Ce billet est un peu à la frontière de mon blog mais la photo sous marine c’est aussi chercher des sites de plongées pour dénicher de bons sujets.
N’étant jamais allée aux Philippines, un seul lieu venait à moi : quoiqu’il arrive, j’irais en premier à l’est de cet archipel. Un lieu quelque peu anonyme et en dehors des sentiers battus, qui cache bien ses petites créatures, telle était la description que m’avait laissée des plongeurs autrichiens.
Il n’y a pas de bar, de pizzeria, de discothèque pour les touristes mais des écoliers qui vous regardent timidement en pouffant de rire, des pêcheurs qui partagent leur port la nuit avec les quelques centres de plongée le long d’un récif corallien.
Après avoir visité d’autres spots à travers les Philippines, mon coup de coeur restera Sogod bay dans la province sud de Leyte.
Se rendre à Sogod Bay
Pour s’y rendre, il faut aimer le voyage et ses petits aléas. Après avoir pris un ferry de Cebu City vers un des ports de la province de Leyte, il faut ensuite emprunter la route pour se rendre à Sogod Bay. Compter environ 6 heures de transport au total. Les philippins prennent le ferry comme un parisien le métro enfin presque. Les gens osent se regarder dans les yeux, on tchache, on mange et on a le droit de sourire 🙂 Les uns sont allongés sur des couchettes, d’autres regardent d’un air médusé le blockbuster dans la salle climatisée de la caféteria et ils ont en commun de ne pas voyager léger puisque de gros sacs plastiques colorés bien remplies de vivres (dont des boites de beignets :)) reposent à leur pied.
Justement des porteurs au départ et à l’arrivée des ferrys peuvent vous aider à transporter vos bagages.
La province Sud de Leyte, c’est bien la campagne, des buffles dans les rizières, de petits étales de fruits et de poissons le long de la route qui nous mène à Padre Burgos. Pour autant les routes sont en bon état, souvenir de l’occupation japonaise pendant la seconde guerre mondiale. Il y a peu de voitures particulières, quelques Pedicab (moto équipée de toit et de sièges latéraux et arrières pouvant transporter 4-5 personnes et quelques poules) et des Jeepneys genre de jeep minibus colorés sur lesquelles s’expriment parfois des talents artistiques.
On s’assoupit dans le taxi et puis on se réveille le regard embrumé, ne sachant plus trop bien si c’est un songe ou une réalité, tant le décalage horaire et le manque de sommeil nous font perdre nos repères temporels. On se délecte du paysage matinal et apaisant que nous offre la route côtière bordée de cocotiers et au détour d’un virage, le taxi s’arrête devant une petite pension bien fleurie. On traverse la salle qui fait office de réception, bar, salle à manger, salle TV pour se retrouver sur la petite terrasse avec une vue imprenable sur un très large bras de mer où se distingue au loin les collines vertes de l’île de Panaon.
En avant la macro !
Les divemasters sur la plage s’affairent à préparer le matériel pour la prochaine sortie. Un peu impatient de découvrir les fonds, on se dépêche de sortir le matériel de plongée. C’est parti pour une plongée devant le centre en suivant un courant assez faible. Même si la visibilité est moyenne, il y a de superbes éponges barriques aux formes alambiquées ou aplaties, des patates de corail recouvertes d’alcyonnaires orangées et du corail fouet rouge, un banc de carangues là, un banc de gâtrins la bàs, des poissons scorpions se dissimulent dans le corail dur, des flabellines si petites qu’ils me faut 2 lentilles macro et un guide au petit soin pour nous dénicher des bestioles qui me feront faire des «ahhh! ohhh!» sous l’eau.
Quand on est passionné, on a tendance à ne pas compter n’en déplaise au banquier. Alors les prochaines plongées dureront au minimum 70 minutes.
La vie nocturne d’un port philippin
Pas encore rassasiée pour cette première journée, on veut faire la plongée de nuit de Padre Burgos. De drôles de bestioles auraient élu domicile sous le ponton. Cette plongée est permise seulement 3 fois par semaine et de nuit uniquement. Notre minuscule bus descend la colline pour arriver au ponton et dans la pénombre nous enfilons les gilets. Attention quand vous descendrez les marches, elles sont très glissantes. Quelques badauds s’attroupent autour du chauffeur pour lui demander d’où ils viennent ceux-là encore ?
Inutile de préciser que le profondimètre a tapé les 7 mètres mais c’est un plaisir de voir que des gorgones et des éponges ont colonisées les piliers du ponton. Il me faut un peu de temps pour reconnaître la tête de cet antennaire marron tant son camouflage est parfait. Une tribu d’hippocampes noirs s’alignent sur un vieux bras de ferraille et essaient déjouer la lumière de nos lampes. Tel un show, les rencontres se multiplient et on ne sait plus où donner de la tête, ici un crabe porcelaine, un uranoscope enfoui dans le sable, un couple de syngnathes semble dancer, un ghostpipefish robuste imitant le mouvement d’une algue. J’ai une liste de crevettes «shrimps to see and not to eat» sur laquelle figurent : la crevette tigre «Phyllognathia ceratophthalma» et la crevette plume ou Donald duck «Leander Plumosus». Notre guide a su dénicher ces deux minuscules crevettes (moins de 2 cm) dans le même habitat, riche en hydrozoaires. Il a été difficile de prendre des photos et j’en suis ressortie avec de légers érythèmes sur les mains. Je ne peux pas faire de liste exhaustive ici mais nous avons refait la plongée une deuxième fois dans la semaine. A la lumière et la musique des bars karaoké (attention c’est sérieux aux Philippines, ce sont de vrais mélomanes), nous regagnons notre micro bus et restons sans voix pour se remémorer toutes ces rencontres.
Il n’y a pas que des fonds sableux !
Les prochains jours seront faits de 3 plongées par jour où s’alterneront les plongées le long des tombants de Limasawa et de Napantao et les plongées muck l’après-midi et la nuit. J’ai particulièrement aimé les beaux tombants de Napantao où se mêlent les gorgones et les comatules aux teintes beiges et noires, des bancs de carangues passent le long du récif pour redescendre dans le bleu. Le haut du récif était aussi bien poissonneux et offre de belles scènes sous marines.
“Little Lembeh” aux Philippines
Intrigués par le nom d’un site de plongée, «Little Lembeh», en référence au site de plongée muck très connu du détroit de Lembeh en Indonésie, nous repartons dans le micro bus pour découvrir ce site qui est à 30 minutes par la route. Elle commence par 15 bonnes minutes de palmage sur un fond de sable très brun. Le doute alors nous gagne, il n’y a rien à voir, tout juste un crabe porcelaine et des crevettes symbiotiques logés dans une anémone. Mon regard et celui de mon buddy se croisent, perplexes. Simultanément, nos épaules se haussent et nos bras s’agitent. Bizarrement, le guide persiste et palme toujours. Et là les habitats d’hydrozoaires, comatules et des pennatules se multiplient, et c’est à nouveau un festival de créatures : juvénile d’antennaire, des nudibranches (flabellines, ceratosoma , chromodoris, …), une crevette popcorn «Hamopontonia corallicola», de belles crevettes periclimenes venustus , brevicarpalis et magnificus , encore une crevette Donalduck et une crevette tigre, des poissons fantômes robustes et un hippocampe jaune pour finir. La plongée n’aura duré que 98 minutes…
Cette plongée est très facile puisque peu profonde et particulièrement aisée pour les photographes, on pivote sur les palmes et on a tout le temps d’appréhender la créature et ses mouvements.
Plongée avec un requin baleine
Sogod bay se voit béni entre février et avril par la migration de requins baleines. Aucune garantie n’est donnée alors pour nager auprès de ces mastodontes des mers. Ici, ils ne sont pas nourris. Mais vous pouvez être sûr, que si vous les croisez, vous ne serez seulement que quelques personnes dans l’eau en bénéficiant d’une bonne visibilité. Et avec un peu de chance, vous les rencontrerez peut-être au détour d’une plongée. Nos plus belles plongées ne sont-elles pas celles où il y a une surprise ?
Conserver le corail en danger
Dans leur quête pour survivre et la méconnaissance des effets dévastateurs à long terme sur leurs ressources marines, les philippins ont dynamité beaucoup de récifs pour pêcher les poissons morts, flottant à la surface. Certaines années, le corail subit ici le réchauffement de l’eau et la prolifération de la corallivore étoile de mer « Acanthaster planci». La plupart des sites de plongée autour de Sogod bay sont des «Marine Protected Area» pour lesquelles les plongeurs paient une redevance. Il est interdit de pêcher dans ces zones et c’est un refuge pour de nombreuses espèces. La conservation des récifs coralliens est certes une question complexe qui ne passionne pas le monde politique. Mais le centre de plongée s’engage au jour le jour pour sa conservation, par le bouturage de corail ou des opérations pour freiner la dévoreuse étoile de mer.
3 commentaires
Salut Claire, C’est toujours bien de savoir ce qui se passe ailleurs et commet sont les avis et les ressentis. Super description et long compte rendu, et encore un bon plan à ajouter à la liste … !
Merci Claire pour ce retour détaillé!!!
Merci Claire pour ce formidable reportage.