D’où te vient cette fascination pour les températures négatives ?
Ce ne sont pas les températures négatives qui me fascinent 🙂 C’est le monde polaire, son environnement, son silence, sa beauté et, également, son histoire et sa fragilité. Se dire qu’une goutte d’eau qui se solidifie a pu briser les bateaux des premiers grands explorateurs et que cette même goutte d’eau nous raconte le passé de notre climat tout en agissant sur notre futur est fascinant. Ça m’impressionne et mérite le respect. Le monde des glaces a trop longtemps été sous-estimé. Pôle Nord et Pôle Sud sont immensément importants pour nous. Il faut impérativement les préserver. Pour ce faire, à mon humble échelle, j’essaye et d’en montrer la beauté et de ramener de mes explorations une histoire qui fasse rêver le grand public afin de protéger ce monde d’une manière simple et pédagogique. A chacune de nos aventures, nous avons aussi travaillé sur des missions scientifiques qui ramènent des informations essentielles aux chercheurs.
Le monde polaire est en phase de transition. Ce que nous vivons à l’heure actuelle et que nous voyons aujourd’hui sera, dans une quinzaine d’années, un chapitre clos de notre histoire. Nos enfants et nos petits-enfants auront alors déjà pris l’habitude de voir croiser des bateaux au Pôle Nord. Certaines îles seront sous les eaux mais la vie continuera… D’où l’importance, aujourd’hui, de créer une bibliothèque d’images et de sensibiliser le plus grand nombre.
Lors de ta première grande expédition, tu as passé quarante-cinq jours au Pôle Nord. Combien de jours celle-ci va-t-elle durer ?
Oui, nous avions passé quarante-cinq jours au Pôle Nord. Au Groenland, avec mon ami Vincent Berthet, nous avons cinquante-et-un jours en expédition. Ma prochaine aventure va durer de soixante-quinze à quatre-vingt-dix jours. Ça va être long 🙂 Tout va dépendre de l’état de la glace et du vent. Je vais utiliser un kite en plus de mes skis pour avancer plus vite. Je vais tirer deux traîneaux qui me permettront, entre autres choses, d’équilibrer mon matériel qui ne va pas peser loin de deux cents kilos, en étant ravitaillé au milieu du parcours ! Des chasseurs inuits viendront à ma rencontre en chiens de traîneaux pour me ramener des vivres et du carburant…
Pourquoi en solitaire ?
Ça a toujours été un rêve ! J’ai connu l’aventure à huit puis à deux mais là, je me suis dit que c’était le bon moment. Je pense que c’est une bonne manière d’apprendre à se connaître davantage et de concentrer toute son attention sur soi-même. D’ailleurs, pour la petite histoire, j’avais prévu, à l’origine, de mener le projet du Groenland seul. Bon, bien heureusement que Vincent était là… hahahahaha !!!!
Et sur ce projet, je lui ai demandé s’il souhaitait s’associer à moi, mais il ne pouvait pas pour des raisons personnelles et il m’a dit non. En revanche et j’en suis super heureux, il va s’occuper de ma base arrière. C’est avec lui que je serai en contact par satellite régulièrement. Depuis, plusieurs personnes m’ont proposé des copains à elles que je ne connais pas pour venir m’épauler… hahahaha mdr !!!! Non merci les gars, c’est Vincent ou personne d’autre 😉
Une équipe de combien de personnes te faut-il pour monter une telle expédition ?
Au début du projet, je travaille avec une petite équipe. En ce moment, nous sommes une dizaine entre la France et le Canada. Chacun a une spécificité et une rôle précis. Je ne maîtrise pas tout. J’ai besoin de m’entourer de gens compétents, en plus d’être sympas 🙂 Je travaille beaucoup au feeling. Je suis en quelque sorte le chef d’orchestre qui conduit tout son monde vers un objectif précis. J’apprends énormément grâce à ces collaborateurs. Je ne les remercierai jamais assez de leur dévouement, car travailler sur une expédition est très complexe. Rien n’est jamais sûr. On avance à tâtons, en faisant des paris. Ensuite, quand le projet et le budget sont bouclés, l’équipe s’étoffe et peut devenir plus importante.
Combien de temps la préparation en amont prend-elle ?
J’ai commencé à réfléchir sur le projet il y a un peu plus d’un an. Les deux dernières expéditions m’ont beaucoup appris et certaines choses vont donc plus vite. Néanmoins, malgré mes calculs des distances, malgré l’étude des vents et des courants, j’ai mis pas mal de temps à trouver un parcours adapté à mes objectifs pour que l’expédition soit réalisable…tout du moins, sur le papier !
Combien de plongées envisages-tu de faire ?
J’ai prévu d’en faire une dizaine, ce qui peut paraître peu… mais c’est déjà beaucoup et très difficile dans ces conditions climatiques. La plongée est ma passion, mon ADN. Je ne supporterais pas de voir cette glace du dessus sans voir l’envers du décor. Je vais partir avec un recycleur à oxygène pur. C’est suffisant pour étudier la glace. L’avantage, c’est qu’il n’y a pas d’électronique et qu’il pèse moins de dix kilos, prêt à plonger. De cette manière, j’aurai quelques petites bouteilles pré-gonflées d’oxygène et je n’aurai pas besoin de compresseur ni de carburant.
Lors de ces plongées tu vas collecter des infos sur le changement climatique. Concrètement, comment ça va se passer?
Pour la partie plongée, l’intérêt est de faire un bilan de la composition de la glace. Existe-t-il encore des endroits où nous trouvons de la glace pluriannuelle ou n’avons-nous plus, en 2017, que de la glace mono-annuelle ? Grâce aux données satellites, on connaît déjà plus ou moins l’état de la glace. Certains satellites montrent des accumulations de vieilles glaces. Je vais donc essayer de m’y rendre et de ne pas passer pas trop loin. L’hiver, sur ce parcours, nous n’avons pratiquement aucune information visuelle.
Les budgets pour monter de telles expéditions sont très élevés. Qui sont tes partenaires pour celle-ci ?
Oui les budgets sont relativement élevés, non pas pour s’en mettre plein les poches 😉 comme les gens peuvent malheureusement souvent le penser mais en raison de toute la logistique, très complexe dans ces contrées glacées. Et si l’on veut faire les choses d’une manière professionnelle, des moyens sont nécessaires pour la logistique, pour les films, pour les livres, pour la communication et pour les expos photos, pour ne citer qu’eux. Aujourd’hui, nous sommes en pourparlers avec plusieurs grosses entreprises intéressées par le projet mais rien n’est encore signé. En revanche, nous avons déjà beaucoup d’autres partenaires qui nous suivent, SEREM, Gore-Tex, Aqualung, Lestra, Benestar, Cenitz-Studio, Malaga Brand et bien d’autres encore. Nous allons également par le biais de l’association www.docteursouris.fr permettre aux enfants et adolescents hospitalisés de pouvoir nous suivre. Ils auront un accès privilégié sur internet afin de les faire rêver et les sortir un peut de leur quotidien difficile. D’ici fin octobre, nous communiquerons davantage sur l’avancée du projet car, comme d’habitude, nous sommes à la bourre sur pas mal de choses !
Suivre le projet : albanmichon.com
0 commentaire