Frédéric Swierczynski à -267m au fond du puits terminal dans le siphon 3 de la grotte de la Mescla (Var).
Définition
Petit appareil bourré de capteurs et d’électronique produisant parfois des couinements de musaraigne. Se porte au poignet, sur la console, sur l’embout et bientôt directement dans le masque. Il produit une avalanche de chiffres plus ou moins vitaux qui rassurent les plongeurs sérieux. Les prochains modèles intégreront la 6G, l’abonnement Netflix, le passe sanitaire, le tire bouchon et une fonction grille-pain très attendue…
Synonymes
Décompressimètre | Centrale d’acquisition de données | Bendomatic | Dive computer |
Entrée
C’est un fait : nous assistons depuis quelques années à la digitalisation progressive de la pratique de la plongée. Numérisation, simulations, mémorisation : nul doute que nous n’aurons bientôt plus besoin de nous mouiller, un casque VR intégral et des gants connectés seront suffisants pour vivre des émotions profondes dans un canapé.
J’ai la chance d’appartenir à la génération qui a connu plusieurs révolutions technologiques majeures. Et au moins deux qui ont constitué un véritable changement de paradigme : l’abandon de “l’analogique” au profit du numérique. Des suites de zéros et de uns qu’on peut dupliquer à l’infini, mémoriser, trifouiller dans tous les sens avec toutes sortes de moulinettes sans forcément perdre l’original. Et il me vient l’analogie du montage vidéo qui, jadis, se faisait au scotch et aux ciseaux : les séquences enlevées rejoignaient les écheveaux de pellicule impressionnée dans la grande poubelle appelée “chutier”. Pas “d’essais-erreurs”, mieux valait savoir quoi et où couper et monteur était un métier.
“L’analogique” fait aujourd’hui figure de fossile même si un certain snobisme fait parfois ressurgir des fantômes du passé : “pellicule photo argentique” et “disques vinyles”… Oui, aujourd’hui tout est numérique. Et même bientôt nos propres vies… Le logo choisit en son temps par Sony pour ses ordinateurs Vaio est d’ailleurs une parfaite et géniale illustration de cette révolution.
Plat
Au début, c’était simple, il n’y avait tout simplement pas d’instruments : en plongée aux éponges, aux perles, à la chasse, la profondeur s’estimait en nuances de bleu et la durée d’immersion à la capacité pulmonaire de chacun. Nous avons raconté dans le billet consacré à l’apnée les exploits du plongeur grec Haggi Statti. La discipline n’avait pas encore été contaminée par le cancer de la compétition avec ses règles, ses épreuves, ses innombrables catégories, ses homologations, ses chiffres à la troisième décimale et autres flatteries pour l’ego…
Au fil du dévellopement de la plongée autonome avec notament l’invention du scaphandre “Cousteau Gagnan“, nous avons ajouté à la panoplie de base d’autres colifichets : montres, profondimètres et tables de décompression. Encore étaient-ils bien souvent réservés aux moniteurs.
Bien plus tard j’ai connu de vieux plongeurs aguerris (on parle de milliers de plongées dans toutes les mers du monde, pas de “petits baigneurs”…) qui dans certains cas se passaient carrément d’instruments : la profondeur, estimée au mètre près, “à l’oeil”, la durée déduite de la pression de la bouteille, la remontée en suivant les petites bulles, et un palier de sécurité d’une “certaine” durée, à l’oreille, dans les six mètres de turquoise striée d’écume et de soleil… Et puis, comme me disait un de ces irréductibles : il y avait toujours un de ces ordinateurs dans la palanquée sur lequel venir loucher…
Décompression à OK corail…
Quand je plongeais au corail, autour de l’île du taureau dans le sud de la Sardaigne, c’était encore plus simple. Les roches fleuries du fond on les avait repérées au sondeur, à -125m. On y vidait la plus grande partie d’un penta-bloc dorsal de mélange trimix en martelant les branches énormes dont les prix de vente me laissent encore aujourd’hui rêveur.
Il fallait alors lâcher un ballon pour signaler notre position au mousse et au deuxième corailleur prenant la suite et qui descendait déjà, alourdi de pierres.
Il était alors temps de remonter sans paresse, tirant sur les détendeurs qui durcissaient, en s’aidant de jerrycans plastique de vingt litres tenus fermement par la poignée. Il suffisait alors de l’incliner légèrement pour que le gaz dilaté s’échappe en grosses bulles du fond évidé et ainsi régler la vitesse de remontée. Pas de stab, naturellement : pour quoi faire ? Arrivait alors, jetée depuis la surface, la bi-bouteille d’air de 2×9 litres, dansant comme un phare dans l’eau bleue : On était à moins trente mètres. Echange de scaphandres et les paliers commençaient, relié au pendeur par un simple noeud autoblocant.
On remontait petit à petit, guidé par les douleurs dans les bras, les épaules… Quand ça faisait mal, on redescendait alors un peu pour rester plus longtemps en profondeur avant une nouvelle tentative. Arrivait alors le tuyau d’eau chaude et le narguilé d’oxygène pur qu’on respirait à – 12 mètres pour accélérer un peu tout çà…
Mais les décompressimètres analogiques existaient déjà (premiers modèles sortis en 1958 !), constitués d’une porcelaine poreuse qui se déplaçait dans un tube gradué, le tout censé simuler la décompression dans les tissus humains. Ceux de la marque italienne SOS étaient d’ailleurs appelés “bendomatic” aux USA ce qui en disait long sur leur fiabilité. Je crois avoir utilisés tous les modèles successifs et d’ailleurs à profit : ils ne marchaient pas si mal et nous ne nous posions pas trop de questions. En plongée souterraine ils m’ont même permis des explorations impossibles autrement sachant que je plongeais avec deux instruments, rassuré par cette apparente redondance. C’était toujours mieux que le trio montre/profondimètre/tables surtout si, comme je l’ai raconté ailleurs, nous échangions parfois nos montres et profondimètres à mi plongée pour des raisons budgétaires…
Et puis sont apparus les premiers décompressimètres électroniques, bien vite rebaptisés “ordinateurs”. Le Decobrain, d’abord et le Edge (1983), puis l’Aladin (1987), devenu une référence et qui nous a accompagné pendant bien des premières. Et une foultitude de marques différentes (Suunto SME-ML – 1986, Microbrain – 1988…), les différences venant principalement du type d’algorithme utilisé pour les calculs : Bühlman, RGBM, VPM et autres systèmes propriétaires…
Les modèles d’aujourd’hui se sont adaptés aux nouvelles pratiques de la plongée, tenant compte de la consommation de chacun, de la température, des types de gaz successivement respirés, de la pression des différents gaz et de quantité d’autres paramètres dont la complexité ne cesse de croître.
L’informatisation de la plongée est en marche et les spéléonautes modernes les plus en pointe disposent maintenant de véritables ordinateurs avec centrale d’acquisition de données embarqués sur leurs propulseurs et capables d’enregistrer le cheminement et le profil de la plongée à coup de jauges de contrainte, de cellules inertielle et de compas électroniques… Un de mes vieux rêves, réalisé, que celui de la topographie en “temps réel”.
Dessert
Tous ces ordinateurs se portent au poignet ou sont intégrés dans les consoles d’instruments.
Leurs tailles variables ont donné lieu à tous les délires au fil du temps, depuis des écrans géants, couleur, façon télé LCD, à de petits instruments aux boutons minuscules et dorés sur tranche qu’on croirait sortis d’une bijouterie.
Pas un fabricant qui ne propose aujourd’hui son modèle et, à l’instar des stabs, il y en a des centaines sur le marché.
Nous assistons à une véritable obsession de les faire ressembler le plus possible à des montres, accessoires obsolètes s’il en est depuis l’avènement de l’informatique mais qui font pourtant la fortune de nombre d’horlogers suisses. Comme si ce geste de consulter son poignet faisait désormais partie de notre génome. Quand il ne constitue pas un signe extérieur de richesse… Même Apple a fait une montre ! Connectée, certes mais tout de même…
Bien sûr, avec la généralisation de l’usage des recycleurs, l’informatique est partout avec des renvois dans chaque pièce d’équipement. Certaines données sont même désormais accessibles littéralement sous le nez ! Et bientôt, comme les pilotes d’avion de chasse, seront-ils intégrés directement dans le champ de vision du masque.
A très bientôt pour une nouvelle définition du Scuba Bécédaire. Le lexique irrévérencieux de la plongée, mais pas seulement. Parce que des fois…
Francis Le Guen
Café
L’ ami Vincent Defossez du centre marseillais Aquadomia nous conseille pour choisir un ordinateur de plongée.
Et récidive avec cette fois le test des ordinateur Shearwater Petrel et Perdrix, parmi les plus populaires en plongée Tek et avec recycleur.