L’humeur de Francis Le Guen
Parce que des fois, faut quand même pas déconner !
Crédits musique : Erwan & Eric Le Guen
Aaaah je suis en pétard ! Je viens de lancer une pétition sur Avaaz.com pour sauver les vorticelles stentorées et n’ai récolté que 5 signatures. Alors qu’il en faudrait 5000 ! Tout le monde s’en fout des vorticelles ou quoi ? Vous savez bien, les vorticelles, ces délicats animaux microscopiques qui vivaient par millions dans une goutte d’eau. Et bien du train où va le bétonnage partout où les hommes sévissent (saleté d’espèce qui se reproduit comme des lapins) il n’y aura bientôt plus une goutte d’eau libre. Et donc plus de vorticelles. Ni de paramécies, de diatomées, d’amibes… C’est la goutte d’eau qui fait déborder l’Avaaz.
vorticelles stentors
Comment çà on ne les voit pas ? Ben si, au microscope ! Ah bon, il faut sauver de préférence les «grosses» espèces ? A poils, à plumes, à écailles ? On commence à quelle taille ? Parce que le problème c’est que presque toutes les espèces sont en voie de disparition ou peut s’en faut, à commencer par l’homme lui même, du train où vont les choses… Et on fait quoi avec les légumes, les fruits, les plantes ? Parce que c’est vivant aussi. Et dans la nature tout est lié. On appelle ça l’écologie, même. Oui, c’est une science, pas un parti politique.
Aujourd’hui pas un jour ne passe sans une pétition pour sauver ceci ou celà. C’est très bien. Les chasseurs, les pêcheurs sont des méchants ! Et d’ailleurs je pétitionne moi même, à répétition. Mais sans illusions. Parce qu’à mon avis il faut un peu plus que des signatures pour faire reculer ceux qui vident les océans par les deux bouts.
On veut sauver ce qui nous ressemble. Et surtout l’idée qu’on s’en fait. Ce dauphin qui caquette n’a-t-il pas l’air humain ? Ces orques, ces baleines… Elles cherchent à communiquer avec nous, c’est sûr. Sauf que nous raisonnons de notre point de vue. Nos amies les bêtes (30 millions paraît-il) n’en ont sans doute rien à battre des 60 millions de consommateurs et de leurs bons sentiments, en dehors du fait que nous soyions leurs premiers pourvoyeurs de croquettes…
Tout ça pour vous dire que l’anthropomorphisme qui est la règle chez les plongeurs et tous les protecteurs de la nature peut induire en erreur. On observe une gradation dans les espèces à protéger. L’assassinat d’un flipper le dauphin soulève l’indignation chez les jardiniers du dimanche occupés à éradiquer les pucerons à coup de pesticides. On s’insurge contre les chasseurs de baleines tout en exterminant les nuages de moustiques qui gâchent le séjour des touristes dans les hôtels tropicaux.
C’est ainsi. A tel point que Sea Shepperd avait fait une campagne très réussie il y a quelques temps, remplaçant les requins entassés sur les bateaux par des pandas. Mantas, aiguillats, pandas, même combat !
Mais la fourmi nous provoque des fourmillements, l’araignée attire la tapette et le cafard est impitoyablement cafardé. Et, dans le plus grand secret, il paraît qu’on a éradiqué aussi la variole, la peste et le choléra et qu’on chercherais même à faire disparaitre le virus du SIDA. Vous avez déjà vu ce virus ? Cette beauté… C’est une honte ! Qui va sauver les virus marins ? Les bactéries ? Pétitions !
On veut des dauphins dans la mer. Mais au fait, cette huître qu’on gobe, encore frétillante ? Elle n’a peut être pas demandé à plonger dans notre suc gastrique ? Il faut sauver les huîtres ! Et ce homard à la nage, rouge de confusion, qui se noie dans le court bouillon du nouvel an : sauvons les homards !
La nature est mal faite. Quand je pense que chaque été des centaines d’enfants sont piqués par les vives sur les plages. Ces poissons devraient être réservés à la bouillabaisse ! Quant aux méduses, il n’y a qu’à les refiler aux asiatiques : ils les bouffent…
Noé ! reviens ! L’eau monte… Il faut sauver tous les animaux. Et laisser crever les enfants des guerres. Sauver les requins à ailerons tandis que les requins de la finance mettent le monde sur le sable. Sauver les ours polaires pendant que les SDF se caillent les meules sur les trottoirs de nos belles cités dortoir…
Mais le pire dans ce domaine est encore la confusion des genres. Prenez le réchauffement climatique par exemple. C’est l’auberge espagnole ! Dans l’esprit du plus grand nombre, l’homme en est la cause et le déluge va bientôt arriver, nous chassant sur les hauteurs… Rappelons tout de même que, depuis que l’homme sait dessiner (mes voisins de la grotte Cosquer, il y a 25 000 ans), le niveau de la Méditerranée a monté de 150m. Et l’homme est toujours là. Enfin, il me semble : j’ai encore vu hier à la Cayolle un mur entièrement taggé…
Il ne se passe pas une journée sans que circule sur les réseaux sociaux l’image pathétique d’un ours blanc posé sur un petit glaçon, à la dérive. Et de conclure aussitôt avec force commentaires apitoyés que la banquise a fondue et que l’ours est perdu. Sauf que l’ours sait nager ! Et s’il est sur ce glaçon, c’est qu’il l’a choisi. Tout comme le photographe a choisi son angle, sachant ce qui se vend, par les temps qui courent… A supposer que toute la banquise fonde, ce qui est probable, dites vous qu’il migrera vers le sud, le nounours, pour venir fouiller dans vos poubelles ! Et si l’eau monte tellement, on verra bien combien d’entre nous, cramponnés aux arbres les pieds dans l’eau, se préoccuperont alors des ours sur leurs glaçons…
Mais revenons à nos poissons. Oui nous vidons la mer ! Et un tiers de la pêche industrielle finit en farine pour nourrir les porcs et les poulets… Scandale ! La morue est moribonde, on annonce l’arrêt de mort des raies, et le hareng s’en sort comme un vieillard en sort. Bienvenue dans la mer à Surimi !
Mais au fait, vous connaissez les premières causes de destruction des écosystèmes marins et autres barrières de corail ? Le tourisme ! Le béton en poudre, les eaux usées, le «développement». Des pays en voie de… Justement. Pensez-y quand vous prendrez l’avion pour votre prochain séjour plongée… Une pétition ?