Texte : Olivier Clot-Faybesse – Images : Fabrice Dudenhofer
Une croisière en mer Rouge toute entière dédiée aux épaves! Au menu : la découverte de navires engloutis souvent emblématiques. Mais aussi d’autres, plus anonymes et modestes, vestiges, restes de containers ou de barcasses oubliées : un programme ciblé qui, saura faire rimer métal avec régal.
Est-il encore nécessaire de présenter la mer Rouge ? Une destination bénie des Dieux car proche de l’Europe et bon marché. Une mer offrant une riche vie aquatique qui évolue dans des flots le plus souvent clairs et tièdes. Certes, la sécurité a posé question, en particulier dans le Sinaï. Mais, rappelons-le, de l’autre côté du golfe de Suez, d’El Gouna au grand sud, le calme règne. Le voyageur plongeur n’a été victime à ce jour que de gros coups de soleil, d’un mal de mer tenace ou d’une bonne gastro. Les plus malchanceux auront eu les trois à la fois, alors que les très très malchanceux y ajouteront la piqûre d’un poisson lion ou une involontaire caresse à une branche de corail de feu.
La mer Rouge, cette traîtresse
Rien de bien méchant donc, et certainement pas de quoi s’interdire le plaisir d’aller tremper ses palmes dans un environnement aussi privilégié! Pour autant, partir en Égypte pour n’y visiter que des carcasses de navires pose a priori question. Certes, la destination garantit de l’épave en quantité et en diversité, la mer Rouge ayant été et restant un véritable danger pour la navigation. Mais avec un écosystème possédant un catalogue riche de milliers d’espèces sous-marines, de l’endémique au bigarré en passant par le spectaculaire à ailerons, une thématique centrée sur l’exploration de navires engloutis semble quelque peu rédhibitoire ou réductrice. Sauf qu’avec les épaves de la mer Rouge, le plongeur gagne à tous les coups.
L’épave, un pari gagnant
Pourquoi ? C’est simple. Il y a d’un côté des vestiges bien conservés, chargés d’histoire et majoritairement accessibles car reposant à des profondeurs raisonnables, et de l’autre la découverte d’une vie à profusion puisque les épaves servent d’abri à une multitude d’espèces et que les plus anciennes sont souvent colonisées et par la faune et par la flore. D’ailleurs, la question de choisir entre métal ou récif ne se pose pas réellement. En mer Rouge, nombre de bateaux ont coulé en raison de la présence d’un récif, cause directe de leur perte… Alors entre épaves photogéniques et ambiances de qualité, le bonheur n’est pas très loin. Ajoutons-y un zeste d’originalité avec la découverte de fortunes de mer très peu plongées et voilà le fait de s’embarquer pour cette croisière “spécial épave” pleinement justifié.
In my Guide I trust
Pour qu’un tel séjour prenne le chemin de la réussite, il faut néanmoins réunir trois facteurs. Le premier ne se commande pas, il s’agit de la météo. Les deux autres, si : à savoir, un capitaine compétent et un guide connaissant son boulot. C’est le cas de Marc Van Espen.
Modeste, il ne révèlera qu’après quelques bières qu’il fut un des premiers, en 1991, à faire surface dans la grotte Cosquer. Mais ce qui nous importe, c’est que ce moniteur belge possède une connaissance bibliographique des épaves de la mer Rouge. Un bon millier de plongées lui a permis de connaître les secrets intimes d’une majorité d’entre elles. De plus, il a suffisamment de pédagogie pour rendre intéressant un exposé sur l’évolution de la propulsion à vapeur à travers les siècles. Et ce, en fin de journée, après un lever aux aurores et trois immersions au compteur, c’est dire ! Ultime particularité, la sangle passée autour du cou de notre homme porte un GPS de poche. Dans l’appareil, les points de dizaines d’épaves, des plus connues aux plus confidentielles.
Ambiances contrastées
C’est d’ailleurs sur une de ces dernières que le classique check-dive a lieu. En l’occurrence, un chalutier anonyme gisant dans la baie d’Hurghada. Posé sur le fond bien à plat, cette petite merveille est intacte en dehors de son plancher en bois qui achève de se désagréger.
La trappe surplombant la salle des machines est masquée par une nuage dense de poissons verre. Inévitablement, quelques poissons lions sont embusqués à proximité. À la base du mât qui se dresse vers la surface, des coraux mous se balancent mollement dans un léger courant…
Cap ensuite sur le tout proche El Minya. Cet ancien démineur d’origine russe a été coulé en février 1970 par des avions de chasse israéliens. Couché sur son flan bâbord, ses canons et mitrailleuses anti-aériennes sont encore en place, alors que des munitions dispersées gisent sur le sable.
Il est clair qu’avec le El Minya, on est loin de l’ambiance récif avec sa myriade de poissons tropicaux.
Respect my wreck !
De la guerre, il en sera question encore lors de notre visite au Thistlegorm. On ne présente plus ce cargo mondialement réputé qui, une funeste nuit d’octobre 1941, est devenu un véritable musée militaire sous-marin. Depuis, des milliers de plongeurs ont visité ses cales, dont certains n’hésitent malheureusement pas à ajouter leur contribution personnelle aux outrages du temps. C’est ainsi qu’entre novembre 2015 et juin 2016, un des deux derniers véhicules qui avait conservé son volant, l’a “perdu” !
La suite de l’itinéraire va comprendre d’autres valeurs sûres. Des épaves aux dimensions conséquentes, pour certaines connues car plongées à l’occasion lors de croisières traditionnelles. Nous, nous allons les visiter les unes après les autres. Le cargo anglais Rosalie Moller, coulé seulement deux jours après le Thistlegorm, fait. Kingston et Dunraven, deux vapeurs de la fin du XIXe siècle, fait. Fait aussi, le tiercé gagnant des fortunes de mer reposant au pied d’un même récif, celui d’Abu Nuhas. À savoir, dans l’ordre chronologique où les bateaux se le sont payés, le Carnatic (1869), le Giannis D (1980) et le Chrisoula K (1981).
Récifs artificiels
Quant à la vie sous-marine, elle aura été, comme prévu, le plus souvent abondante sur nos vestiges. À l’image de ces containers complètement colonisés, à Ras Mohammed, de cette jungle de coraux mous qui a envahi la proue du Dunraven ou encore de ce bossoir du Carnatic, peut-être le plus superbement colonisé au monde, tout comme aussi ce bout de mât du Giannis D. Il y a également la vision de cette ancre du Chrisoula K, qui avec le temps a littéralement fusionné avec le récif. Sans compter les rencontres : tortues passant nonchalamment au-dessus du pont du Kingston, murènes blanches dissimulées dans les restes de l’Emperor Frazer, un bateau de croisière ou encore cette autre murène, beaucoup plus balèze, croisée lors de l’exploration de nuit de la barque de Bluff Point.
Seul regret, un vent fort le dernier jour qui nous empêchera de visiter les trois monstres d’acier qui reposent dans la grande baie de Safaga : les ferrys Salem Express, El Arish et El Kahfain. La météo est bien, en effet, le seul paramètre qui ne se commande pas.
Intéressé ?
Marc Van Espen organise pour le croisiériste Dune un à deux itinéraires “spécial épaves” par an, généralement entre juin et septembre. Pour connaître les dates 2017 des croisières animées par Marc, se renseigner directement auprès de Dune.
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Merci pour l’info, mais j’ai acheté ce livre dès sa sortie, 😉