L’humeur de Francis Le Guen
Parce que des fois, faut quand même pas déconner !
Crédits musique : Erwan & Eric Le Guen
Pas donné le matos ! Je viens de me procurer une pièce essentielle d’équipement : 39 € 40 ! Oui mais attention, il faut voir ce qu’ils en disent sur internet : «Augmente les performances respiratoires. Système exclusif de soupape annulaire située sur la partie conique. Grand réservoir muni d’une soupape en partie basse. Embout silicone COMFO. Clip de fixation sur le masque articulé». Avec ça…
Parce que oui, j’ai oublié de vous dire, la pièce essentielle en question, c’est un tuba ! 40 boules pour un tuyau ! J’ai pris le plus cher, d’accord, c’est pour l’exemple… Mais, faut quand même pas déconner.
Quand j’ai commencé à plonger, le tuba c’était un tube. Qui valait trois centimes. Un bête tuyau noir, en forme de canne blanche, mais noir, vous voyez ? Raide comme la justice, avec un embout qui déchirait la bouche mais on respirait quand même bien à travers, nom d’une pipe !
J’ai connu aussi ces incroyables masques bleus avec tuba incorporé, surmonté d’une cage ou flottait une balle de ping pong censée obturer le tuyau pour éviter qu’il ne se remplisse pendant la coulée. Résultat, la moindre vaguelette faisait remonter la balle et on respirait en morse ! Quand on ne sortait pas de l’eau le plongeur étouffé, devenu bleu comme son masque… Souvenirs, pour les plongeurs «vintage».
Vintage… La plongée de vieux, quoi ! C’est fou ce besoin de tout renommer. Les aveugles sont devenus «non voyants», les balayeurs, «techniciens de surface», et les vieux plongeurs, des plongeurs «vintage». Attention : je vis mon ancienneté on ne peut mieux : toujours pas d’injection de collagène et mon tuba à moi tient toujours droit tout seul, merci pour lui ! Mais, oui, j’ai l’âge que j’ai… Et alors ? Vintage… On dirait une maladie ! Il faut dire que dans la merveilleuse société que nous avons construite, on est vieux à 35 ans. Quant au marché de l’emploi, la cinquantaine est synonyme de grabataire. Alors qu’il reste au bas mot 30 ans à tirer… Et on en fait quoi de tous ces «vintages» hors d’âge ? Passons et revenons à nos tubas.
Ils étaient longs, ces tubas, étroits : on respirait avec une paille et l’effort intense qu’il fallait produire vous faisait naître une poitrine de culturiste sans que vous y preniez garde ! Et des douleurs pulmonaires dans les jours suivants à vous dégoûter à jamais de la «randonnée palmée».
Alors sont apparus les tubas «grosse section». Aaaaah on respirait à l’aise. Mais pour les vider, bonjour ! C’est après que tout s’est gâté. Formés à l’obsolescence programmée qui est la règle aujourd’hui, les techniciens et ingénieurs des bureaux d’étude ont commencé à mettre sur le marché des «innovations». Ben oui, si vous fabriquez du matos excellent et inusable, comment voulez vous en vendre sur le long terme ? Faut comprendre, aussi…
Dès lors, la porte était ouverte aux nouveaux matériaux, solubles dans l’eau, aux contacts métalliques à destruction électrolytique intégrée, aux coutures indéchirables mais qui se détricotent toutes seules, à différents machins à piles irremplaçables ailleurs «qu’en usine» et aux divers containers étanches sauf en cas d’immersion…
Au pays des aveugles, les borgnes sont rois. Mais il faut aussi balayer devant notre porte : nous avons oublié la simplicité !
Innovons… Le silicone, d’abord. Qui avait l’immense avantage de prendre une couleur fond de tabatière en quelques jours. Quand il ne fondait pas au soleil, engluant le reste du matériel dans un amas collant.
Les embouts anatomiques, ensuite. Tellement réussis qu’on sortait régulièrement de l’eau avec une bouche de carrelet ! J’aimerais qu’on m’explique comment on peut être «anatomique» «pour «tout le monde» : petites bouches et grandes gueules, même combat ? Tssss… Autre immense avantage de l’embout silicone : sa consistance de chewing-gum et sa robustesse. De l’eau un peu froide, un client un peu stressé ? Hop, plus d’embout ! Mordu à coeur. Sectionné. On remplace !
Ensuite sont apparues les valvules, les tubulures, les clapets et les spiraleries diverses. Qu’on lâche l’embout un instant et on le retrouvait enroulé autour de l’oreille… Les clips de fixation au masque, chantournés à l’extrême, délires en 3D, pièges à ongles et pièges à cons.
Tout cela pour un confort respiratoire des plus discutables. Avec autant de pièces dans le tuyau, on est sûr en effet de garder le plein d’eau de mer dans le tuba et de subir l’horripilant glougloutis en surface, tout en s’époumonant à tenter de le vider. Ca siffle, ça couine, ça fuit par tous les bouts : ce n’est plus un tuba mais une clarinette !
Alors évidemment, avec un rien de mauvais esprit, on se prend à reconsidérer les flopées de «nouveautés» que les fabricants de matériel s’ingénient à cracher à la fréquence d’une mitrailleuse lourde à chaque saison. En serait-il de même pour ce détendeur «révolutionnaire» ? Cette stab au confort inégalé ?
D’ailleurs, vous avez déjà essayé de choisir une stab ? Au milieu de ces centaines de modèles ? Quand je pense qu’avant, on avait le choix entre Fenzy et Fenzy… Avons-nous vraiment besoin de toutes ces innovations pour aller, comme disait le philosophe Patrick Timsit, «faire chier les mérous avec une lampe de poche» ?
Pourra-t-on aller encore plus loin dans le perfectionnement du tuba ? Sans aucun doute. Au fait, vous le mettez où vous, votre tuba en plongée ? Avant, on le glissait le long du poignard, lui même fixé au mollet. Mais voilà, le poignard n’est plus à la mode. Certains le laissent pendouiller au masque, d’autres en travers de la sous cutale, comme un gros piercing mou. D’autres s’échinent à le forcer dans la poche de stab, d’où il ressort (quand on parvient à l’extirper sans se démonter l’épaule) à angle droit ! Messieurs les fabricants : la vraie innovation, ce serait de prévoir un logement accessible sur vos stabs pour y glisser vos tubas…
Enfin, il serait temps de dire aux onanistes de la fiche technique et aux yuppies en néoprène que le tuba, ce n’est jamais qu’un tuyau pour respirer quand on est dans l’eau !
D’ailleurs, mon prochain (de tuba) va être constitué d’un tronçon de tuyau d’arrosage renforcé (galbe technique obtenu par le stockage roulé en magasin), glissé sous la sangle du masque. Avec un embout forcé à chaud à l’une des extrémités. Anatomique. L’embout…
Texte : Francis Le Guen
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Salut Christophe,
J’aimerai d’une explication de texte, le DEJEPS, c’est un équivalent ou la nouvelle appellation du BEES1 (je plonge loisir et je ne suis pas l’évolution des diplômes du sport)? Evidemment j’ai envie de savoir comment tu vas vivre ta formation, ce que tu en penses, ce que tu en espères, et s’il y a un écart entre ton idée et la réalité. Passe ton diplôme et tu décideras en fonction de ce qui se présente. Et puis si tu ne le fais pas, tu te diras toujours “j’aurais dû …” Alors, pour le moment “M….” et que ça te porte chance !