Le requin marteau halicorne est un poisson appartenant à la famille des Sphyrnidae. Comme les huit espèces de cette famille, il est facilement reconnaissable à sa tête très aplatie dont les yeux se situent sur les côtés. Le bord d’attaque du rostre présente une encoche médiane bien marquée (1), flanquée de deux encoches latérales (2) qui donnent à l’ensemble un profil en dents-de-scie. Son corps va du gris pâle au brun sur le dessus, avec des reflets métalliques blanc cassé sur le dessous. La nageoire dorsale est triangulaire. Certaines populations sont sédentaires, d’autres migratrices. Les jeunes forment des bancs dépassant parfois une dizaine, voire des centaines d’individus. Les adultes vivent soit en solitaires soit en couples.
Habitat :
Le requin marteau halicorne est présent dans toutes les mers tropicales tempérées ou chaudes du monde. C’est le requin qui abonde le plus dans les zones côtières, mais il peut aussi être pélagique. Il vit généralement entre 15 et 60 mètres de profondeur, mais il peut descendre jusqu’à 250 mètres pour se nourrir.
Alimentation : C’est une espèce qui consomme toutes sortes de poissons. Il se nourrit aussi bien de céphalopodes que de crustacés, de raies que de petits requins.
Rencontres avec l’homme :
Plutôt craintif avec les plongeurs, il maintient généralement une zone de sécurité. Sa section interne est d’environ dix mètres et varie selon les situations. Un mouvement brusque de la part d’un observateur maladroit ou un simple cri dans son détendeur peut provoquer une fuite générale. C’est pourquoi il est primordial de respecter certaines règles lors des phases d’interaction.
Attitudes en présence de plongeurs :
Il n’existe pas de règles, sous l’eau dans les milieux sauvages. Il subsiste néanmoins des similitudes comportementales où les mêmes réactions sont observées en permanence. Soulignons à nouveau qu’il n’est néanmoins pas possible de normaliser l’attitude d’un animal. C’est sur l’étude des situations et des réactions de ces requins que nous allons développer l’analyse de l’interaction entre eux et les plongeurs.
Observation N°1 :
Les requins marteaux ne réagissent pas de la même manière selon les régions, leur âge et le nombre des individus. En effet, l’attitude sera différente selon que le requin est seul ou en bancs, qu’il est expérimenté ou novice en présence de plongeurs, ou qu’il évolue en eaux chaudes comme au Soudan ou froides comme aux Galápagos.
Observation N°2 :
Parmi les attitudes remarquées chez le requin marteau, nous retrouverons des relations de cause à effet directement liées au contexte de la rencontre :
– Le comportement du plongeur : calme, excité, intrusif, craintif, etc…
– La situation spatiale du plongeur : dans le bleu, sur le récif, dans une passe ou autre
– La profondeur du plongeur : au-dessus, au même niveau ou au-dessous du requin.
– La distance entre l’homme et l’animal.
NB : Le développement ci-dessous ne prendra pas ces critères en compte.
Observation N°3 :
Il reste aujourd’hui difficile de donner une appréciation générale du comportement de ce requin en fonction des situations car, évoluant à des profondeurs importantes et les plongeurs ne pouvant rester en sa compagnie que quelques dizaines de minutes, l’essentiel du développement ci-dessous est la synthèse d’observations quotidiennes pendant plusieurs centaines de plongées en sa présence seulement. Notons tout de même que plus les requins marteaux sont en supériorité numérique, plus les chances d’interaction sont grandes.
Requins marteaux solitaires ou bancs craintifs :
Le comportement :
Le(s) requin(s) reste(nt) à bonne distance, ne s’approche(nt) pas ou disparaît (disparaissent) dans le bleu.
Les causes probables :
– Plongeurs trop inquisiteurs, qui nagent vers l’animal ou descendent sur lui, par exemple.
– Première rencontre d’un requin inexpérimenté avec des plongeurs.
– Le requin n’aime pas être dérangé. Il choisit donc de rester sous la thermocline profonde.
Requins marteaux solitaires timides :
Le comportement:
Ils restent à bonne distance du plongeur et continuent leur route, pour rejoindre le banc par exemple ou bien tournent autour de la zone du plongeur sans briser leur cercle intérieur : c’est alors une pré-phase d’observation.
Les causes de cette timidité :
– Le requin n’aime pas être dérangé.
– Le requin se désintéresse du plongeur.
– Le requin est mal à l’aise en présence du plongeur.
Requins marteaux solitaires et bancs observateurs :
Le comportement :
Lorsque le banc se révèle curieux, il est possible d’interagir directement avec les requins au point d’évoluer à faible distance, au beau milieu du groupe. On peut se demander s’il ne s’agit pas alors d’une assimilation à la communauté de la part des requins…
Les causes possibles :
– Le requin recueille des informations grâce aux signaux envoyés par le plongeur.
– Le requin peut être un éclaireur en patrouille pour le reste du banc.
– Le requin peut être intrigué par un bruit méconnu.
Requins marteaux solitaires et bancs curieux :
Le comportement:
C’est le même que précédemment avec les bancs observateurs.
Les causes de cette curiosité :
– Prise de contact entre l’intrus, le plongeur, et le résident, si le requin vit sur cette zone.
– Le requin est attiré par le (des) bruit(s).
– Le requin peut être inquisiteur : avoir une attitude dominatrice par exemple.
– Le requin cherche à communiquer ou à jouer.
NB : Lorsque les requins marteaux sont en supériorité numérique, les chances d’interaction sont plus grandes.
Observation N°4 :
Outre les facteurs précédemment décrits, il existe également des phénomènes
naturels qui influent sur la rencontre.
– La profondeur : Le requin est-il au-dessus et domine la zone, au-dessous et observe la zone ou au même niveau que le plongeur, qu’il observe ?
– Le courant : Si le courant est fort, le plongeur a plus de chances de croiser les requins marteaux proches d’un substrat grâce à l’effet venturi que ce dernier procure. En revanche, s’il n’y a pas de courant, ils évolueront plutôt dans le bleu.
– Température de l’eau : Les requins marteaux privilégient des eaux comprises entre 18°C et 25°C . C’est la raison pour laquelle ils évoluent généralement sous la thermocline, c’est-à-dire sous les 20 mètres de profondeur dans les eaux tropicales, et à n’importe quel niveau d’évolution, proche de la surface et jusqu’à 40 et plus dans les eaux du Pacifique autour d’îles telles que les Cocos, Malpelo ou les Galápagos.
– Heure de la journée : En fonction des régions du monde, il sera plus facile d’observer ce poisson très tôt le matin au lever du soleil ou en toute fin de journée.
– Zone de rassemblement : Ces sites de plongée très spécifiques offrent l’opportunité de contempler les requins marteaux plus facilement. Ce sont des points de repère magnétiques qui aident l’animal dans sa migration. Les requins s’y rassemblent en fonction de la lune, montante ou descendante, des courants, chauds ou froids et de leur période de reproduction.
– Territorialité : Certains groupes de requins sont sédentaires entre les migrations, ce qui favorise les rencontres sur certains sites plus que sur d’autres.
NB :Répétons-le une fois encore, il n’existe pas de règles définitives et il suffit d’un requin pour réfuter les situations vues plus haut ! Cela dit, il persiste tout de même des habitudes observées régulièrement en présence de plongeurs.
Observation N°5 :
Malgré les facteurs, les causes et les phénomènes vus précédemment, il arrive parfois que l’animal tant recherché ne soit pas au rendez-vous. Cela peut être dû aux courants, aux heures d’immersion, à la température de l’eau, aux changements de lune, à une migration de la nourriture, aux divers rassemblements ou aux bruits engendrés par l’activité de la plongée.
Observation N°6 :
Les meilleurs endroits pour nager avec ce requin sont :
– Les Galàpagos, îles Darwin et Wolf (Equateur) – toute l’année
– Les îles Cocos (Costa Rica) – toute l’année
– Malpelo (Colombie) – toute l’année
– Layang Layang ( Malaisie) – périodiquement
– Ponto do Ouro ( Mozambique) – périodiquement
– Shaab Jumna, Sanganeb (Soudan) – toute l’année
Observation N°7 :
Quelle est la meilleure conduite à adopter en présence de ce requin ?
– Pour éviter toute panique, être préparé psychologiquement
– Pour ne pas surprendre l’animal par notre taille, adopter une position verticale pour paraître plus imposants et permettre à l’animal de connaître nos intentions.
– Faire le moins de mouvements possible, pas de gestes brusques, pas d’agitation.
– Faire le moins de bulles possible, éviter essoufflement et excitation.
– Ne pas utiliser de flash car ils peuvent effrayer l’animal.
– Ne pas rejoindre l’animal si ce dernier est plus en profondeur que nous, au risque de le faire sonder par rupture de zone interne.
– Si l’on n’est pas à l’aise, quitter la zone calmement.
– Enfin, laisser l’animal s’approcher si ce dernier accepte votre présence.
Récemment inscrit dans l’annexe II de la convention de la CITES, le requin marteau halicorne reste tout de même une espèce au statut menacé d’après l’UICN. Sa répartition géographique se trouvant être les zones côtières tropicales, il représente une proie facile pour les palangriers qui le pêchent pour ses ailerons. Malgré sa récente protection officielle, il reste extrêmement pêché et vulnérable.
Steven Surina
Steven Surina est moniteur de plongée en mer Rouge. À ce titre, depuis une décennie, il accompagne les croisières le long des côtes égyptiennes, soudanaises et érythréennes. Il a travaillé en partenariat avec la maison d’édition italienne “Magenes Editoriale” sur le projet d’un recueil de sites de plongées sur toute la mer Rouge égyptienne en tant qu’auteur et illustrateur. Il rédige un mémoire sur le comportement des requins océaniques en 2008 et fait distribuer dans les écoles égyptiennes des fascicules interactifs sur la protection et la préservation des requins.
C’est ainsi qu’il crée, en 2010, Shark Education qui propose des séjours plongée requin dont l’objectif est d’aider à mieux les connaître et les comprendre.
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