Que celui qui ne s’est jamais perdu en plongée jette la première pierre ! Pour les encadrants, savoir s’orienter est une nécessité, et une angoisse bien légitime pour ceux qui vont bientôt quitter les palmes du moniteur pour plonger en autonomie. Nous avons donc décidé de vous donner quelques conseils, et de vous rappeler les règles de base de l’orientation. Gages de sécurité, et de plongée plaisir.
DES CONSÉQUENCES PLUS OU MOINS GRAVES
Se perdre en plongée, fort heureusement, n ‘est pas toujours synonyme de catastrophe, mais peut néanmoins avoir des conséquences très désagréables : remonter à 500 mètres du bateau, bouteille vide parce qu’on a tourné au fond un bon moment, c‘est beaucoup d’efforts quand les conditions sont bonnes, vous remonterez simplement sur le bateau lessivé (et généralement honteux). Mais ça peut virer au cauchemar s’il y a des vagues, du courant, où une vilaine petite brume qui anéantit toute visibilité. Et la formation de beaucoup de plongeurs reste extrêmement limitée dans ce domaine.
JE SUIS OÙ ?
En surface à bord du bateau, à moins de plonger en pleine mer hors de tout repère visuel, prenez le temps d’observer ce qui vous entoure, ce pourra être très utile par exemple sur une côte très découpée si vous vous perdez et que vous remontez dans une crique : la tour Génoise, elle était où par rapport au bateau ? Et cette antenne, je la voyais ou pas ? De même, si la visibilité le permet, essayez d’enregistrer ce que vous pouvez noter du fond, depuis le bateau : je suis à babord de cette grande langue de sable qui s’enfonce vers la côte, ou tout prêt de ce sec qui affleure et qui a l’air de s’élargir à la base…
L’INTÉRÊT D’UN BON BRIEFING
Ne négligez pas le briefing fait par l’équipe d’encadrement : les moniteurs ont plongé là des dizaines, voire des centaines de fois, et leur connaissance de la zone vous fera gagner un temps précieux. De plus en plus de centres ou de bateaux de croisière, que ce soit en métropole ou au bout du monde, ont d’ailleurs pris l’habitude de dessiner les sites de plongée pour vous indiquer à l’avance les parcours possibles. Ne jugez pas ce temps passé « sur les bancs de l’école » inutile.
REPÉRER DES ÉLÉMENTS « REMARQUABLES »
Soyez attentif : un rocher plus rond que les autres, un petit herbier, une faille caractéristique sont autant d’éléments qui doivent vous aider à vous orienter au fond. N’hésitez pas, si vous prévoyez un schéma de plongée en aller-retour, à vous retourner de temps en temps pour visualiser l’aspect du paysage tel que vous devriez le découvrir quand vous déciderez de rentrer. Dans votre tête, vous dessinerez ainsi une sorte de carte mentale de votre plongée. Vous pouvez aussi dessiner quelques éléments sur une tablette immergeable, mais ne tombez pas dans l’excès en passant votre plongée le nez sur un dessin : certes, vous ne vous perdrez pas, mais vous n’aurez profité de rien.
SURVEILLER SA PROFONDEUR ET ESSAYER D’ÉVALUER LES DISTANCES
Essayez, une fois que vous êtes au fond, de conserver une profondeur à peu près constante. Cela pourra vous éviter de vous égarer, en remontant par exemple de cinq mètres pour vous retrouver devant un gros rocher que vous n’aviez pas vu à l’aller et qui risque de vous désorienter. Et à moins qu’il y ait beaucoup de courant, essayez d’évaluer la distance par rapport au temps écoulé, en palmant toujours à peu près de la même façon. Si au retour vous palmez depuis dix minutes et que vous n’avez toujours pas repéré l’arche devant laquelle vous aviez pris à droite, ne vous obstinez pas à aller plus loin, c’est que vous faites fausse route.
UTILISER LE SOLEIL, LE COURANT, LE FOND
Essayez de réactiver vos sens ! Comme un indien sur la trace du gibier, utilisez les éléments qui vous entourent pour essayer de vous positionner en vous posant des questions simples : quand je suis parti, quelle était la position du soleil par rapport à moi ? Juste derrière ? Donc pour rebrousser chemin je dois maintenant lui faire face (à moins que vous plongiez deux heures et qu’il ait beaucoup bougé). Le courant s’il y en a, il était contre moi ou il me poussait ? Et si le fond est sableux, n’oubliez pas de regarder simplement les vaguelettes de sable : elles sont forcément parallèles à la côte, et de plus en plus serrées au fur et à mesure que l’on se rapproche du rivage.
CHOISIR LA FORME DE SON PARCOURS
Traditionnellement, les parcours de plongée tournent plus ou moins autour de trois formes principales : l’aller-retour, le plus simple et parfaitement adapté à l’exploration d’un tombant par exemple, mais aussi le triangle ou le carré, si le but de la plongée est de faire le tour d’une construction corallienne ou d’un sec rocheux dans des eaux moins tropicales. Le cas des plongées dérivantes est bien sûr mis à part, puisqu’il est alors impossible de revenir à son point de départ. C’est là, lorsqu’il s’agit de suivre plus ou moins les contours d’une figure géométrique, que l’utilisation d’un compas peut s’avérer judicieuse.
UTILISER DES INSTRUMENTS
Selon les conditions de plongée, notamment en cas de mauvaise visibilité, ou de plongée de nuit, les instruments peuvent se révéler une aide précieuse. Mais encore faut-il savoir s’en servir ! N’hésitez pas à vous faire expliquer le fonctionnement de votre compas si vous en possédez un. Encore une fois, comme c‘est souvent le cas en matière de plongée, inutile de « faire croire qu’on sait ». Imaginez vous trente secondes au fond en train de tourner votre compas dans tous les sens en vous demandant à quoi peut bien servir cette chose alors que vous auriez pu avoir la réponse une demi-heure plus tôt. C‘est sûr, vous aurez des regrets ! Evidemment, plonger en utilisant un compas suppose de suivre une route dès le début de la plongée, pour pouvoir ensuite changer de cap !
EN TOUT DERNIER RECOURS
Vous serez parfois amenés, la quantité d’air disponible dans votre bouteille diminuant dangereusement (et n’oubliez pas que vous devez, si besoin est, faire vos paliers), à faire surface. Par temps calme et bonne visibilité, cela règle en général immédiatement le problème, il ne vous reste plus qu’à palmer pour rejoindre le bord ou à faire signe au bateau qui vous apercevra de loin et viendra vous récupérer. Dans des conditions plus rudes, l’attente avant que l’on vous trouve peut-être longue. Et si vous plongez dans une zone où le trafic maritime est important, le risque d’accident est réel. Gardez votre calme, ne vous épuisez pas en efforts inutiles, et pensez immédiatement si vous le pouvez à gonfler votre parachute, il permettra de vous repérer.
POUR LES MORDUS, UNE DISCIPLINE À PART ENTIÈRE
Et pour les plus mordus, l’orientation subaquatique est en fait une discipline à part entière, dotée d’une commission au sein de la Fédération. Mais là, on change de catégorie, et les pratiquants les plus chevronnés sont capables de réaliser des parcours compliqués, sans aucune visibilité. Pour vous, elle restera sans doute seulement le moyen de profiter à fond de vos explorations, sans vous demander avec angoisse à quelle heure vous arriverez enfin à localiser le bateau !
Texte : Isabelle Croizeau