Définition
Tuyau plus ou moins long fournissant des gaz respiratoires à un plongeur au travail et relié à l’autre extrémité en surface, au choix et selon les moyens, à une réserve de gaz comprimé, une pompe actionnée manuellement ou un compresseur d’air plus ou moins enrichi d’huile brûlée.
Synonymes
Narguilé | Hookah | Chicha | Calumet | Pipe à eau. Encore que dans ces derniers cas, les synonymes n’aient rien à voir avec la plongée qui nous occupe mais plutôt avec l’emphysème, le cancer du poumon et autres extases glougloutantes…
Entrée
Historiquement, le narguilé était donc le nom que les scaphandriers donnaient au tube qui les reliait à la surface et qui leur fournissait l’air dont ils avaient besoin pour respirer sous l’eau. Du moins tant que les préposés à la pompe continuaient de pomper avec régularité, justement. Coup de pompe naturellement interdit.
Bien après l’époque des scaphandriers pied lourd, ce concept fut généralisé et employé par d’autres générations d’hommes sous la mer, notament par les scaphandriers professionnels (eh oui, ils gardèrent le nom) qui ne portent sur le dos que des bouteilles de faible capacité en secours, leur permettant tout juste de regagner leur tourelle sous pression, étant reliés à celle-ci par un câble de vie appelé également ombilical et qui amène souvent aussi, en plus des gaz respiratoires, le chauffage, l’eau chaude, le téléphone et tout le confort moderne. Il en va de même des pêcheurs “des mers du sud”, de perles et autres éponges, en Indonésie, aux Philippines, dans les Emirats Arabes, en Polynésie, principalement pour des raisons d’économie : un masque en général intégral, des palmes bricolées et le fameux tuyau amenant en débit continu au plongeur l’air d’un poussif compresseur pétaradant sur la pirogue.
De même sur l’Amazone, me racontait le regretté Stéphane qui fit partie de notre équipe et qui fut chercheur d’or au Brésil, plongeant à plus de 20 mètres dans la boue du fleuve, sans visibilité, maniant à tâtons la suceuse dans le courant, relié à la barge comme des dizaines d’autres plongeurs par un fragile tuyau. Tout l’art consistait à ne pas coincer l’ombilical dans une épave d’arbre, un rocher et à éviter de se faire trancher le tuyau par un collègue jaloux ou mal luné. “Tous les mois il y en avait qui ne remontaient pas”…
Plat
Il fallait bien que nous y passions aussi, au narghilé… Dans ces années quatre vingt, nos incursions dans les eaux de la terre devenaient de plus en plus lointaines et profondes, occasionnant dans la vasque d’entrée des paliers de décompression qui se comptaient en heures. Il fallait agir. J’avais pris rendez-vous avec Jean-Claude Lepechon qui mettait au point les tables de décompression pour les plongeurs de la DORIS, une grande société de plongée offshore d’alors, établie sur les berges de la Seine. C’est lui qui m’apprit comment réduire drastiquement la durée des paliers en respirant de l’oxygène pur à 3 m, 6 m et au delà…
Sous réserve de disposer d’un “narguilé d’oxygène pur”. Nous nous étions donc procuré une bouteille acier de vingt litres d’oxygène médical munie de son détendeur avec ses deux manomètres en oreille de Mickey, relié à 20 mètres de tuyau armé pour résister à la pression et aux pliures, au bout duquel nous avions monté un deuxième étage de détendeur Comex dûment dégraissé. Ainsi se passaient désormais nos paliers dans la saveur hospitalière de l’oxygène pur et l’insouciance de la jeunesse…
La langue bien pendue
Je ne sais plus qui attira mon attention sur la nécessité absolue de placer un clapet anti retour entre le deuxième étage et l’extrémité du tuyau immergé. En effet, en cas de déclampage intempestif ou rupture du tuyau en surface, la dépression aurait été suffisante pour nous arracher la langue et ce qui suit, le tout remontant dans le tuyau. On connaissait des accidents de ce type, du temps des scaphandriers. Le fameux “coup de ventouse” qui réduisait le plongeur à une bouillie rosâtre dans son casque, les pieds à la hauteur du cou, mais ceci est une autre histoire…
Beaucoup plus tard, un narguilé beaucoup plus orthodoxe, branché sur une bouteille restée en surface fut utilisé pour explorer une galerie dans les catacombes de Paris. Des conduits tellement étroits que même la taille des bouteilles de plongée devenait un problème. C’est en effet dans les passages étroits que la technique du narghilé prend tout son sens. Et ceci me rappelle une anecdote lors de mes tous débuts où nous faisions partie d’un club parisien, au sein de ce qu’il faut bien appeler une équipe de fous furieux. Avec un palmarès élogieux correspondant à la prise de risques consentis. Assoiffé de “première” l’un d’entre nous s’était attaqué au réseau noyé d’Yport dans la craie de Normandie. Au fond du puits de captage, la galerie naturelle noyée, tapissée de rognons de silex noirs et acérés et ressemblant à une “peau de hérisson retournée” était tellement petite qu’elle permettait tout juste le passage d’un corps de plongeur sans bouteilles. Ces dernières étaient tractées grâce à une corde, derrière les palmes, alimentant le plongeur par un narguilé serpentant le long du corps. Quand au dévidoir de fil d’Ariane, trop gros, il avait été abandonné, remplacé par un petit fusil sous marin visant le noir. La flèche décochée, il suffisait de suivre ce fil précurseur pour gagner quelques centimètres sur l’inconnu.
C’est ce même plongeur intrépide qui s’attaqua au terminus de la source de l’Orbiquet dans le Calvados où nous avions mon frère et moi exploré et topographié 400 mètres de galerie noyée. Cette zone terminale devenait étroite et ébouleuse si bien que pour avancer, il fallait dégommer les parois de craie friable à l’aide d’une longue perche. Cette courageuse tentative avait due être abandonnée peu après quand le plongeur de pointe s’était rendu compte qu’il faisait s’effondrer des pans entiers de galerie derrière lui, creusant pour ainsi dire sa propre tombe… C’est dans cette zone qu’a été découverte la suite du réseau, exploré aujourd’hui sur plus de 1200 m au delà d’un dixième siphon par Pierre Eric Deseigne.
Dessert
La première utilisation répertoriée du concept de narguilé remonte à l’année 1820 suite à l’invention en Angleterre par les frères Charles et John Deane d’un scaphandre, non pas pour aller sous l’eau mais pour résister aux fumées d’incendie. Une idée qui fut reprise en 1827 par l’ingénieur anglais d’origine allemande Augustus Siebe et transformée dès l’année suivante en scaphandre “pied lourd”, avec le succès que l’on sait.
Des scaphandres qui équipèrent les plongeurs pionniers qui participèrent aux fouilles sous-marines du HMS Royal George, plus grand vaisseau de guerre du monde au moment de son lancement en 1756 et qui coula au cours d’une manœuvre de routine alors qu’il était au mouillage à Portsmouth le , causant la mort de plus de 800 personnes à bord…
A très bientôt pour une nouvelle définition du Scuba Bécédaire. Le lexique irrévérencieux de la plongée, mais pas seulement. Parce que des fois…
Francis Le Guen
Café
Une vidéo déjà ancienne d’un système de plongée au narguilé alimenté par compresseur de surface. Démonstration par l’inimitable Patrice Vogel, patron du légendaire et regretté magasin marseillais “Au vieux plongeur“.