Patrice Bureau est un véritable passionné. Il se bat depuis des années pour la préservation des fonds marins et de ses habitants. Président de l’association Longitude 181 depuis 2012, il a accepté d’échanger avec nous son expérience et ses ressentis sur le domaine de l’exploration marine.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est Longitude 181?
Longitude 181 est une association de loi 1901, fondée en 2002 par François Sarano et Vincent Ohl, qui œuvre dans le domaine d’un partage plus équitable des ressources de la mer et de l’océan, avec une dimension écologique de la plongée responsable.
Quel est votre rôle au sein de l’association ?
Je suis le président depuis 2012 et mes responsabilités sont diverses et variées. Nous sommes une douzaine de personnes au sein du conseil et le président a pour objectif d’assurer le quotidien, pour rallier les objectifs du conseil d’administration. Il s’agit principalement de coordonner l’équipe, puisque aujourd’hui nous avons une quarantaine de membres actifs (qui constitue le deuxième cercle autour du conseil d’administration), il faut donc coordonner toutes ces personnes en fonction des diverses manifestations auxquelles nous participons. Cela passe du Salon de la Plongée, à des conférences en passant par des stands, ou encore aux invitations de certains centres ambassadeurs et certains festivals qui souhaitent notre présence lorsque c’est possible (sur un stand qui nous est offert). Il faut ensuite animer et booster tout ce réseau, de façon à ce que tout fonctionne correctement à la fois sur les campagnes, les engagements et les conventions. Le rôle du Président consiste aussi à être présent et signer les conventions de partenariats avec un certain nombre de sponsors avec lesquels nous sommes en collaboration.
Qu’avez-vous fait avant ? Quel est votre parcours ?
Si nous restons dans la fibre environnementale, étant enfant je faisais du snorkeling et du masque-tuba avant même de savoir nager. Mon père et ses amis étaient chasseurs sous-marins. Je les suivais, bien entendu sans arbalète et je m’amusais à constater que les poissons les fuyaient à leur passage, alors qu’ils venaient naturellement vers moi étant à 10 mètres derrière eux sans fusil. Ironiquement, les chasseurs pensaient qu’il n’y avait rien à chasser. Ça me plaisait énormément car je voyais déjà beaucoup d’espèces sous-marines. C’était aussi l’époque ou l’on voyait les films de La Calypso ou de Tazieff à la télé. Comme beaucoup de ma génération, j’étais déjà fasciné par ces univers, et je voulais devenir volcanologue ou plongeur de La Calypso. Je ne suis devenu ni l’un ni l’autre, mais j’ai toujours été attiré par la biologie ou l’environnement. Il est certain que dès que j’ai pu, dès les années 2000, je me suis mis à la plongée bouteille et je n’ai jamais arrêté de faire de l’apnée ou de snorkeler. De fil en aiguille j’ai monté mon club de plongée avec mes amis en 2007, puis ma rencontre avec François Sarano avec Longitude. Concernant mon parcours professionnel, j’ai d’abord travaillé dans les laboratoires d’analyses médicales avec une formation de biologiste, microbiologiste et de chimiste dans l’alimentation. N’ayant plus d’évolution possible dans le milieu du laboratoire médical, je me suis orienté vers la microbiologie alimentaire. J’ai monté un laboratoire d’analyse de microbiologie alimentaire. Puis au fil du temps, j’ai laissé tomber le côté analyste pour m’orienter davantage vers l’orientation et formations pour assister les entreprises de l’alimentaire afin de répondre aux réglementations en vigueur. C’est toujours ce que je fais actuellement, 25 ans après.
Avez-vous d’autres projets en parallèle que Longitude 181?
Longitude 181 c’est à 100% du bénévolat, comme pour tous les membres de l’équipe (fonctionnement que l’on entend conserver au sein de Longitude). Les fonds sont entièrement dirigés sur l’action, et sur du structurel. A côté de ça il y a un vrai travail et une vraie profession. J’ai également une autre casquette de bénévole, puisque je suis Président du Club de Plongée Sud Gresivaudan (CPSG), club de plongée associatif affiliée à la Fédération Française des Etudes et des Sports Sous-Marins (F.F.E.S.S.M).
Quelle est votre motivation principale pour adhérer à tous ces projets ?
Un jour j’ai vu le film « Seigneur de la Mer » (« Sharkwater ») sorti en 2006, de Rob Stewart. Ce film m’a complètement bouleversé et en sortant de la projection je me suis dit que maintenant je ne pouvais plus être passif, je dois être actif pour la préservation des océans. C’est pour cela que je me suis engagé dans ce domaine.
Comment avez-vous intégré Longitude 181 en 2012 et remplacé votre prédécesseur Francois Sarano ?
En réalité j’ai intégré l’association un an avant ; ça a été le fruit d’une rencontre. J’avais fait adhérer mon club de plongée à Longitude 181 car j’avais vu et sollicité François Sarano lors d’une avant première du film « Océans » de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud. Mais nous n’avions pas pu nous rencontrer à ce moment là, car il était très occupé. C’est par la suite, via mon club de plongée, que nous avons pu nous rencontrer au Salon de la Plongée et faire adhérer le club comme centre ambassadeur (tout ceci en suivant l’association de loin). Etant membre de Sea Shepherd (Rhône Alpes) nous avions organisé une conférence à l’Université Saint Martin d’Hères à Grenoble, étant bien accueilli précédemment par Mr Sarano par mes précédentes sollicitations (qui malheureusement n’avaient pas abouti à quelque chose de concret), j’avais repris contact avec lui pour savoir s’il voulait bien coanimer la projection du making-of d’ « Océans » à cette occasion il avait pu se libérer et a répondu favorablement. Ça a été un moment partagé et c’est au sortir de cette conférence, qu’il m’a annoncé avoir besoin d’un directeur au niveau de l’association. Le lendemain matin je posais ma candidature. J’ai d’abord intégré Longitude en 2011 en intégrant le poste de trésorier, puis très rapidement en basculant sur la présidence.
Qu’est-ce que la Charte International du Plongeur Responsable ?
C’est l’épine dorsale de Longitude. Elle a été créée par les anciens plongeurs de la Calypso, dont Albert Falco, qui a été notre parrain jusqu’à sa mort en 2012. Ils ont fait le constat en retournant sur leur vécu de plongeurs professionnels et de découvreurs, qu’ils avaient fait certaines erreurs et en ont pris pleinement conscience. Néanmoins, ils ont donné au monde entier l’envie d’aller sous l’eau et explorer les fonds marins : ils ont donné naissance à la plongée de plaisir et de loisir. Jusqu’à eux la plongée n’était qu’une affaire de professionnels (les scaphandriers, les militaires etc…) ils ont donc démocratisé la discipline. Mais si des millions de gens reproduisent ce qu’ils ont fait alors qu’ils n’étaient qu’une poignée, cela serait un massacre environnemental sans précédent et il faudrait en prendre l’entière responsabilité. Dès lors, ils se sont mis autour d’une table et ont crée la Charte. Dans les années 2000-2002, personne n’abordait les sujets de « durabilité » et « responsabilité ». Aujourd’hui c’est un vocabulaire qui est récurrent dans la bouche des gens. Ils ont été les pionniers avec cette Charte, qui démarre dès le moment où l’on réfléchit à son voyage plongée, jusqu’au retour de sa plongée, avec un esprit d’être respectueux du milieu sous-marin. Ce n’est pas uniquement lorsque quelqu’un plonge en mer, mais c’est aussi une philosophie de vie. Il est essentiel de respecter l’environnement dans sa globalité (que ce soit en mer, sur terre ou en bateau).
Quelle sera l’évolution de l’association?
Pour être plus puissant et que la voix de l’océan soit la plus forte possible, il est indispensable que le nombre d’adhérents augmente. Longitude consiste à faire bouger les lignes, là où tout le monde prétend que c’est impossible. Nous essayons de faire bouger les esprits avec d’autres associations notamment nous intervenons sur la protection des requins, espèce absolument indispensable pour l’écosystème et faire savoir qu’ils ne sont pas des mangeurs d’hommes comme on pourrait le croire. Il y a également la campagne de l’étude sociétale des cachalots à l’Île Maurice. Une nouvelle alliance est possible afin d’aider à la préservation du monde sauvage. Nous devons passer à une nouvelle ère avec nos « colocataires », qui ont le droit de vivre à côté de nous sur cette planète, et que l’on change le regard de l’humain. Par cela, il y a un leitmotiv : le droit de laisser vivre doit s’imposer. Aujourd’hui nous avons légalement le droit de tuer, mais nous n’avons pas le droit de laisser vivre. Par exemple les compétitions des chasses sous-marines, où l’on tue par plaisir afin d’obtenir des trophées, or nous constatons bien que la législation aujourd’hui, n’est pas en mesure d’intervenir. Les plongeurs ne peuvent pas intervenir auprès des chasseurs en train de tuer (admettons) des murènes alors qu’eux sont là pour explorer les fonds-marins au risque de se retrouver au tribunal. C’est un vol de ne pas laisser le droit à un plongeur de tout simplement admirer la nature, toutefois, il y a des autorisations pour tuer. Bien entendu les projets sont autres dans le domaine de la protection, nous sommes toujours en faveur des terres marines protégées et monter au créneau lorsqu’elle sont attaquées.
Quelles sont les problématiques auxquelles font face l’association aujourd’hui ?
Tout ce qui a été fait il y a une dizaine d’années par les fondateurs a été formidable, mais a fonctionné par le bouche à oreille via leur réseau du monde de la plongée. Ils ont obtenu une notoriété, qui aujourd’hui arrive à introduire la fausse idée que nous sommes une grosse association, n’ayant plus besoin d’adhérents, car nous sommes considérés comme présents sur l’ensemble du globe avec nos centres ambassadeurs ; la Charte est enseignée dans quasiment toutes les fédérations de plongée (dont les françaises, avec une estimation de 90 000 plongeurs). Nous essayons malgré tout d’être dans tous les combats au niveau de l’environnement. Nous sommes toutefois très présents et nous sommes bien relayés par toute la presse plongée. Malheureusement les gens ne se rendent pas compte que nous n’avons pas assez d’adhérents pour être présentés ou entendus auprès des instances, qui légitimement doivent montrer patte blanche et demandent un nombre minimum d’adhérents. Aujourd’hui péniblement nous n’avons que 400 adhérents alors qu’au niveau des instances on commence à considérer une association qu’à partir de 2000 adhérents. Nous n’avons pas assez de voix, pas assez de puissance à ce niveau là, et les gens sont souvent surpris lorsque nous tenons ce discours là. Il y a 150 000 licenciés au sein de la F.F.E.S.S.M, vous mesurez tout de suite l’écart entre 400 et 150 000. Les gens considèrent que nous touchons des subventions de l’Etat ou une partie de la Fédération Française de Plongée, alors qu’en réalité nous sommes complètement indépendants. Nous ne vivons et souhaitons agir grâce aux subsides des adhérents, au nombre d’adhérents et nos sponsors. Nos projets dépendent et se font en fonction de cela.
Vous avez donc des difficultés à avoir un impact au niveau juridique ?
Il faudrait être 2000 adhérents pour être force de propositions au niveau législatif. Le lobbying que nous pouvons faire est la coalision avec d’autres associations qui ont plus d’adhérents, pour arriver à passer cette masse critique. Longitude est aujourd’hui amputée de cette possibilité là. En revanche, nous avons dans nos membres actifs des conseillers juridiques qui sont dans le domaine de l’environnement, auxquels j’ai demandé un travail à ce niveau là, pour voir dans la loi sur la biodiversité (qui a été voté par les précédents gouvernements) quels appuis et quels moyens juridiques nous donnait cette loi pour aller sur ces thématiques là. C’est un travail qui est en cours avec les juristes bénévoles de l’association.
Comment et quel type de communication utilisez-vous pour sensibiliser les gens à travers vos projets ou vos actions ?
Nous essayons d’utiliser tous les canaux qui sont à notre disposition, la presse plongée qui, gracieusement nous ouvre leurs pages quand nous en avons besoin. Ils nous ont manifesté beaucoup de sympathie. Tous on la même volonté et le même accueil bienveillant vis à vis de l’association. Cette presse papier avec les déclinaisons internet nous offre de la visibilité. Les autres moyens de communications aujourd’hui sont bien évidemment les Réseaux Sociaux avec Facebook et Twitter, qui sont devenus incontournables. Nous communiquons nos informations principalement sur notre site internet. Il y a également la communication directe avec nos newsletters auxquelles les gens peuvent s’abonner s’ils souhaitent nous suivre d’un peu plus près. La presse nationale et la presse radio (France Inter) où nous avons régulièrement des invitations fait également partie de notre communication. Il y a aussi la rencontre physique au travers des conférences où l’on rencontre directement les gens, dans des festivals ou des salons, avec notamment le Salon International de la Plongée de Paris, le Salon Galathea à Hyères, ou l’Aquatic Festival de Marseille. A travers nos stands, il y a aussi cette possibilité de communiquer.
Quelles sont les mesures qui sont prises, en terme d’actions pour pouvoir sensibiliser les gens, faîtes-vous des campagnes publicitaires ?
Nous n’avons pas énormément de ressources et nous partons du principe que nous avons suffisamment de canaux sans passer par la publicité payante. Nous n’avons pas pour le moment pour objectif de faire des campagnes de pub. Nous collaborons entre associations car nous avons la même vision, comme pour Shark Alliance où une vingtaine d’associations se sont alliées pour la cause. Il est indispensable de créer des coalisions entres associations, car ce n’est qu’ensemble que nous sommes plus fort et cela nous permet d’être audible et d’avoir plus d’impact.
Avez-vous autre chose que vous souhaiteriez ajouter ?
Nous avons beaucoup travaillé sur l’ADN de Longitude et ce qui nous tient à cœur, c’est de passer ce cap, avec cette notion de vivre mieux ensemble avec le monde sauvage et d’amener les gens à comprendre que l’on peut côtoyer les grands animaux sauvages d’une autre façon. La rencontre et la connaissance sont la clef de tout.
Propos recueillis le 23/10/17
Par Aurélie Kula
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vais faire le rabat-joie … allez … euh l’octopus il est où … ?