« Requiem pour un géant », le film tourné par Patrick Masse en novembre dernier à Guadalupe, vient de remporter le Prix Spécial du Jury au 44e Festival International du Film Maritime, d’Exploration et d’Environnement de Toulon. Nous lui avons demandé de nous raconter comment et pourquoi il a fait ce film.
SUR LA ROUTE DES GRANDS BLANCS
Guadalupe, comme nous l’avons déjà évoqué dans nos pages, est pour les amoureux du Grand Blanc une destination magique, révélée lors du tournage d’Océans. Située dans le Pacifique à 240 kilomètres de la côte ouest de la Basse Californie au Mexique, l’île aux eaux claires, où la visibilité atteint parfois les quarante mètres, se trouve sur la route des Grands Blancs. Chaque année, ils semblent y faire escale dans la longue traversée qui les mène de la Californie à Hawaï. Au mois d’août, en tout début de saison, on y croise les plus jeunes et donc les plus petits. Mais à l’automne, autour du mois de novembre, c’est au tour des plus gros individus, souvent des femelles, de mettre le cap sur Guadalupe.
PREMIÈRE EN CAGE POUR PATRICK MASSE
Les requins, Patrick Masse connaît. « A ce jour, dit-il, j’ai plongé avec 14 espèces de requins différents dont les grands prédateurs que sont les Tigres et les Longimanes et les grands requins marteaux. Mais c’est la première fois que je plongeais en cage et la première sensation que j’ai éprouvée a été celle d’une grande frustration de ne pas pouvoir partager le même élément que mon sujet. Après la disparition de ce sentiment très égoïste en somme, j’ai pu me concentrer sur l’animal et appréhender l’impression de puissance et de majesté qu’il dégage. Le grand blanc est un peu à l’image du lion sur terre, le plus puissant prédateur et le maître incontesté des océans. »
UNE GRANDE FEMELLE QUI CABOTINE
« Seuls les 3 “acteurs” du film, précise Patrick, ont plongé hors cage. Aucun autre participant à l’expédition ne l’a fait même si cela était prévu au départ. Si les barreaux de ma cage étaient assez espacés pour me permettre de sortir complètement de celle-ci et filmer quelques plans, je suis resté prisonnier de mon détendeur et de la bouteille qui était fixée à l’intérieur de la cage. Tous les plans ont donc été tournés depuis les cages de surface ou depuis la cage immergée à une douzaine de mètres. Mais conscients de ces restrictions, les plongeurs ont évolué près des cages pour optimiser les plans du film. Ensuite, j’ai simplement eu beaucoup de chance : notre grande femelle s’est prêtée au jeu ! »
DES ANIMAUX ÉNORMES
Et l’animal, comme de nombreux spécimens que l’on croise à Guadalupe, est énorme. Ici, les Grands Blancs dépassent souvent cinq mètres de long, particulièrement les femelles que l’on observe surtout en fin de saison, et sont particulièrement larges et massifs. Par rapport à un requin tigre de la même longueur le grand blanc est près de 2 fois plus gros. C’est un autobus, mais un autobus capable d’accélérer tel une Ferrari. « François Sarano, interviewé après le film disait que sa seule pectorale devait mesurer entre 1m et 1,20 m …. C’est la taille standard de 80 % des requins…Dans les eaux limpides de Guadalupe, la rencontre avec le grand Blanc est un spectacle qui laisse des étoiles pleins la tête et que je souhaite à tout être humain, plongeur ou pas. »
CHACUN DOIT PRENDRE SES RESPONSABILITÉS
« Ce film, explique Patrick, est en fait le deuxième d’une série (le premier était “Le Bal des Requins”) visant à dénoncer le commerce des requins pour leurs ailerons et l’hypocrisie de l’Occident accusant la Chine, le Japon ou d’autres nations de décimer nos océans : les requins ne disparaissent pas parce qu’ils sont dangereux ou nuisibles. Leur disparition est liée à la démocratisation en Chine principalement de la consommation de leur ailerons entrant dans la fabrication de la soupe d’ailerons de requins. Mais si c’est la Chine qui consomme, ce sont les flottes de pêche occidentales qui exterminent, avec parmi elles, la flotte européenne représentant la première flotte de pêche aux requins du monde. Viennent ensuite Taiwan et l’Amérique du sud… »
SENSIBILISER LE PUBLIC
Le but est aussi de sensibiliser le public à l’importance écologique de la préservation des requins. Les océans sont en danger, et les requins placés au sommet de la chaîne alimentaire sont en voie de disparition. Si un chaînon aussi important disparaît, c’est l’ensemble qui va être déséquilibré. La disparition des squales est renforcée par l’ignorance dans laquelle se trouve la population mondiale pour qui ce qui se passe sous la mer. Le but de mes films est donc de vulgariser l’univers sous-marin pour tous ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas aller voir par eux même. »
AVEC L’ASSOCIATION « REQUINS EN PÉRIL »
Ces films serviront également de support à l’association “Requins en péril”, dont Patrick est l’un des membres fondateurs, tout comme Richard ALLAN qui en est le président, pour les actions d’information qu’elle compte mettre en place. Cette association est en cours de création mais sa page Facebook est déjà active. Dès le 10 novembre le film sera en ligne sur celle-ci et bien entendu sur votre site préféré : scuba-people.com… Le film sera également en compétition au Festival de l’Image Sous-Marine à Marseille du 1 au 4 novembre prochain. Puis peut-être en Italie et à Strasbourg en février.
MAIS ATTENTION, PAS D’ANGÉLISME POUR AUTANT
Si Patrick Masse, à travers ce film et à travers l’association, prend fait et cause pour les Grands Blancs mais aussi pour les autres espèces, il rappelle qu’il ne faut pas non plus tomber dans l’angélisme : « Certains pensent que les requins ne sont pas dangereux. Qu’ils ne s’y trompent pas. Armés comme ils le sont, les grands requins sont dangereux pour l’homme. La preuve en a été faite plusieurs fois à la Réunion cette année. »
Mais il souligne aussi que la majorité des attaques sont des erreurs intervenant dans des conditions de visibilité réduites ou quand le requin est trompé par un leurre (planche du surfeur par exemple). Les dégâts occasionnés par un grand prédateur sont très importants, mais rarement mortels parce que le requin réalise le plus souvent qu’il s’est trompé et ne renouvelle habituellement pas son attaque !!!
«Heureusement, conclut-il, nous ne figurons pas dans leur régime alimentaire habituel et les requins sont rarement agressifs en dehors de certaines espèces très territoriales. S’ils l’étaient, l’être humain n’aurait jamais pu apprendre à nager dans les océans. Pour conclure sur ce sujet, l’homme est bien plus dangereux pour les requins que l’inverse !
2 chiffres seulement pour l’attester : 100 millions de requins pêchés pour leurs ailerons chaque année, 60 attaques de requins dont 4 à 6 décès en moyenne chaque année, la quasi totalité en raison d’hémorragie massive, et non pas dévorés comme le racontent les tabloïds.»
Texte : Isabelle Croizeau / Vidéo : Patrick Masse
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@ Christophe : T le pote d’Yves l’helvète???