ai jamais eu besoin de ces évents pour compenser les tympans mais, je le reconnais, dans les prémices adolescents de ces premières immersions, se boucher le nez de cette façon, qu’est ce que ça faisait « pro » !
Dessert
Alors qui a inventé le premier masque ? On trouve encore mention ici et là des écrits d’Aristote et de savants arabes qui rapportaient que jadis les plongeurs descendaient avec une éponge imbibée d’huile d’olive entre les dents ce qui améliorait leur vision sous-marine et faisait office de masque. Sacrés urinatores ! L’explication serait que l’huile relâchée à la descente formerait un film en surface d’un indice de réfraction différent, suffisant pour voir sous l’eau. Une belle fausse interprétation ou une erreur de traduction tenace pour qui a déjà un tant soit peu mis la tête sous l’eau ! Il y faudrait des litres d’huile. Et une éponge de taille rédhibitoire. A part vomir, je ne vois pas…
De tous temps, les premiers chasseurs sous-marin ont bricolé leurs équipements, arbalètes, palmes et bien sûr masques. En bois, en chambre à air, intégraux ou binoculaires, munis de vitres de vision fixées avec plus ou moins de bonheur… L’histoire a gardé l’invention des “lunettes Fernez” mises au point par l’industriel Maurice Fernez vers 1915. Ce dernier ira plus loin en fabricant un appareil respiratoire destiné aux pêcheurs d’éponges et de corail en Méditerranée. Juste un pince-nez et un embout buccal rattaché sous l’eau au tuyau du pompage manuel d’air en surface, et qui laisse une grande mobilité aux plongeurs, puisqu’il est dépourvu du casque et de l’encombrante combinaison des scaphandres Rouquayrol-Denayrouze.
C’est lors de l’Exposition industrielle et technique de 1925 à Paris que le commandant de la Marine Yves Paul Gaston Le Prieur découvre l’engin et qu’il a l’idée d’y adapter une bouteille d’air comprimé. Les deux hommes s’associent et fabriquent un engin qui permet d’être à la fois libre sous l’eau et indépendant de la surface. Le scaphandre autonome Fernez – Le Prieur est breveté en 1926.
Le Prieur en fera la démonstration lui-même en 1934 en plongeant dans l’aquarium du Trocadero. Il fallait ouvrir la bouteille “à la demande” et l’air arrivait dans un masque intégral, l’excédant s’échappant par la jupe…
Peu après le russe Alec Kramarenko déposait un brevet pour un masque avec un tube respiratoire à valve interdisant l’entrée d’eau dans le tube, l’ancêtre du tuba. Deux poires situées sur la partie supérieure du masque permettaient d’éviter le placage sur le visage en profondeur et donnaient à l’ensemble un “look” de Mickey inoubliable….
C’est en 1939 que le docteur Christian James Lambertsen, en charge du dévellopement de recycleurs pour les plongeurs de l’US Navy et des Coast Guards, dessina un appareil de plongée à oxygène pur top secret baptisé SCUBA (pour Self-Contained Underwater Oxygen Breathing Apparatus) et qui incluait un masque facial. Il n’était utilisable qu’à faible profondeur en raison de la toxicité de l’oxygène sous pression mais c’était suffisant pour ces premiers plongeurs de combat…
A très bientôt pour une nouvelle définition du Scuba Bécédaire. Le lexique irrévérencieux de la plongée, mais pas seulement. Parce que des fois…
Francis Le Guen
Café
Et si le coeur vous en dit, une petite plongée vintage avec la russe Olga Levitskaya, les yeux en face des trous…