Par le Dr Mike Marshall
La plongée récréative est une activité agréable et divertissante – là est bien l’objectif. Mais il existe une marge subtile entre la recherche du divertissement et l’hédonisme. Sans un sens essentiel de la responsabilité et une bonne connaissance des risques, la plongée peut facilement succomber à une culture de la recherche effrénée du plaisir.
La plongée, tout comme la conduite, requiert un esprit clair et l’utilisation d’aptitudes techniques à tout moment. Il est dès lors peu judicieux de plonger sous l’influence de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes, tant pour le plongeur que pour son binôme. Passons en revue la réalité post-festive des immersions réalisées en proie aux fruits de la fermentation alcoolique ou d’autres substances intoxicantes.
ALCOOL
Il est bien connu que l’alcool altère plusieurs capacités mentales. La consommation d’alcool réduit notamment le temps de réaction, la vue, la concentration, la capacité de réaliser des tâches simultanées, le jugement et les capacités psychomotrices [1].
S’il semble peu probable qu’un plongeur expérimenté s’immerge en état d’ébriété, plonger le lendemain d’une soirée bien arrosée peut signifier se mettre à l’eau avec un taux d’alcoolémie significatif. Le foie a une capacité limitée de métabolisation de l’alcool, et celle-ci varie d’un individu à l’autre. Ainsi, même si le plongeur pense être parfaitement sobre et lucide, la réalité peut être autre.
Une étude menée sur des plongeurs récréatifs effectuant des plongées de premier niveau en faible profondeur a montré des altérations importantes des performances avec des taux d’alcoolémie supérieurs à 0,04 % [2]. Ces altérations ont été enregistrées sur bande vidéo et confirmées par des tests de sobriété ordinaires effectués « au sec ». Ces résultats ne sont pas inattendus, puisque des troubles cognitifs, notamment de l’attention et de la concentration, peuvent déjà être observés avec un taux d’alcoolémie de 0,02 % [3]. Ce qui est plus préoccupant, toutefois, est l’ignorance des plongeurs de l’étude quant à la réduction de leurs performances et au risque accru d’accident qu’ils encourent lors des plongées effectuées sous l’effet de l’alcool.
Une analyse de plus de 150 études portant sur les effets de l’alcool sur les performances cognitives a relevé une série d’observations ayant un lien direct avec le plongeur [4].
En voici quelques-unes :
- L’ingestion d’alcool, même en faible quantité, altère les performances – les effets peuvent être observés même après un seul verre.
- L’élimination de l’alcool du sang, à un taux d’environ 0,015 % par heure, n’est pas nécessairement proportionnelle à l’amélioration des performances cognitives.
- L’augmentation du temps de réaction et la diminution de la coordination suivent une courbe dose/réponse. En gros, plus on consomme d’alcool, plus ces fonctions sont altérées.
- Les personnes qui ont consommé de l’alcool sous-estiment systématiquement les effets délétères de la boisson sur leurs performances.
- L’alcool a davantage d’incidence sur les tâches requérant le maintien de plusieurs foyers d’attention (comme la plongée) que sur celles impliquant un seul foyer d’attention.
Outre les troubles neurocognitifs, l’excès d’alcool peut provoquer un certain nombre d’altérations physiologiques susceptibles de mettre le plongeur en danger. L’intoxication alcoolique aiguë peut entraîner des troubles du rythme cardiaque et une réduction de la capacité du cœur à pomper le sang. Il s’agit d’effets suffisamment préoccupants en soi pour ne pas y ajouter des complications telles que la réalisation d’un effort physique ou l’immersion dans un environnement sous-marin. L’alcool peut en outre augmenter directement le risque d’accident de plongée. En effet, la déshydratation, conséquence habituelle de l’excès d’alcool, est un facteur de risque connu de la maladie de décompression (MDD). L’alcool augmente également la perte calorifique en dilatant les vaisseaux sanguins, ce qui peut entraîner une hypothermie sous l’eau.
Les plongeurs en proie aux effets de l’alcool sont également plus sujets aux nausées et aux vomissements pendant la plongée, ce qui, outre ruiner la plongée, peut entraîner une déshydratation, des troubles de l’attention et un risque accru de remontée rapide et incontrôlée, autant de facteurs de risque connus des accidents de plongée.
Enfin, comme c’est le cas des autres substances analysées dans cet article, l’alcool peut rendre plus difficile le diagnostic des problèmes médicaux liés à la plongée. Sous l’eau, les effets soporifiques d’une intoxication aiguë à l’alcool sont indiscernables des signes de la narcose à l’azote. Par ailleurs, de retour à la surface, les manifestations courantes de l’intoxication alcoolique (notamment l’incoordination, la somnolence, la nausée et le mal de tête) peuvent imiter ou masquer les signes de la MDD et retarder son diagnostic ainsi que son traitement, ou encore entraîner des interventions médicales non nécessaires.
DROGUES DE CLASSE A ET DE CLASSE B
Selon des recherches menées par le Diving Diseases Research Centre (Centre de recherches sur les maladies liées à la plongée au Royaume-Uni, rebaptisé DDRC Healthcare), 22 % des plongeurs ont admis avoir consommé une ou plusieurs drogues illicites depuis le début de leur formation à la plongée, et 21 % de ceux-ci ont admis avoir pris une drogue de classe A, comme la cocaïne, ou de classe B, comme le cannabis (selon la classification du Royaume-Uni) entre cinq minutes et six heures avant une plongée [5].
La cocaïne est un stimulant dont les effets apparaissent dans les cinq minutes suivant sa prise et persistent entre une et deux heures, quoique les effets tardifs peuvent encore se faire sentir plusieurs jours après une dose importante. En bref, les effets aigus de la cocaïne peuvent affecter le plongeur de deux façons. Premièrement, citons les effets sur le système nerveux central, notamment l’exaltation de l’humeur, l’altération du jugement et l’adoption d’un comportement plus propice à la prise de risques. Comme nous l’avons vu plus haut, ces effets s’avèrent dangereux en plongée.
Deuxièmement, du fait de la stimulation du système cardiovasculaire, la cocaïne augmente le rythme cardiaque, la tension artérielle et l’apparition de rythmes cardiaques anormaux. Il a été démontré qu’en cas d’effort physique plus intense, ces effets constituent un facteur de risque de l’arrêt cardiaque soudain.
Le cannabis semble être la drogue préférée des plongeurs [5]. Les effets comportementaux et physiologiques du cannabis apparaissent dans les 10 minutes suivant sa prise et, donnée importante pour les plongeurs, peuvent persister entre trois et cinq heures [5]. Ces effets peuvent augmenter considérablement le risque d’accident de plongée. Tout comme l’alcool, le cannabis altère la perception et le jugement, réduit les inhibitions et entraîne des changements d’humeur, autant d’effets pouvant être amplifiés par les effets de la narcose à l’azote. Le cannabis provoque également une vasodilatation des vaisseaux sanguins, augmente le risque d’hypothermie et réduit la coordination motrice, limitant les aptitudes techniques du plongeur. Par ailleurs, fumer du cannabis ou du tabac augmente le taux de monoxyde de carbone se liant à l’hémoglobine dans le sang, ce qui réduit de 10 % la capacité de l’organisme à transporter de l’oxygène [6]. Cela peut affecter la résistance du plongeur à l’effort physique et sa capacité à réagir en cas d’urgence.
Outre les effets aigus de la prise de cannabis, sa consommation prolongée peut entraîner d’autres problèmes pour le plongeur. Comme pour le tabagisme, une exposition chronique au cannabis peut causer des problèmes respiratoires, tels qu’une bronchite et une sinusite chroniques, lesquelles augmentent le risque de barotraumatisme avec ses conséquences potentiellement mortelles.
Gardons à l’esprit que la possession et la consommation de substances de classe A et B sont punissables par la loi. Outre le risque évident de sanction pénale, le plongeur doit réfléchir à la façon dont pourrait réagir sa compagnie d’assurance si elle soupçonne que de telles substances ont joué un rôle dans un accident de plongée. Il est fort probable que le remboursement des frais d’hospitalisation ou de traitement hyperbare lui soient refusés.
Ainsi, bien qu’un tel conseil puisse sembler démesuré ou mal placé dans une culture du divertissement, l’on recommande aux plongeurs de se tenir à l’écart des drogues et d’éviter, ou du moins de minimiser, la consommation d’alcool pendant leurs séjours de plongée. Sans cela, le risque d’accident devient bien plus significatif, non seulement pour le plongeur, mais également pour ses compagnons de plongée.
0 commentaire
Si ca nous intéresse? Moi en tout cas oui!
Quel age as-tu Christophe pour faire ce changement radical?
Qu’est ce qui pousse quelqu’un qui à un “job cossu” à tout larguer?
Pour ma part, j’ai découvert la plongée un peu avant 25 ans et elle s’est imposée comme une évidence. Il n’y avait plus d’autre option que de choisir cette activité comme voie professionnelle. Mais je n’ai pas largué de job cossu…
Une fois encore, je serai ravi de suivre ton expérience 😉
En attendant BON ENTRAINEMENT et BONNES PLONGÉES